[Mutation en citoyen constituant] Vincent Lindon : « comment ce pays si riche… »

6/05/2020 | 6 commentaires

Vers la fin de cette bonne syn­thèse, Vincent mute en citoyen constituant 🙂

Source : Media­part, https://​www​.media​part​.fr/​j​o​u​r​n​a​l​/​f​r​a​n​c​e​/​0​6​0​5​2​0​/​u​n​-​a​p​p​e​l​-​d​e​-​v​i​n​c​e​n​t​-​l​i​n​d​o​n​-​c​o​m​m​e​n​t​-​c​e​-​p​a​y​s​-​s​i​-​r​i​chehttps://​www​.media​part​.fr/​j​o​u​r​n​a​l​/​f​r​a​n​c​e​/​0​6​0​5​2​0​/​u​n​-​a​p​p​e​l​-​d​e​-​v​i​n​c​e​n​t​-​l​i​n​d​o​n​-​c​o​m​m​e​n​t​-​c​e​-​p​a​y​s​-​s​i​-​r​i​che

 

Com­ment ce pays si riche…

Tra­ver­sé par le flot inces­sant des com­men­taires, déso­rien­té par l’addition d’analyses sou­vent contra­dic­toires, j’ai ten­té de réflé­chir à la ques­tion la plus banale : mais com­ment avons-nous pu en arri­ver là ? À cette situa­tion inédite, lit­té­ra­le­ment stupéfiante.

Spé­cia­liste en rien, inté­res­sé par tout, il m’a paru pour­tant utile de contri­buer en fai­sant entendre une voix sim­ple­ment citoyenne. Suis-je légi­time pour inter­pel­ler nos diri­geants, tous pro­fes­sion­nels de la chose publique, tous diplô­més des meilleures écoles ? Pas plus qu’un autre sans doute, mais pas moins non plus, ayant pris soin de consul­ter nombre d’avis auto­ri­sés, notam­ment dans le domaine de la san­té, où André Gri­mal­di [pro­fes­seur émé­rite de dia­bé­to­lo­gie au CHU de la Pitié-Sal­pê­trière – ndlr] m’a appor­té son éclairage.

Com­ment ce pays si riche, la France, sixième éco­no­mie du monde, a‑t-il pu désos­ser ses hôpi­taux jusqu’à devoir, pour évi­ter l’engorgement des ser­vices de réani­ma­tion, se rési­gner à se voir accu­lé à cette seule solu­tion, utile certes, mais moyen­âgeuse, le confi­ne­ment ? Nous qui, au début des années 2000 encore, pou­vions nous enor­gueillir d’avoir le meilleur sys­tème de san­té du monde.

C’était avant.

Avant que s’impose la folle idée que la san­té devait être ren­table, puisque tout désor­mais devait être mar­chan­dise, jusqu’à la vie des hommes.

Un espoir s’était pour­tant levé avec le nou­veau chef de l’État Emma­nuel Macron, et son pro­gramme pro­met­tant un « inves­tis­se­ment mas­sif dans le sys­tème de san­té ». Hélas, l’élection acquise, il pré­fé­ra pour­suivre l’action de ses pré­dé­ces­seurs. S’il n’est donc que le der­nier ava­tar d’une même poli­tique, il porte pour­tant une res­pon­sa­bi­li­té par­ti­cu­lière, pour avoir igno­ré tous les signaux d’alerte.

Douze mois de grève des urgences ? Les patients patienteront.

1 200 chefs de ser­vice démis­sionnent de leurs fonc­tions admi­nis­tra­tives ? Moins de paperasse.

Pré­sence mas­sive des soi­gnants dans toutes les mani­fes­ta­tions ? Sor­tez les LBD et les gre­nades de désencerclement…

Au-delà de la san­té, c’est l’ensemble du sec­teur public qui subit depuis des décen­nies les coups de bou­toir des pré­si­dents qui se suc­cèdent avec tou­jours la même obses­sion : réduire la place de l’État dans l’économie. La recette est simple : pri­va­tions pour ce qui coûte (l’éducation, la jus­tice, la police, l’armée, la san­té…) et pri­va­ti­sa­tions pour ce qui rapporte.

Tan­dis que les bud­gets des minis­tères réga­liens sont com­pri­més et les salaires de leurs fonc­tion­naires blo­qués, la grande bra­de­rie est ouverte. Vil­le­pin solde les auto­routes, Nico­las Sar­ko­zy fait absor­ber Gaz de France par un groupe pri­vé, Suez, et enfin Fran­çois Hol­lande, sous la férule de Macron, démembre Alstom pour le plus grand pro­fit de l’américain Gene­ral Electric.

Avec l’arrivée d’Emmanuel Macron, la fête conti­nue. Deux entre­prises publiques, la Fran­çaise des jeux (FDJ) et Aéro­ports de Paris (AdP), sont très ren­tables ? Vendez-les !

Pour com­prendre l’attachement aveugle de notre pré­sident à cette ligne idéo­lo­gique, il est néces­saire de reve­nir sur trois années d’exercice de son pou­voir, que notre Consti­tu­tion a vou­lu absolu.

Qu’en rete­nir ?

Dès les pre­miers jours, une évi­dence : le goût du nou­veau pré­sident pour la pompe et les rites de la monar­chie, se met­tant régu­liè­re­ment en scène dans les décors de la royau­té ; ain­si a‑t-il choi­si le palais du Louvre pour son intro­ni­sa­tion, mar­chant seul devant la pyra­mide, le châ­teau de Ver­sailles pour rece­voir Vla­di­mir Pou­tine, l’empereur du Japon ou 150 mil­lion­naires high-tech et, enfin, celui de Cham­bord pour célé­brer son 40e anniversaire.

Une pré­di­lec­tion annon­cée par des décla­ra­tions anté­rieures – en 2015, il affir­mait déjà : « Dans la poli­tique fran­çaise, l’absent est la figure du roi, dont je pense fon­da­men­ta­le­ment que le peuple fran­çais n’a pas vou­lu la mort » – et confir­mée jusque dans son pro­gramme, qui pré­voyait de réta­blir les chasses pré­si­den­tielles. Ce qui n’a rien d’un détail.

L’ego com­blé, le jeune homme allait pou­voir s’attaquer à son grand œuvre : bâtir cette « start-up nation » où les « pre­miers de cor­dée » allaient tirer vers les cimes ces « Gau­lois réfrac­taires ». Au pas de charge : sup­pres­sion de l’ISF et allè­ge­ment de l’impôt sur les pro­fits finan­ciers pour les uns, réformes res­tric­tives du droit du tra­vail ou des allo­ca­tions chô­mage et baisse des APL pour les autres. Cinq euros en moins sur les APL ! Mais qu’est-ce qui peut bien pas­ser par la tête d’un diri­geant pour accou­cher d’une aus­si mau­vaise idée ? La brume des som­mets obs­cur­cit-elle le juge­ment au point de lui faire oublier le poids des sym­boles ? C’était donc ça le « en même temps » macro­nien, des offrandes pour ceux qui n’ont besoin de rien, des sacri­fices pour ceux qui ont besoin de tout ?

Mais c’est le pre­mier été du quin­quen­nat, et tout semble encore per­mis au conqué­rant de l’Élysée. Mal­gré quelques pro­tes­ta­tions, le nou­veau monde impose ses lois grâce au sou­tien de sa majo­ri­té obéis­sante et reconnaissante.

Pre­mier grain de sable à l’été 2018, l’affaire Benal­la et son trai­te­ment rocam­bo­lesque, qui jette une lumière crue sur la concep­tion et les pra­tiques du pouvoir.

Avec l’automne, un vent se lève, une révolte inat­ten­due et pour­tant évi­dente : des femmes et des hommes en jaune enva­hissent les ronds-points et les Champs-Ély­sées, natu­rel­le­ment accom­pa­gnés par une très faible mino­ri­té qui pré­texte le port de la cha­suble pour cas­ser plu­tôt que pour reven­di­quer, une reven­di­ca­tion légi­time qui emporte l’adhésion de l’opinion, contrai­gnant le gou­ver­ne­ment à un repli tac­tique : 10 mil­liards jetés à la hâte pour ten­ter d’éteindre la colère sociale.

Trop tard. Les sacri­fiés de la mon­dia­li­sa­tion ultra­li­bé­rale veulent plus. Plus de moyens, certes, mais aus­si plus de pou­voirs, notam­ment celui de contrô­ler ceux dont la mis­sion est de les représenter.

Après la carotte, vient le temps du bâton. Une répres­sion bru­tale, poli­cière, avec mains arra­chées et mani­fes­tants ébor­gnés, mais aus­si judi­ciaire, avec une dis­tri­bu­tion mas­sive de condam­na­tions fermes. Pen­dant que les pou­voirs exé­cu­tif et judi­ciaire répriment, les légis­la­teurs fer­raillent pour impo­ser une réforme des retraites dont une majo­ri­té des Fran­çais ne veut pas.

Occu­pés à bâtir leur nou­veau monde, les res­pon­sables n’accordent qu’une atten­tion dis­traite à un virus agres­sif qui, par­ti de Chine, va très vite rava­ger la pla­nète et enva­hir la tota­li­té de l’espace poli­tique, don­nant à nos gou­ver­nants l’occasion de mon­trer l’étendue de leur compétence.

Dans les hôpi­taux, la situa­tion est dra­ma­tique. On manque de tout, de masques, de gel, de tests, de res­pi­ra­teurs, de lits et de per­son­nels en réani­ma­tion. Le 29 février, après que le Covid-19 a fait ses pre­mières vic­times en France, Édouard Phi­lippe convoque un conseil des ministres extra­or­di­naire consa­cré au virus. Une grande déci­sion en res­sort : uti­li­ser le 49–3 pour faire adop­ter la réforme des retraites !

Alors que l’épidémie pro­gresse, se fai­sant pan­dé­mie, le pou­voir s’affole, s’agite comme un pou­let sans tête. Sur quoi s’interroge l’exécutif aux pre­miers jours de mars ? Mais sur le main­tien des muni­ci­pales, bien sûr ! La veille du pre­mier tour, le pre­mier ministre joue les contor­sion­nistes, invi­tant les Fran­çais à res­ter chez eux, mais, en même temps, à aller voter. Cha­peau l’artiste !

Pen­dant que nos voi­sins alle­mands se mettent en ordre de bataille, le gou­ver­ne­ment fran­çais peau­fine sa communication.

Une seule stra­té­gie, mentir.

Relayant le dis­cours pré­si­den­tiel, l’équipe gou­ver­ne­men­tale mul­ti­plie les décla­ra­tions absurdes et contra­dic­toires. Ain­si affirme-t-on suc­ces­si­ve­ment qu’il ne s’agit que d’une « grip­pette », que l’épidémie, comme le nuage de Tcher­no­byl, ne tou­che­ra pas la France – alors même qu’à notre fron­tière sud, l’Italie est frap­pée –, puis qu’elle est « sous contrôle », avant de devoir avouer la gra­vi­té de la situation.

Sur la ques­tion cru­ciale des masques de pro­tec­tion, la parole offi­cielle est schi­zo­phrène : aux pre­miers temps, leur uti­li­té est affir­mée. D’ailleurs, il y en a des mil­lions en stock, prêts à être dis­tri­bués à la popu­la­tion en cas de besoin. La menace virale se pré­ci­sant, les masques sont sou­dain décla­rés inutiles, voire dan­ge­reux puisqu’on ne sait pas s’en ser­vir. Ce qui est fort oppor­tun, puisque les stocks se sont volatilisés.

Pschitt…

Plus de masques.

Pas même de quoi équi­per tous les soi­gnants qui doivent mon­ter au front armés de leur seul cou­rage. Bon, d’accord, pas de masques, mais ils arrivent. Quand ? Mais demain, bien sûr ! Hélas, les jours et les semaines passent, la pénu­rie per­siste. Igno­rés, mépri­sés et matra­qués quelques semaines plus tôt, les soi­gnants sont désor­mais por­tés aux nues.

Pour le com­mun des Fran­çais, le confi­ne­ment est la règle, chô­mage tech­nique pour les uns, télé­tra­vail pour les autres. Tous les Fran­çais ? Non. Pour les cais­sières, les livreurs, les éboueurs, les poli­ciers ou les pom­piers, l’activité doit se pour­suivre, quels que soient les périls. Eux qui for­maient le gros des bataillons en gilet jaune, naguère vili­pen­dés, sont désor­mais offi­ciel­le­ment essen­tiels. Exit les pre­miers de cor­dée, place aux pre­miers de corvée.

Le 23 avril, dans une adresse solen­nelle à la nation, le pré­sident Macron annonce enfin le décon­fi­ne­ment pour le 11 mai. Pour­quoi le 11 plu­tôt que le 5 ? Pour­quoi mai plu­tôt que juin ? Parce que.

Deux semaines plus tard, le pre­mier ministre en dévoile les condi­tions. Acte 1 : réou­ver­ture des crèches et des écoles pri­maires. Curieux puisqu’elles avaient été les pre­mières à être fer­mées, avant même le début du confi­ne­ment, au motif qu’elles étaient un lieu hau­te­ment favo­rable à la pro­pa­ga­tion du virus… Évi­dem­ment éco­no­mique – il s’agit bien sûr de libé­rer les parents de l’obligation de gar­der leurs jeunes enfants, pour leur per­mettre de reprendre le tra­vail –, la véri­table rai­son de ce choix sera pas­sée sous silence, voire niée, alors même qu’elle est audible : vou­loir évi­ter l’effondrement total de l’activité et son cor­tège de drames est après tout une moti­va­tion hau­te­ment respectable.

Empê­tré dans ses men­songes et ses omis­sions, le pour­voir ter­gi­verse. Très vite, le dis­cours s’infléchit : l’obligation de retour­ner en classe ne s’appliquera pas sys­té­ma­ti­que­ment. Les maires, les pré­fets pour­ront déci­der, ou non, de s’y conformer.

Mieux, les parents seront libres de gar­der leurs enfants à la mai­son. Dans les milieux favo­ri­sés, on n’hésitera guère. Mais dans les milieux plus modestes, le dilemme est cor­né­lien. Alors que le chô­mage enfle, dois-je expo­ser mon enfant au risque de tom­ber malade, ou accep­ter l’éventualité de perdre mon emploi ? Et si les parents sont d’avis contraires, le couple pour­ra-t-il résis­ter, notam­ment si les choses tournent mal ? Ques­tions sans réponses…

Une bonne nou­velle, pour­tant : les masques arrivent. Des masques en tis­su, lavables et réuti­li­sables. Effi­caces ? « Oui, dit le Pr Gri­mal­di, contre la trans­mis­sion du virus. Mais comme ils n’empêchent pas le por­teur d’être infec­té lui-même, la mesure ne vaut que si elle s’impose à tous, dans l’espace public au moins. » Pri­son­nier de son dis­cours récent, le gou­ver­ne­ment ne peut se résoudre à rendre obli­ga­toires par­tout ces masques qu’hier encore il décla­rait inutiles. « Pour­tant, ajoute le PGri­mal­di, on a le droit de se trom­per, mais le devoir de recon­naître ses erreurs. »

Au rythme où s’enchaînent les évé­ne­ments, ce droit à l’erreur pour­rait bien m’être utile, mes pro­pos ris­quant de deve­nir rapi­de­ment caducs, tant les stra­té­gies gou­ver­ne­men­tales oscil­lent, sinon à la vitesse de la lumière, au moins à celle où se pro­page le virus.

En termes de ges­tion et de com­mu­ni­ca­tion de crise, je ne sais pas qui aurait pu faire mieux, mais je ne vois pas qui aurait pu faire pire.

En met­tant au jour ses insuf­fi­sances, cette crise pour­rait-elle être l’occasion d’une refonte radi­cale de notre démo­cra­tie ? Dans un dis­cours célèbre, Chur­chill affir­mait que c’était là « le pire des sys­tèmes, à l’exclusion de tous les autres ». Mais, ajou­tait-il aus­si­tôt, « la démo­cra­tie n’est pas un lieu où on obtient un man­dat déter­mi­né sur des pro­messes, puis où on en fait ce qu’on veut ».

Si l’on s’accorde pour ne pas chan­ger de sys­tème, alors il faut chan­ger LE système.

Mais l’urgence est ailleurs. Déjà insup­por­tables, les inéga­li­tés ont explo­sé avec la pan­dé­mie. Confi­nés dans des loge­ments exi­gus ou contraints d’affronter les périls, les plus fra­giles vivent des jours ter­ri­ble­ment dif­fi­ciles. Et leurs len­de­mains ne chantent pas. Après la crise sani­taire, ils seront sûre­ment les pre­mières vic­times de l’inévitable catas­trophe éco­no­mique et sociale.

Que faire ?

L’État ne pou­vant pas tout, il me paraît impé­ra­tif d’innover. Com­ment ? En deman­dant aux plus grosses for­tunes une soli­da­ri­té envers les plus dému­nis. Cette idée, juste et légi­time, pour­rait prendre la forme d’une contri­bu­tion excep­tion­nelle, bap­ti­sée « Jean Val­jean », conçue comme une forme d’assistance à per­sonnes en dan­ger, finan­cée par les patri­moines fran­çais de plus de 10 mil­lions d’euros, sans acro­ba­ties, à tra­vers une taxe pro­gres­sive de 1 % à 5 %, avec une fran­chise pour les pre­miers 10 mil­lions d’euros.

À période excep­tion­nelle, contri­bu­tion excep­tion­nelle. Même si j’applaudirais évi­dem­ment tout amen­de­ment visant à péren­ni­ser cet effort de réduc­tion des inéga­li­tés. Après tout, une fois peut deve­nir coutume.

D’après les éco­no­mistes que j’ai pris soin de consul­ter, cette contri­bu­tion devrait repré­sen­ter envi­ron 36 à 37 mil­liards d’euros, qui seront dis­tri­bués aux quelque 21,4 mil­lions de foyers trop pauvres pour être assu­jet­tis à l’impôt sur le revenu.

Compte tenu de l’urgence, l’État assu­re­rait la tré­so­re­rie et abon­de­rait mar­gi­na­le­ment la col­lecte, leur dis­tri­buant sans délai et sans pré­lè­ve­ment, la somme de 2 000 €, à charge pour lui de recou­vrer ulté­rieu­re­ment le pro­duit de la contri­bu­tion « Jean Valjean ».

Même si je ne doute pas un ins­tant que les plus riches de nos conci­toyens se réjoui­ront de l’occasion ain­si offerte de mon­trer leur patrio­tisme et leur géné­ro­si­té, il me paraît pru­dent que les légis­la­teurs mettent en place des sanc­tions suf­fi­sam­ment dis­sua­sives pour décou­ra­ger les impro­bables mau­vaises volon­tés. Je pense ici, sur­tout, à nos com­pa­triotes domi­ci­liés fis­ca­le­ment à l’étranger, évi­dem­ment conviés à mani­fes­ter leur solidarité.

Mon rôle n’est évi­dem­ment pas d’entrer dans le détail de ces sanc­tions. Je vou­drais néan­moins en pro­po­ser une, essen­tiel­le­ment sym­bo­lique – car je crois, moi, à la force du sym­bole : allé­ger les réfrac­taires de leurs pesantes déco­ra­tions (Ordre du mérite ou Légion d’honneur, par exemple) pour leur per­mettre de gam­ba­der libre­ment dans les cou­loirs des hôpi­taux étran­gers, voire fran­çais, où ils seraient évi­dem­ment les bien­ve­nus après avoir refu­sé de finan­cer notre sys­tème de san­té natio­nal et plus géné­ra­le­ment notre ser­vice public. En un mot, leur pays.

Bien sûr, je sais que ces pré­cau­tions seront sans nul doute inutiles, tous ces pri­vi­lé­giés étant bien conscients de ce qu’ils doivent au pays qui les a for­més et sou­vent enri­chis. Mais la confiance n’excluant pas la pru­dence, de telles dis­po­si­tions ne sau­raient nuire.

Après cette mesure d’urgence, il sera temps de nous pen­cher sur les moyens de répa­rer notre démo­cra­tie. Com­ment ? On pour­ra s’étonner que je me pose la ques­tion et plus encore que j’essaie d’y répondre. Alors, sans pré­tendre déte­nir des solu­tions – j’ai gar­dé le sens du ridi­cule –, je me risque à évo­quer quelques pistes de réflexion.

Ins­ti­tuer des contre-pou­voirs. La Consti­tu­tion de la Ve Répu­blique avait été taillée sur mesure pour le géné­ral de Gaulle. Un cos­tume bien trop grand pour ses récents suc­ces­seurs. D’autant que, depuis l’instauration du quin­quen­nat, le pré­sident dis­pose tou­jours, et pen­dant toute la durée de son man­dat, d’une franche majo­ri­té au Par­le­ment. Élue en même temps que lui, grâce à lui et sur son pro­gramme, l’Assemblée natio­nale a logi­que­ment la même cou­leur que l’Élysée et le légis­la­tif n’a donc pas voca­tion à s’opposer à l’exécutif.

Quant au pou­voir judi­ciaire, son indé­pen­dance n’est que théo­rique, tant il est simple de le contrô­ler par le jeu des nomi­na­tions et des pro­mo­tions. Depuis Mon­tes­quieu, qui a théo­ri­sé la sépa­ra­tion des pou­voirs (il n’en connais­sait que trois, lui), un qua­trième s’est impo­sé : la presse. Pro­blème : neuf mil­liar­daires en pos­sèdent l’immense majo­ri­té, on ne s’étonnera donc pas que l’intérêt des puis­sants soit ména­gé dans le trai­te­ment de l’information. Impuis­sante poli­ti­que­ment, la contes­ta­tion s’exprime là où elle le peut encore, dans la rue et dans les son­dages d’opinion.

Res­pon­sa­bi­li­ser les élus. Les élus devront être comp­tables de leur action devant le peuple dont ils ont obte­nu la confiance. Une élec­tion, c’est quoi ? C’est l’histoire d’un mec qui arrive et qui dit : « Faites-moi confiance, voi­là ce que je vais faire », et qui, une fois élu, ne le fait pas. À la place, il fait autre chose ou rien. Eh bien non, ça ne peut plus mar­cher comme ça. En cas de défaillance, il est néces­saire qu’ils puissent être démis de leur fonc­tions, démo­cra­ti­que­ment, c’est-à-dire si une frac­tion de citoyens le pro­pose et si une majo­ri­té d’électeurs l’exige.

Insis­tons : cette mesure doit s’appliquer à tous les élus, jusqu’au pré­sident de la Répu­blique, qui, en France, ne peut être démis par per­sonne en cours de man­dat, ni même être jugé depuis la scan­da­leuse déci­sion du Conseil consti­tu­tion­nel sous la pré­si­dence du dou­teux Roland Dumas.

Sanc­tion­ner sévè­re­ment les dérives, pour inter­dire l’alliance mor­ti­fère entre les copains et les coquins. Depuis des décen­nies, aucun élu, même le plus cor­rom­pu, ne craint les rigueurs de la loi. Il y a à cela une excel­lente rai­son : la pri­son, c’est pour les autres. Eux pour­ront tou­jours sol­li­ci­ter les meilleurs avo­cats et mul­ti­plier les pro­cé­dures des décen­nies durant, jusqu’au moment où les juger n’aura plus aucun sens.

D’où une pro­po­si­tion en trois points :

  1. Rendre pas­sible de longues années de pri­son ferme tout acte de cor­rup­tion avé­rée d’un élu. Parce qu’elle menace dan­ge­reu­se­ment la démo­cra­tie, en décou­ra­geant le vote notam­ment, la cor­rup­tion poli­tique me paraît un crime plus grave qu’un bra­quage de banque. Exces­sif ? Je ne pense pas. Enfant, je me sou­viens que, sur les billets de banque, il était ins­crit que « la fabri­ca­tion de fausse mon­naie [était] pas­sible des tra­vaux for­cés à per­pé­tui­té ». Pas une goutte de sang ver­sée, pour­tant, mais une atteinte cri­mi­nelle au bien commun.
  2. Défi­nir des cou­loirs judi­ciaires dédiés, pour évi­ter qu’on ne juge que des cadavres. L’ensemble des pro­cé­dures, appel et cas­sa­tion com­pris, devra être bou­clé dans les 12 mois sui­vant l’ouverture de l’instruction.
  3. Aug­men­ter for­te­ment la rému­né­ra­tion des hommes et des femmes qui choi­si­ront de ser­vir la col­lec­ti­vi­té avec com­pé­tence, zèle et inté­gri­té. Pour­quoi ? Pour avoir les meilleurs. Pour leur évi­ter la ten­ta­tion. Et pour rendre inex­cu­sable qu’ils y cèdent.

Consti­tu­tion­nelles, élec­to­rales ou judi­ciaires, ces pro­po­si­tions de réforme peuvent appa­raître éloi­gnées des pré­oc­cu­pa­tions immé­diates, en ces temps trou­blés surtout.

Je les crois pour­tant essen­tielles. Même si elles ne résolvent pas l’ensemble des pro­blèmes aux­quels notre époque est confron­tée, elles m’apparaissent néces­saires pour réta­blir l’indispensable confiance du peuple en ses repré­sen­tants, enfin comp­tables de leurs pro­messes comme de leur action, et res­pon­sables de leurs erreurs.

Vincent Lin­don.

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://​face​book​.com/​s​t​o​r​y​.​p​h​p​?​s​t​o​r​y​_​f​b​i​d​=​1​0​1​5​8​2​0​1​1​2​7​7​2​7​3​1​7​&​i​d​=​6​0​0​9​2​2​316

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6 Commentaires

  1. Desbois

    Comme il le dit lui-même, il y a très peu de chance que les règles changent et que sa pro­po­si­tion soit mis en oeuvre. L’é­co­no­mie et le sys­tème moné­taire occi­den­tal va s’ef­fon­drer sur lui-même, ouvrant la voie à la mise en place d’une dic­ta­ture pour l’Eu­rope et les Etats Unis.
    A moins que nous nous pre­nons en main et refu­sons ce sys­tème d’é­lec­tions d’é­lus qui n’est qu’une mise sous tutelle de la population.
    A cha­cun de s’or­ga­ni­ser dans les vil­lage, les quar­tiers, en ago­ra, de pro­po­ser aux élus d’en­té­ri­ner les déci­sions de l’a­go­ra ou à défaut de le faire eux mêmes en met­tant une extrême pres­sion sociale sur les élus : ils obéissent au peuple ou démissionnent.

    Réponse
  2. Mickael Bineau

    Beau texte, mais un peu naïf sur le para­graphe par­lant de mettre à contri­bu­tion les grosses for­tunes. « Vous n’êtes pas contents ? Je m’en vais » ! Voi­là ce qu’ils diront ! On ne va tout de même pas aller qué­man­der auprès de ces para­sites l’argent qu’ils nous piquent et qu’ils vont nous prê­ter. Qu’ils s’en aillent, nous on reste, en pro­lon­geant ce qu’ont fait nos anciens, pre­nons en main l’ou­til de pro­duc­tion, deve­nons copro­prié­taires d’u­sage de l’ou­til. Arrê­tons de légi­ti­mer le Capi­tal en lui deman­dant service !

    Réponse
  3. joss

    Vidéo virale de Vincent Lin­don, plus virale que le coro­na ! presque 4 mil­lions de vue déjà en quelques jours.

    Réponse

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