Le RIC est une vieille idée : Condorcet (au 18e siècle !) avait déjà réfléchi aux rouages utiles pour que le peuple participe directement aux décisions qui le concernent.
Voyez ci-dessous l’étude approfondie d’Anne-Cécile Mercier, en 2003.
Ma remarque : quand c’est le peuple lui-même qui, en 2019, aura imaginé et institué le RIC qu’il désire, je pense que celui-ci sera encore plus démocratique (car sans filtres oligarchiques et sans interdits) que celui de Condorcet 🙂
Mais c’est une chose de le dire, et c’en est une autre de le faire : à vos crayons, citoyens : il faut nous entraîner à instituer nous-mêmes notre propre puissance politique.
Bon courage à tous pour cette nouvelle année, plus prometteuse que les précédentes 🙂
Étienne.
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Source : Revue française de droit constitutionnel 2003⁄3 (n° 55), pages 483 à 512 : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2003–3‑page-483.htm
« Je n’ai eu depuis quatre ans ni une idée ni un sentiment qui n’ait eu pour objet la liberté de mon pays. Je périrai comme Socrate et Sidney pour l’avoir servi, sans jamais avoir été ni l’instrument ni la dupe, sans avoir jamais voulu partager les intrigues ou les fureurs des partis qui l’ont déchiré. J’ai soutenu le droit du peuple de ratifier expressément au moins les lois constitutionnelles et la possibilité qu’il l’exerçât, la nécessité du mode de révision régulier et paisible de réformer ces mêmes lois ; enfin l’unité entière du corps législatif.
Vérités qui, alors peu répandues, avaient encore besoin d’être développées ».
Condorcet, Fragments, 1794, Œuvres, t. 1, p. 608.
1L’Histoire façonne les renommées selon une alchimie bien mystérieuse. Celle de Condorcet ne rend pas justice au caractère visionnaire de son œuvre. Bien que faisant la liaison entre les Lumières et la Révolution, son nom n’évoque ni celui d’un éminent philosophe, ni celui d’un politique influent. Sa renommée n’est pas celle de Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot ou d’Alembert, ni celle d’un Sieyès, Mirabeau, Robespierre, Danton, Marat ou Bonaparte. Condorcet est pourtant l’une de ces rares figures qui, passant de la théorie à l’action, s’illustra tant dans la construction abstraite de nouveaux principes de gouvernement que dans la bataille politique visant à les concrétiser [1][1]« Condorcet résume dans sa propre vie presque tous les aspects…; qui dès 1787 se prononçait vigoureusement pour un suffrage universel qui n’oubliait pas les femmes [2][2]Lettres d’un bourgeois de New Haven à un citoyen de Virginie,…; qui proscrivait la peine de mort [3][3]Lettre de Condorcet à Frédéric II, 2 mai 1785, in Œuvres, t. 1,… et l’esclavage [4][4]Dès 1774 dans Remarques sur les Pensées de Pascal (Œuvres,…; qui défendait un système d’instruction publique généralisée et gratuite [5][5]Condorcet, Cinq mémoires sur l’instruction publique, 2e éd.,…; qui inventait la sociologie politique en appliquant la matière des statistiques aux méthodes de suffrages [6][6]Condorcet, Tableau général de la science qui a pour objet…; qui proposa à la France la Constitution la plus démocratique de son histoire [7][7]« Jamais il n’a existé de constitution où l’égalité ait été si….
2Il serait intéressant d’analyser les raisons de la relative méconnaissance du génie de Condorcet [8][8]« Il y a donc une certaine justice posthume à ce que ce soit le…. Sûrement avait-il moins de prestance et d’habileté que ses illustres contemporains cités plus haut [9][9]Voici comment Mlle de Lespinasse le décrit : « Il mangeait ses…. Peut-être faut-il y voir la rançon de l’indépendance d’esprit, du refus d’appartenir à un groupe identifié : appelé Girondin par les Girondins, surnommé « des nôtres » par les Jacobins [10][10]Le 12 octobre 1792, Chabot prononçait ce discours au Club des…, Condorcet n’appartenait qu’à sa volonté de faire respecter l’égalité naturelle entre les hommes [11][11]« Je ne serai d’aucun parti, comme je n’ai été d’aucun…. Après sa condamnation par la Convention [12][12]V. les extraits du Moniteur transcrivant l’intervention du…, il fut oublié des uns et honni des autres [13][13]La formule de Robespierre est terrible : « L’académicien…. Quoiqu’il en soit, une conclusion s’impose à la lecture de ses Œuvres : la plupart des idées de Condorcet devancent d’au moins un siècle l’état d’avancée de la société dans laquelle il vit. C’est ce qu’on peut dénommer sans trop d’exagération avoir du génie. Nous voudrions en donner un exemple particulier avec l’étude du droit d’initiative populaire, encore dénommé référendum d’initiative populaire.
3Le droit d’initiative populaire permet à tout citoyen d’élaborer une proposition de loi et de la soumettre aux suffrages, soit du Parlement, soit de la population, si elle réunit auparavant un nombre suffisant de souscriptions [14][14]Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, 2e éd., t. II,…. Ce droit se réfère à l’idée de démocratie directe, en ce qu’il permet à de simples citoyens de saisir directement la Nation pour proposer de nouvelles normes, sans l’interférence du Parlement [15][15]Il convient cependant de distinguer les initiatives directes…. Il se distingue néanmoins d’autres « outils » de démocratie directe, tels que le droit de veto, ou le référendum consultatif, en ce qu’il confère un pouvoir plus grand aux citoyens. A la différence en effet de ces techniques qui ne permettent que la ratification ou le rejet de projets déjà élaborés, l’initiative permet aux citoyens de provoquer la décision du législateur sur la matière de son choix (à la condition cependant que ce choix soit soutenu en amont par la signature d’un nombre déterminé d’électeurs). De plus, contrairement au simple droit de pétition, la saisine du corps législatif ou de la Nation tout entière est de droit une fois les conditions de recevabilité remplies : le législateur ne peut refuser, ni de se prononcer sur la proposition, ni de faire consulter l’ensemble de la population par référendum. Le droit d’initiative est donc une concession importante faite à la démocratie directe dans les régimes représentatifs. La Suisse, terre d’élection de la démocratie directe, n’eut pas de mal à adopter cette nouvelle variante des Landsgemeinden [16][16]Depuis le Moyen Age, l’administration et la législation de…, et fut la première à l’instituer et à l’appliquer au milieu du XIXe siècle [17][17]Simon Desploige, The referendum in Switzerland, C.P. Trevelyan,…. De la Suisse, le droit d’initiative passa aux États-Unis, où il connut une première vague de vif succès au tournant du siècle [18][18]Phillip L. Dubois & Floyd Feeney, op. cit.. De nos jours, près de la moitié des États fédérés l’ont adopté, et il est plébiscité dans certains autres [19][19]V. par exemple David E. Watson, « Be it Enacted by the People…. On le retrouve aussi dans de nombreux pays [20][20]V. infra, n° 48.. L’ironie de l’Histoire n’a pas permis à l’idée de Condorcet d’être appliquée en France, même si certains l’appellent actuellement de leurs vœux [21][21]V. infra, n° 49 et s.. Les 15 et 16 février 1793, Condorcet présente son projet de constitution devant la Convention [22][22]Œuvres, t. 12, p. 333 et s.. « Son » projet, car des neuf membres composant le comité de constitution institué par la Convention le 29 septembre 1792, il fut sans conteste la personnalité la plus influente [23][23]« Condorcet et Paine étaient les doyens du comité, l’un avait…. La Constitution girondine consacre les 33 articles du titre VIII, intitulé De la censure du peuple sur les actes de la représentation nationale, et du droit de pétition [24][24]Œuvres, t. 12, p. 469 et s., au fonctionnement du droit d’initiative. L’article premier le définit par une formule éloquente : « Lorsqu’un citoyen croira utile ou nécessaire d’exciter la surveillance des représentants du peuple sur des actes de constitution, de législation ou d’administration générale, de provoquer la réforme d’une loi existante ou la promulgation d’une loi nouvelle, il aura le droit de requérir le bureau de son assemblée primaire, de la convoquer au jour de dimanche le plus prochain pour délibérer sur sa proposition ». Pour saisir le génie d’une telle proposition, il faut se replacer dans le contexte de l’époque. Si beaucoup s’accordent alors sur l’idée de souveraineté populaire, et sur sa conséquence constitutionnelle, la démocratie directe, nombreux sont ceux qui y renoncent devant l’apparente impossibilité matérielle de réaliser un tel programme : comment faire participer massivement un peuple illettré à la vie politique, et comment réunir l’opinion de millions de personnes réparties sur un vaste territoire [25][25]« La plupart de nos concitoyens n’ont ni assez d’instruction ni… ? La France n’est pas un canton suisse… Là réside précisément l’optimisme et la créativité du mécanisme de Condorcet. Son courage politique aura été de ne pas se rendre sans condition au régime représentatif : avec le droit d’initiative populaire, qui, comme une tâche d’huile, se propage depuis un petit nombre de citoyens jusqu’au corps législatif, il adapte la démocratie directe aux contraintes géographiques des grands États. Il accompagne son système d’un programme d’éducation visant à instituer un citoyen capable de sens critique [26][26]Cf. infra, n° 13.. Tout commence par la proposition d’un groupe de 50 citoyens. Si elle reçoit le vote favorable de l’assemblée primaire, puis de la commune, puis du département, le Corps législatif s’en trouve saisi et doit délibérer. La délibération est alors susceptible d’être soumise à la censure d’un référendum national, qui peut mener, en cas de contrariété avec le vote des députés, à la dissolution du corps législatif.
4Le projet fut accueilli au mieux avec froideur, et devint vite l’enjeu de l’affrontement entre Girondins et Montagnards. La victoire de ces derniers condamna le projet de Condorcet : Hérault de Seychelles fut nommé à la tête d’un nouveau comité et le 24 juin 1793, la Constitution montagnarde était adoptée [27][27]Notons d’ailleurs que la Constitution montagnarde fait encore…. Resta cependant l’idée : permettre aux citoyens l’initiative législative même dans de grands territoires. Nous voudrions réhabiliter l’influence de Condorcet dans ce processus.
5Tout d’abord, il faut s’assurer que Condorcet est bien l’inventeur du droit d’initiative : le concept est-il le fruit de ses réflexions ou est-il la simple transposition d’une procédure déjà connue et appliquée ? L’étude de sa lente maturation montrera qu’il s’agit bien d’une création personnelle. Il semble ensuite important d’étudier suffisamment en détails la concrétisation de l’idée au sein de la Constitution girondine. Cela établira en effet un mètre étalon grâce auquel pourront être mesurés les développements subséquents du droit d’initiative. Enfin, il nous faudra établir le lien entre cette invention et sa propagation mondiale, en commençant par la Suisse. Nous étudierons donc successivement la formation (I), la concrétisation (II) et la propagation (III) du droit d’initiative populaire selon Condorcet.
I – LA FORMATION DE L’IDÉE
6Rien ne prédisait que ce jeune aristocrate, enfermé dans ses travaux mathématiques, deviendrait l’auteur de la première constitution républicaine et démocratique jamais soumise aux votes des députés français. Mais des rencontres, des événements, ont su révéler chez Condorcet des qualités trouvant à s’appliquer bien au-delà des murs de l’Académie des Sciences. Le droit d’initiative selon Condorcet prend donc sa source dans des influences extérieures (A), nourrissant un naturel propice à leur accueil (B).
A – INFLUENCES EXTÉRIEURES
7Condorcet est la synthèse des idées et des événements de son temps, qui est tumultueux. Plusieurs facteurs ont vraisemblablement contribué à convaincre Condorcet de la légitimité de la souveraineté populaire et de sa possible concrétisation : une formation intellectuelle à l’Ecole des Lumières (1), l’observation de la construction constitutionnelle des États-Unis d’Amérique (2), et une formation pratique à la fois au Ministère de Turgot et, plus tard, à la Commune de Paris (3).
1 – Une formation intellectuelle : les philosophes des Lumières
8On a pu dire que Condorcet était un « lecteur des Lumières » [28][28]M. Crampe-Basnabet, Condorcet, lecteur des Lumières, Paris,…. Ami de d’Alembert et de Voltaire [29][29]Correspondance entre Voltaire et Condorcet, Œuvres, t. 1, p. 1…, il fut en effet à bonne école et le scientifique devint vite philosophe, élargissant son champ d’investigation intellectuel à un système complet de pensée. Mais s’il a lu Rousseau et semble partager son idéal de démocratie directe [30][30]Du contrat social, Livre II, chap. I : « Je dis donc que la…, Condorcet doit plus à Turgot sa formation en droit constitutionnel [31][31]Correspondance entre Turgot et Condorcet, Œuvres, t. 1, p. 165…. Pour lui, le bonheur d’une société dépend de la liberté d’exercice des droits naturels qui y est permise. Ces droits sont naturels car antérieurs à l’organisation de la vie en société. Or, « parmi ces droits, il en voit un qui surpasse tous les autres et dont ils ne sont que la conséquence, nous voulons dire : « l’égalité naturelle et primitive de l’homme ». C’est d’ailleurs d’elle qu’il fera découler sa conception du droit de suffrage, dont « la participation à la confection des lois » [32][32]Archambault de Monfort H., Les idées de Condorcet sur le…. Il approuve aussi Turgot sur l’idée de diviser le territoire en entités concentriques, qui rapprochent chaque citoyen de l’exercice effectif du pouvoir [33][33]Turgot, Mémoire au Roi sur les municipalités, sur la hiérarchie…. Turgot et Condorcet « ont imaginé un mécanisme de représentation de la société, destiné à en assurer l’administration conjointement avec le roi, sur la base de la propriété.Il s’agit d’une pyramide d’assemblées élues, de la “municipalité” paroissiale à la “municipalité générale” du royaume, en passant par deux degrés intermédiaires » [34][34]François Furet, présentation préc., p. XII.. Il est tentant de tracer un parallèle entre ce système et celui du « droit de censure » qui, comme nous le verrons, introduit la saisine du corps législatif à la suite d’une réaction en chaîne passant tour à tour de l’assemblée primaire, à la commune et au département [35][35]Cf. infra, n° 20 et s.. Mais si Turgot n’envisageait que la participation des propriétaires fonciers à ces assemblées provinciales, l’élève dépassa le maître et, en 1793, Condorcet proposa le suffrage universel masculin [36][36]Bien que n’hésitant pas à braver bien des préjugés, un certain…. En revanche, comme son mentor, Condorcet croit en la perfectibilité infinie de l’homme : son système d’instruction publique, préalable nécessaire à une réelle participation des citoyens aux affaires publiques, en sera inspiré [37][37]Cf. infra, n° 13 ; Turgot a consacré un de ses discours…. Finalement, s’il a tiré de ses lectures philosophiques la conviction que la souveraineté du peuple est la seule légitime, son côté rationnel et scientifique, ainsi que la fréquentation de Turgot et de l’expérience concrète du gouvernement vont transformer le mythe en réalité : avec Condorcet et son système d’initiative populaire, la souveraineté populaire n’est plus seulement une formule, c’est un fait concret, qui peut être localisé géographiquement, c’est un « processus », pour reprendre l’expression et la précieuse analyse de M. Jaume [38][38]Le discours jacobin et la démocratie, Fayard, 1989, p. 318..
2 – Un exemple concret : la formation des État Unis d’Amérique
9Les événements qui prirent place en Amérique à la fin du XVIIIe siècle ont indubitablement influencé Condorcet dans la formation de ses idées politiques [39][39]Voir Lucy M. Gidney, L’influence des États Unis d’Amérique sur…. Ils lui ont donné à contempler un exemple de concrétisation des idées qu’il défendait abstraitement. Il étudia avec passion l’ensemble des constitutions de chaque État, et publia un commentaire de la Constitution fédérale de 1787 ainsi que de nombreux articles sur le sujet [40][40]Sur l’influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe et…. Admiratif en particulier de la Constitution de Pennsylvanie [41][41]E. et R. Badinter, Condorcet, un intellectuel en politique,…, il se lia d’amitié avec son auteur, Thomas Paine. On sait que celui-ci devint député à la Convention et épaula son ami lors de l’élaboration de la Constitution girondine de 1793. Condorcet fréquenta aussi Jefferson et Franklin lors de leur passage à Paris.
10Plus précisément, est-il possible de voir un lien direct entre le développement constitutionnel américain et le mûrissement de l’idée de participation directe du peuple à la vie de la cité chez Condorcet ? Certainement a‑t-il dû être frappé par les référendums constitutionnels ayant eu lieu dans les États de Virginie et de Nouvelle-Angleterre. Comme le souligne M. Borgeaud [42][42]Adoption and Amendment of Constitutions, p. 206–207, cité par…, « il est intéressant de comparer les systèmes contemporains de votations en matière constitutionnelle en vogue au Massachusetts et dans le New Hampshire avec les systèmes suisses et français, en particulier parce que Condorcet, l’auteur des Lettres d’un bourgeois de New Haven, était l’âme du comité de constitution de 1793 investi de la rédaction de la Constitution française ». La Constitution girondine a été décrite comme le résultat de l’union systémique des principes de Nouvelle Angleterre avec ceux de la philosophie française du XVIIIe siècle. Les assemblées primaires y remplacent seulement les « town meetings » [43][43]Simon Desploiges, préc., p. 57–58, note 2, § 2.. En revanche, si les États-Unis ont été une source d’inspiration, Condorcet n’y pas trouvé les détails de son système. Nulle trace en effet d’initiative populaire dans les anciennes colonies britanniques, du moins à l’échelon de l’État [44][44]Tocqueville décrit un procédé ressemblant fort au droit…. Cependant, M. Desjardin reconnaît dans la participation du peuple à l’élaboration des normes au niveau de la commune l’exemple sur lequel Condorcet aurait simplement calqué son droit d’initiative : « Après analyse, nous reconnaissons dans ce projet quelques-unes des coutumes anglaises, plébéiennes ou quakeriennes dont j’ai déjà fait mention. La censure du peuple est organisée (…). Ce système d’ondes concentriques était, comme je l’ai dit, celui des rassemblements des Quakers. Je me demande où Condorcet en aurait trouvé ailleurs l’idée » [45][45]Revue Bleue, 20 juillet 1901, p. 82.. Cependant, Condorcet n’en fait nulle part directement mention dans ses écrits. De plus, s’il a pu s’inspirer de tels procédés, encore fallait-il pouvoir les transposer à l’échelle de la Nation.
3 – Une formation pratique : la Commune de Paris
11La Commune de Paris allait donner à Condorcet l’occasion de mettre en pratique ses idéaux politiques et d’affûter ses talents de constitutionnaliste. Formée sur les ruines des anciennes institutions municipales, la Commune unissait l’ensemble des districts parisiens. Selon M. Genty [46][46]1789–1790 : L’apprentissage de la démocratie à Paris, in L’An I…, « leurs adversaires ne s’y trompèrent pas, qui leur reprochèrent de vouloir établir à Paris une « démocratie pure ». (…) Créés en avril 1789 pour servir de cadre électoral au Tiers-Etat en vue des États généraux, les districts devinrent en juillet un organisme permanent ; ouverts désormais aux membres des ordres privilégiés, ils s’organisèrent alors pour prendre en main la vie de la capitale, dans leurs quartiers respectifs d’abord, au niveau municipal ensuite ». Les districts se réunissaient toutes les semaines : tout citoyen pouvait se joindre aux discussions. Les soixante districts disposaient d’un organe commun : la « municipalité ». Condorcet y fut élu comme représentant du quartier de l’abbaye Saint-Germain le 18 septembre 1789 [47][47]L. Cahen, préc., p. 138.. Il participa au Comité des 24, chargé d’établir une constitution pour la Commune. « Ainsi Condorcet jouissait, dans les derniers mois de 1789, d’une grande autorité. Il s’en servit pour défendre ses idées : dans l’Assemblée générale, il recommanda une politique d’union et de paix ; dans les comités, il soutint les principes et les solutions les plus démocratiques » [48][48]Idem, p. 140.. Ce premier essai de constitution mettant en place les mécanismes démocratiques révèle l’aboutissement d’une longue réflexion personnelle aidée par un naturel propice à leur accueil.
B – UN NATUREL PROPICE
12Pour qui possède un esprit de système prompt à élaborer des constructions théoriques, concilier système représentatif et démocratie directe constitue une quadrature du cercle intellectuellement stimulante. Condorcet le mathématicien y vit sûrement une nouvelle équation à résoudre [49][49]« … Condorcet s’attèle à la rédaction d’un essai sur le calcul…. La démocratie semi-directe s’imposa comme la solution de compromis idéale : « Ouvrant la voie à ce qu’on a appelé depuis le référendum, Condorcet montrait une grande audace démocratique qui, à la fois, tentait de faire l’économie du dangereux droit d’insurrection, et de contrebalancer le pouvoir des représentants sans pour autant en nier le caractère indispensable » [50][50]L. Jaume, Condorcet : des progrès de la raison aux progrès de…. Mais le droit d’initiative n’est pas seulement le fruit de Condorcet le technicien, c’est aussi et avant tout celui de Condorcet l’humaniste, qui fait confiance à la perfectibilité croissante du genre humain (1). Son système s’élabore progressivement au fil de ses œuvres (2).
1 – Sa croyance en l’homme
13Condorcet croit profondément, à la suite de Turgot, en la capacité de l’homme à s’améliorer sans cesse, en sa perfectibilité [51][51]« Enfin, il prouve que leurs progrès, auxquels on ne peut…. Pour permettre à chacun de participer à la vie politique, il faut instaurer un système général d’éducation. « Que vaudrait une École Républicaine sans République : l’héritage des Lumières est traduit par Condorcet en propositions pédagogiques mais aussi politiques et constitutionnelles précises. L’institution du citoyen se fait constitution républicaine » [52][52]Ch. Coutel, Condorcet, instituer le citoyen, op. cit., p. 9.. Il n’est donc pas surprenant de constater que son système constitutionnel s’élabore en parallèle avec une réflexion profonde sur l’instruction publique. En 1791, il publie son Premier mémoire sur l’instruction publique [53][53]Œuvres, t. 3.. Quatre autres suivront [54][54]Cinq mémoires sur l’instruction publique, 2e éd.,…. En 1792, alors qu’il participe au comité de constitution, il publie un Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique [55][55]Paris, Edilig, 1989.. Au lendemain de la dissolution du comité constitutionnel (février 1793), Condorcet rejoint le comité d’instruction publique. Benjamin Franklin dira de ce système « qu’il voulait établir entre les citoyens une communication plus étroite des lumières et des sentiments, leur faire prendre l’habitude de se concerter pour leurs intérêts communs, et non propager ses opinions ou se donner un parti » [56][56]Œuvres, t. 3, p. 378..
2 – Les premières traces de son système politique dans ses œuvres
14La conviction de la supériorité conceptuelle de la démocratie directe (a), et les moyens de sa mise en œuvre (b), mûrissent conjointement au fil du temps et des œuvres de Condorcet.
a) La conviction de la supériorité conceptuelle de la démocratie directe
15Dès 1787, Condorcet est sensible à l’expérience américaine du référendum constitutionnel [57][57]Dans Lettres d’un bourgeois de New Haven à un citoyen de…. Dans l’essai Sur la nécessité de faire ratifier la constitution par les citoyens [58][58]Œuvres, t. 9, p. 411 et s., écrit en 1789, il va plus loin que le simple référendum constitutionnel et évoque deux innovations majeures. Tout d’abord, il souhaite donner au peuple le pouvoir d’initier une véritable navette constitutionnelle entre lui et l’Assemblée constituante sur certaines dispositions particulières [59][59]« Que la Constitution soit présentée aux citoyens, non pour…. Ensuite, Condorcet fait déjà allusion à un souhaitable élargissement du système du référendum à la matière législative : « L’ordre social n’aura vraiment atteint le degré de perfection auquel on doit tendre sans cesse, qu’à l’époque où aucun article des lois ne sera obligatoire qu’après avoir été soumis immédiatement à l’examen de tout individu (…). Je propose pour cette fois, de borner ce droit individuel aux seuls articles relatifs à la constitution ; mais c’est dans l’espérance que les progrès de la raison et l’effet que des institutions plus légales et plus justes produiront nécessairement dans les esprits, permettront à une autre époque d’étendre ce même droit à d’autres classes de lois, et successivement de l’étendre à toutes » [60][60]Ibid.. Par ailleurs, en 1792, alors qu’il est en train de bâtir le plan de Constitution que la Convention lui a commandé, il renouvelle expressément sa défiance envers le système représentatif : « Les hommes ont tellement pris l’habitude d’obéir à d’autres hommes, que la liberté est, pour la plupart d’entre eux, le droit de n’être soumis qu’à des maîtres choisis par eux-mêmes. Leurs idées ne vont pas plus loin, et c’est là que s’arrête le faible sentiment de leur indépendance. (…) Presque partout cette demi-liberté est accompagnée d’orages ; alors on les attribue à l’abus de la liberté, et l’on ne voit pas qu’ils naissent précisément de ce que la liberté n’est pas entière ; on cherche à lui donner de nouvelles chaînes, lorsqu’il faudrait songer, au contraire, à briser celles qui lui restent » [61][61]De la nature des pouvoirs politiques dans une nation libre,…. Briser les chaînes, c’est inventer un moyen de participation directe du peuple aux lois qui le gouvernent…
b) Les moyens de mettre en œuvre la démocratie directe à l’échelle d’une grande nation
16Pour ce qui est de la structure de la consultation, c’est-à-dire la réaction en chaîne entre subdivisions territoriales, que l’on peut se figurer sous la forme de cercles concentriques, on a vu que l’idée en a germé aux côtés de Turgot [62][62]Cf. supra, n° 8 ; Turgot, Mémoire au Roi sur les municipalités,…. On retrouve cette construction dans l’Essai sur la constitution et les fonctions des assemblées provinciales, écrit en 1788 [63][63]Œuvres, t. 8, p. 144 et 145.. Afin d’éviter les inconvénients des assemblées trop restreintes, qui « dépendent trop des intérêts personnels, des passions particulières de ceux qui la composent », et les inconvénients des assemblées trop importantes, « livrées en quelque sorte au hasard, lorsqu’elles ne sont pas dictées par quelques hommes doués du talent dangereux d’ébranler l’imagination », il propose une série de divisions territoriales s’emboîtant comme des tables gigognes. La première division correspondrait à la communauté, soit d’une ville, soit de plusieurs « paroisses de campagne réunies ». La seconde rassemblerait plusieurs communautés à l’échelon d’un district. Les districts enfin seraient rassemblés en provinces, la Nation représentant l’ensemble des provinces.
17Par association d’idée, Condorcet se souvient de ce mécanisme de découpage territorial au moment de trouver un système de participation directe de la population à l’élaboration des lois. Mais au lieu de cantonner ces subdivisions à un rôle administratif, comme le prévoyait le système de Turgot, ou à un rôle électoral, comme c’était le cas dans l’Essai sur la constitution et les fonctions des assemblées provinciales [64][64]Op. cit. Voir aussi K. M. Baker, Condorcet, From Natural…, l’idée germe dans l’esprit de Condorcet d’en faire le véhicule de la volonté d’un groupe de citoyens vers le Corps législatif et la Nation tout entière : « Pour que la masse entière de la nation émette un vœu, faudra-t-il attendre que l’universalité de ses portions s’assemble spontanément, ou que les représentants du peuple convoquent ses assemblées ? La tranquillité publique serait-elle assurée si, dans le cas où une inquiétude vive agiterait une portion notable de citoyens, il leur fallait, ou déterminer cette convocation, ou produire un mouvement général dans toutes les autres portions ? Ne serait-il pas plus simple d’établir que telle portion de citoyens, qui aurait déjà un moyen légal d’émettre son vœu, pourrait exiger la convocation nationale ; qu’une portion plus petite pourrait également obtenir, sous une forme régulière, l’émission de ce vœu pour une convocation, en sorte qu’il ne pût exister une réunion un peu considérable de citoyens, qui n’eût l’espérance et le moyen légal de consulter le peuple entier, si elle le croyait nécessaire ? » [65][65]De la nature des pouvoirs politiques dans une nation libre,…. Pour Lucien Jaume, « il s’agit véritablement de la première tentative pour penser, et surmonter l’aporie rencontrée depuis 1789. Deux termes qui ont paru jusqu’à présent incompatibles (système représentatif et démocratie directe) vont être rendus complémentaires dans leurs objets et interdépendants dans leur fonctionnement. Le caractère original de la démarche c’est donc qu’elle ne remet pas en cause l’indépendance des représentants (…). Ce que donc le législateur doit remettre en cause, c’est l’absence de canaux légaux par où monteraient les vœux de l’opinion publique, et par lesquels s’effectuerait une information en retour suivie de la sanction populaire. Bien que Condorcet n’aime pas le terme (qui appartient à une autre tradition), il s’agit d’un jeu de contrepoids entre gouvernés et gouvernants, tel que la souveraineté est présente effectivement chez les premiers (et elle le prouve), mais ne peut rien sans un jeu d’interactions avec le corps législatif ; soit l’initiative vient de ce dernier, soit elle provient des citoyens » [66][66]Le discours jacobin et la démocratie, Paris, Fayard, 1989,….
II – LA CONCRÉTISATION DE L’IDÉE
18Transportons-nous pour quelques instants à la fin de l’été 1792. Le Roi, dans sa fuite, a perdu toute légitimité. Le 10 août, l’assaut des Tuileries par la foule parisienne interdit tout retour en arrière : l’idée républicaine s’impose. Sur le modèle américain, une Convention de députés est chargée de voter une nouvelle constitution. Plus précisément, la Convention charge un comité de neuf membres le soin de la rédiger. Condorcet y est nommé et s’y consacre avec plus d’enthousiasme qu’aucun autre [67][67]Cf. supra, note 23.. Le 15 février 1793, il présente son projet.
19Le droit d’initiative populaire y est traité au titre VIII sous l’appellation de « Censure du peuple sur les actes de la représentation nationale, et du droit de pétition ». L’article premier explique la signification et expose l’objectif de l’institution : « Lorsqu’un citoyen croira utile ou nécessaire d’exciter la surveillance des représentants du peuple sur des actes de constitution, de législation ou d’administration générale, de provoquer la réforme d’une loi existante ou la promulgation d’une loi nouvelle, il aura le droit de requérir le bureau de son assemblée primaire, de la convoquer au jour de dimanche le plus prochain pour délibérer sur sa proposition ». Le droit d’initiative existe donc tant en matière législative que constitutionnelle (cette question est réglée dans le titre suivant, intitulé Des conventions nationales), et autorise à la fois la révision d’une norme ancienne et la proposition d’une norme nouvelle. Le mécanisme de saisine du corps législatif est le même, que la norme proposée soit de nature législative ou constitutionnelle (A). En revanche, les procédures divergent une fois que l’initiative populaire a saisi le corps législatif (B).
A – LA SAISINE DU CORPS LÉGISLATIF SUR L’INITIATIVE D’UN GROUPE DE CITOYENS
20La saisine du corps législatif n’est pas immédiate : le projet doit gravir un à un les échelons le menant de l’assemblée primaire à la commune, de la commune au département. Puis, si la majorité des assemblées primaires d’un département s’est prononcée favorablement, le corps législatif est alors saisi de l’examen et du vote du projet. Comme une onde provoquée par un infime impact sur la surface de l’eau, le projet se propage et prend de l’ampleur. Étudions cette propagation plus en détail.
21La requête initiale doit être rédigée en termes simples (article II) et comporter la signature de 50 citoyens résidant dans l’arrondissement de la même assemblée primaire (article III). Elle est présentée au bureau de l’assemblée primaire (article I), qui vérifie si les signataires ont droit de suffrage. Si tel est le cas, le bureau est tenu de convoquer l’assemblée primaire le dimanche suivant (article IV). Lors de la réunion de l’assemblée, le projet est lu et discuté, mais il ne pourra être voté que le dimanche suivant (article V). Le vote doit avoir lieu en répondant par oui ou non à la question : « Y a‑t-il, ou n’y a‑t-il pas lieu à délibérer ? » (article VI). « Si la majorité des votants est d’avis qu’il y ait lieu à délibérer, le bureau sera tenu de requérir la convocation des assemblées primaires, dont les chefs-lieux sont situés dans l’arrondissement de la même commune, pour délibérer sur l’objet énoncé dans la réquisition » (article VII).
22Voici le schéma de base. Il va être reproduit à l’échelon de la commune, puis à celui du département. On y trouve les composantes essentielles du système de Condorcet : crédibilité de la proposition de départ (soutien de cinquante signatures), saisine de plein droit de la collectivité (assemblée primaire, commune, département), sans examen au fond, si les conditions en sont remplies (afin que le droit soit effectif et non soumis à une appréciation subjective qui pourrait faire obstacle au processus); une proposition simple pour baliser la discussion ; un vote ajourné pour plus de réflexion.
23Le bureau de l’assemblée primaire initiale saisit alors les assemblées primaires de la même commune en adressant à chacune d’entre elles le procès verbal de la délibération ainsi qu’une copie de la proposition elle-même (article VIII). Ces assemblées se réunissent, votent selon les mêmes directives, et envoient le résultat des délibérations au bureau de l’assemblée primaire initiale (article IX). S’il ressort de ces résultats que la majorité des citoyens ayant voté dans les assemblées primaires de la commune a estimé qu’il y avait lieu à délibérer sur la proposition, le bureau de l’assemblée primaire initiale saisit l’administration du département d’une copie de la proposition et du procès verbal des délibérations (article X). La convocation sous quinzaine des assemblées primaires du département est alors obligatoire ; elles se réunissent, votent, et adressent le résultat de leur délibération à l’administration du département dans des formes identiques à celles précédemment décrites (article XI). « Si la majorité des citoyens décide qu’il y a lieu à délibérer, l’administration du département adressera au corps législatif le résultat de leurs délibérations, avec l’énonciation de la proposition qu’ils ont adoptée, et le requerra de prendre cet objet en considération » (article XII).
24Le corps législatif est enfin saisi. « La procédure entre ici dans une nouvelle phase et elle va se terminer ou par le vote d’une nouvelle loi ou par une véritable révocation du Corps Législatif, suivie de sa réélection, car tels sont les deux résultats considérables que peut indifféremment provoquer l’initiative du plus humble des citoyens, du plus ignorant des paysans » [68][68]Frank Alengry, Condorcet, guide de la Révolution française,…. Si la procédure paraît longue et compliquée, c’est qu’elle confère un pouvoir unique à tout citoyen : capter l’attention de la Nation entière sur son projet. Il convient donc de dresser des remparts puissants contre les abus.
B – LE TRAITEMENT DE LA PROPOSITION PAR LE CORPS LÉGISLATIF
25La procédure de discussion et de vote devant le corps législatif sera différente selon la nature législative (1) ou constitutionnelle (2) : il convient donc de les distinguer.
1 – Hypothèse d’une proposition législative
26La réquisition du département dans lequel ont eu lieu les délibérations est imprimée sans délai, distribuée à tous les membres du corps législatif, et affichée dans la salle des débats. Des commissaires sont nommés, et sont chargés d’établir un rapport sur la proposition sous huitaine (article XIV). Une discussion d’une semaine commencera alors sur ce rapport, et un vote, sur la seule question de savoir s’il convient de délibérer sur la proposition, interviendra dans la quinzaine suivante (article XV). Chaque vote doit être signé, et le résultat nominal des suffrages est envoyé dans tous les départements (article XVI). Pour l’instant, le vote ne porte que sur la question de savoir s’il convient de délibérer sur la proposition.
27Si la majorité des députés estime que la question mérite débat, la proposition au fond est renvoyée à des commissaires, qui devront élaborer un projet de décret sous quinzaine (article XVII). Enfin les députés votent sur la substance de la proposition. Si le décret est admis, il est « renvoyé » au bureau suivant les règles générales prescrites pour la formation de la loi (article XVIII). « Le citoyen qui, du fond de sa chaumière ou de son Assemblée primaire, a mis en branle toute la vaste machine électorale, a, sinon légiféré directement, du moins provoqué, par son initiative, le vote d’un nouveau décret. Ce n’est pas le gouvernement direct comme à Athènes ou comme dans les cantons suisses ; c’est du gouvernement direct perfectionné, raffiné, et même, on peut le dire, assez compliqué » [69][69]Frank Alengry, op. cit., p. 582..
28Mais le système ne serait pas vraiment démocratique si le peuple n’avait pas un moyen de censurer la décision du corps législatif. Le « droit de censure et de pétition » n’est pas un simple droit de suggestion laissé in fine à l’appréciation des députés. Au contraire, la véritable audace du droit d’initiative élaboré par Condorcet repose précisément dans la possibilité de censurer a posteriori la décision des députés. Ainsi, si les assemblées primaires d’un autre département demandent la révocation du décret qui a rejeté la proposition (en décidant qu’il n’y avait pas lieu de délibérer) ou la loi qui aura été faite suite à l’approbation de la proposition au fond, le corps législatif sera tenu de convoquer surlechamp toutes les assemblées primaires de l’ensemble du territoire (article XX). En effet, la rebuffade d’un département révèle une distorsion entre les citoyens et leurs représentants, et seule une consultation directe générale peut lever ce doute. Si le résultat du référendum contredit la décision prise par le corps législatif, la sanction proposée par Condorcet est radicale : dissolution, nouvelles élections, et inéligibilité pendant une législature des députés qui se seraient prononcés dans le sens condamné par le vote du peuple [70][70]D’où l’utilité des votes nominatifs. (article XXII). Après élections, la nouvelle assemblée délibérera à nouveau sur la proposition, et sa décision pourra elle-même être à nouveau soumise à la censure du peuple (article XXVI).
29Une constatation s’impose : le processus est long, surtout s’il s’accompagne d’un référendum national et de la dissolution du Corps législatif, suivie de nouvelles élections, d’un nouveau vote, susceptible d’être l’objet d’une nouvelle censure… Mais ces complications ne font que révéler un dysfonctionnement en amont du système représentatif, et tentent d’y remédier. Si le corps législatif est le fidèle représentant de la volonté du peuple, sa décision n’a pas lieu d’être contestée. Le processus s’arrête là et il n’aura fallu finalement que 3 à 4 mois pour qu’une initiative populaire devienne une loi de la République.
30De plus, deux autres mesures sont prévues pour empêcher l’immobilisation de l’État pendant la procédure d’initiative ou de censure : l’article XXVII précise que les décrets et les actes de simple administration, les délibérations sur les intérêts locaux et partiels, l’exercice de la surveillance et de la police sur les fonctionnaires publics, et les mesures de sûreté générale ne pourront pas être l’objet de la censure populaire. Par ailleurs, l’article XXIX décide l’exécution provisoire de plein droit de la loi contestée pendant le temps nécessaire à l’organisation du référendum, voire des élections subséquentes.
2 – Hypothèse d’une initiative touchant à la Constitution
31Les modifications d’ordre constitutionnel font l’objet du titre IX de la Constitution girondine, intituléDes conventions nationales. L’article premier précise qu’ « une convention nationale sera convoquée toutes les fois qu’il s’agira de réformer l’acte constitutionnel, de changer ou modifier quelqu’une de ses parties, ou d’y ajouter quelque disposition nouvelle ». Parmi les hypothèses de convocation, l’article V énonce que « chaque citoyen a le droit de provoquer l’appel d’une convention pour la réforme de la constitution ; mais ce droit est soumis aux formes et aux règles établies pour l’exercice de droit de censure ». A une différence près cependant : une fois le Corps Législatif saisi, il doit convoquer surlechamp les assemblées primaires de la République (une telle éventualité n’existe qu’après la « rebuffade » d’un département dans l’hypothèse d’une proposition législative). Si la majorité des votants réunis en assemblées primaires adopte l’affirmative, la convention a lieu sans délai (article VI). Le nouveau projet de constitution est présenté aux suffrages du peuple ; s’il est rejeté, la Convention présente « aux suffrages des citoyens les questions sur lesquelles elle croira devoir connaître leur vœu » (article XI). Un nouveau plan, corrigé d’après les vœux exprimés par les citoyens, est à nouveau soumis à l’acceptation du peuple (article XII). S’il est à nouveau rejeté, la convention est dissoute de plein droit, et le corps législatif doit consulter sans délai l’ensemble des assemblées primaires pour savoir s’il a lieu à la convocation d’une convention nouvelle (article XIV). On retrouve donc l’idée de navette entre l’assemblée constitutionnelle et le peuple [71][71]Cf. supra, n° 15.. Cette procédure illustre bien le mot de M. Archambault de Monfort, décrivant la Constitution girondine : « En toutes circonstances, donner le dernier mot au peuple » [72][72]Les idées de Condorcet sur le suffrage, Paris, 1915, Slatkine…. Pour Lucien Jeaume, « la souveraineté du peuple chez Condorcet n’est pas dans l’élection, mais dans les divers actes par lesquels les citoyens répondent à l’initiative du corps législatif, ou développent une initiative propre. C’est d’ailleurs pourquoi la volonté générale ne saurait résider dans le peuple seul, mais émane du mécanisme général des interactions. (…) La volonté générale devient un processus et non une entité (…) » [73][73]Le discours jacobin et la démocratie, Paris, Fayard, 1989,….
III – LA PROPAGATION DE L’IDÉE
32Nul n’est prophète en son pays. Condorcet apprit la justesse de l’adage à ses dépens : alors qu’il allait connaître une popularité croissante au cours du XIXe siècle en Suisse et aux États-Unis (B), l’idée et le mécanisme d’initiative populaire connut un échec presque total en France (A).
A – SON ÉCHEC EN FRANCE
33Malgré les justifications de Condorcet (2), la condamnation de son projet constitutionnel en général, et du droit d’initiative en particulier, est presque unanime (1).
1 – Une condamnation presque unanime
34Au lendemain de la lecture du projet devant la Convention les 15 et 16 février 1793, les critiques sont surtout de nature politique. Pour les Montagnards, le projet est mauvais parce que girondin. Comme l’exprime Jeanbon Saint-André, « ce malheureux rejeton de huit ou neuf pères brissotins a contre lui, comme beaucoup considèrent, un vice très essentiel : celui de sa naissance » [74][74]Cité par L. Levy, Le conventionnel Jeanbon Saint-André, Paris,…. Mais « en réalité, le projet de Condorcet était si démocratique que les Jacobins ne trouvaient pas d’objection à y faire : ils n’y étaient hostiles que parce qu’il émanait de leurs adversaires, les Girondins » [75][75]Aulard, Histoire politique de la Révolution française. Origines…. La meilleure preuve en est que le projet de Constitution proposé par les Montagnards, rédigé à la hâte et adopté quelques semaines plus tard le 24 juin 1793, ne peut que reprendre certaines des idées que Condorcet avait mûri si lentement [76][76]V. Condorcet, Aux citoyens français sur la nouvelle…. On retrouve ainsi à l’article 115 la mise en place d’un référendum d’initiative populaire en matière constitutionnelle [77][77]« Si, dans plus de la moitié des départements plus un, le….
35Certains font cependant des critiques plus substantielles. Par exemple, la trop grande technicité du projet est mise en avant par Marat : « Qui croirait que pour proposer une nouvelle loi ou en faire révoquer une ancienne, on tient 5 millions d’hommes sur pied pendant six semaines ? C’est un trait de folie qui mérite aux législateurs constitutifs une place aux Petites Maisons » [78][78]Journal de la République, n° 126. C’est pourtant le même Marat,….
36D’autres virent dans le projet la volonté masquée de Condorcet de brider l’élan révolutionnaire de certains groupes minoritaires actifs, aux premiers rangs desquels les sections de la Commune de Paris et les sans-culottes parisiens. Le droit d’initiative populaire selon Condorcet suppose en effet l’approbation à la majorité de plusieurs échelons successifs de la population (assemblée primaire, commune, département), avec pour conséquence de « noyer » tout soulèvement spontané d’un groupe minoritaire. Les Sans-culottes ont de la démocratie directe une conception diamétralement opposée à celle de Condorcet : spontanée, et non corsetée par le formalisme étouffant, unanime et non majoritaire [79][79]Francis Hamon, L’idée de la démocratie directe de la Révolution…. Ainsi, pour M. Pertué, « si Condorcet voulait sans aucun doute par ce moyen traduire dans la réalité son idéal de politique rationnelle, il est non moins évident qu’il cherchait aussi à remédier par la ruse au grand mal que constituait à ses yeux le rôle excessif de Paris dans le processus révolutionnaire. (…) En effet, le système imaginé par Condorcet consistait en fait à substituer une majorité inerte, paralysée par les formes et découragée par les délais, aux minorités agissantes pourtant si nécessaires à la défaite de l’aristocratie et à l’échec de la coalition. (…) En réalité, plutôt qu’un veto populaire, la censure du peuple était un veto provincial : toute son économie consistait à ruiner le droit d’ingérence nationale que Paris s’était indûment attribué pour le restituer à tous les départements » [80][80]Les projets constitutionnels de 1793, in Révolution et….
37Il est certain qu’en élaborant le droit d’initiative, la volonté de contenir les coups de sang de la population parisienne, et les bains de sang dont ils se sont accompagnés [81][81]Condorcet en fit lui-même l’expérience puisqu’il faillit perdre…, est présente à l’esprit de Condorcet. Il ne s’en cache d’ailleurs pas : « Nous entendons, sans cesse, les portions de citoyens, un peu nombreuses, parler au nom du peuple souverain. Igno-rent-elles que la souveraineté n’appartient qu’au peuple entier ; qu’il n’exerce immédiatement sa souveraineté qu’au moment où toutes ses portions peuvent émettre un vœu commun ; qu’alors seulement sa volonté est souveraine ; que dans toute autre circonstance il ne peut prononcer qu’une opinion, manifester un désir ; que les réunions même les plus puissantes sont, comme un seul individu, soumises à la loi, et n’exercent que le pouvoir ou les fonctions qui leur sont délégués par elle ? » [82][82]De la nature des pouvoirs politiques dans une nation libre,…. Aussi précise-t-il dans son Exposition des principes et des motifs du plan de constitution, que « si le peuple veut, dans ses assemblées séparées, exercer son droit de souveraineté, ou même la fonction d’élire, la raison exige qu’il se soumette rigoureusement à des formes antécédemment établies. En effet, chaque assemblée n’est pas souveraine ; la souveraineté ne peut appartenir qu’à l’universalité d’un peuple, et ce droit serait violé, si une fraction quelconque de ce même peuple n’agissait pas, dans l’exercice d’une fonction commune, suivant une forme absolument semblable à celle que les autres ont suivie » [83][83]Œuvres, t. 12, p. 347 (souligné par nous).. Robespierre, qui n’entend dans ce discours qu’une justification bourgeoise et girondine, lui répond qu’ « assujettir à des formes légales la résistance à l’oppression est le dernier raffinement de la tyrannie… » [84][84]Projet de Déclaration des droits de l’homme du 24 avril 1793,…. Cependant, Condorcet n’interdit pas l’insurrection comme ultime défense contre la tyrannie [85][85]« Si la majorité désire une convention, l’assemblée des…. Ses priorités sont simplement inversées. Au lieu de présumer l’urgence et de reléguer le processus démocratique à des jours meilleurs, comme la Convention le fera en enfermant la Constitution du 24 juin 1793 à peine adoptée dans une arche de cèdre, dont elle ne sortira jamais, Condorcet préfère mettre en œuvre le principe démocratique avant tout, et n’envisager les piques et les cris qu’en dernier recours.
38Invoquant un autre argument, le député Robert s’oppose violemment devant la Convention à l’adoption du projet comme instituant la ploutocratie de manière indirecte : « Si vous décrétiez ces fréquentes assemblées, la partie la moins aisée du peuple serait dans l’impossibilité absolue de s’y rendre ; et si elle ne s’y rendait pas, son droit à l’exercice de la souveraineté ne serait plus qu’illusoire : la classe aisée, la classe opulente deviendrait la maîtresse suprême des assemblées, et par un excès de démocratie mal entendu, vous verriez nécessairement s’élever un genre d’aristocratie bien plus terrible, l’aristocratie presque absolue des riches » [86][86]A.P., LXIII, 386, cité par L. Jaume, Le discours jacobin et la….
39Le XIXe siècle et le début du XXe siècle ne furent pas plus encourageants. Michelet voit dans la Constitution de Condorcet la « paralysie constituée » [87][87]« C’est uniquement une machine de résistance contre l’autorité…. Mathiez acquiesce : selon lui, l’insertion d’un droit de censure dans le projet des Girondins ne servait qu’à « masquer sa politique de classe d’un vernis de libéralisme démocratique en même temps que pour donner à ses partisans le moyen de paralyser l’Assemblée législative où domineraient ses adversaires » [88][88]Mathiez, La Constitution de 1793, in Annales historiques de la…. Jaurès parle de la complexité du projet comme autant de « bouffissures » [89][89]Histoire socialiste de la Révolution française, édition revue…. Coste évoque un « chefd’œuvre de puérilité », « ridicule, voire monstrueux » [90][90]« Avec Hérault de Seychelles, nous estimons que ce projet était…. Quant à Archambault de Montfort [91][91]Les idées de Condorcet sur le suffrage, Paris, 1915, Slatkine…, il se demande un peu légèrement s’il ne faut pas voir dans le droit d’initiative populaire, sur lequel on sait pourtant que Condorcet a réfléchi durant toute sa vie de philosophe et d’homme politique [92][92]Cf. supra, n° 6 et s., qu’une simple manœuvre démagogique : « Ne serait-ce pas plutôt que dans le match de surenchère démocratique qui s’était ouvert entre les partis, l’idée d’organiser le contrôle du peuple lui a paru capable de rallier la faveur populaire ? ».
2 – Justifications de Condorcet
40Alors que son article Aux citoyens français sur la nouvelle constitution [93][93]Œuvres, t. 12, p. 653 et s., qui critique vivement la Constitution montagnarde du 24 juin 1793, lui a attiré les foudres de la Convention [94][94]Voir les extraits du Moniteur transcrivant l’intervention du…, Condorcet rédige un éclairant et touchant Fragments de justification [95][95]Œuvres, t. 1, p. 574 et s.. On peut y lire ce passage : « Au moment de la Révolution, l’égalité absolue entre les citoyens, l’unité du corps législatif, la nécessité de soumettre une constitution à l’acceptation immédiate du peuple, la nécessité d’établir des assemblées périodiques qui pussent changer cette constitution, et de donner aussi au peuple un moyen de faire convoquer ces assemblées lorsqu’il croirait sa liberté menacée ou ses droits violés par les pouvoirs existants, me parurent devoir être la base de la nouvelle organisation sociale. L’idée surtout d’organiser un moyen pour le peuple d’exprimer son vœu sur la nécessité d’une réforme quelconque, tel que jamais une insurrection ne fût nécessaire, me paraissait aussi utile qu’elle était en quelque sorte nouvelle, du moins pour le très grand nombre » [96][96]Souligné par nous.. On retrouve [97][97]Cf. supra, n° 37. le souci de Condorcet de faire prévaloir la discussion et le vote sur les armes et la violence. Il est intéressant de remarquer que ce leitmotiv est bien différent des raisons qui précipiteront l’adhésion du droit d’initiative dans d’autres pays, en particulier aux États-Unis d’Amérique, au milieu et à la fin du XIXe siècle. Ce ne sera plus la crainte de l’insurrection mais plutôt le dysfonctionnement du système parlementaire représentatif qui sera au centre des préoccupations [98][98]Cf. infra, n° 47.. Pour l’heure, Condorcet a raison de craindre la tyrannie d’une minorité active : la Convention, aux mains du Comité de Salut public, allait bientôt décréter son arrestation et l’acculer au suicide.
41Par ailleurs, Condorcet n’a pas que des détracteurs. Le projet reçoit l’admiration de certains contemporains. Ainsi, le rédacteur en chef de la Feuille Villageoise, dans son édition du 14 mars 1793, emploie une comparaison pleine de louanges : « Semblable à ces horloges artistement combinées pour pouvoir d’elles-mêmes remonter leur ressort, la nouvelle constitution présente les moyens qui peuvent à chaque instant la réformer et la perfectionner ». Récemment, les idées de Condorcet ont retrouvé du crédit. Pour Elisabeth et Robert Badinter, « le projet rayonne de la confiance que Condorcet avait en la démocratie directe, dans le peuple éclairé par l’instruction publique, et auquel il confère l’entier contrôle de sa destinée. Par ce lien indissoluble entre instruction et démocratie, entre raison et République, le projet de Condorcet est plus qu’un instrument juridique : un acte de foi dans l’avenir et les progrès indéfinis de l’esprit humain. Ce message là ne sera pas perdu » [99][99]E. et R. Badinter, Condorcet, un intellectuel en politique,…. Charles Coutel souligne l’inventivité du système proposé par Condorcet : « Les citoyens sont en liaison avec l’Assemblée et les autres élus dans un débat continu et libre. A la place d’une opposition entre gouvernés et gouvernants (présente chez Robespierre comme chez Sieyès), Condorcet propose une circulation des avis, débats et décisions politiques. C’est la République permanente. A la place de l’unanimisme, le débat et l’argumentation ; à la place d’une citoyenneté de « spécialistes », une citoyenneté partagée » [100][100]Coutel Charles, Condorcet, instituer le citoyen, Michalon,…. Léon Cahen [101][101]Condorcet et la Révolution française, Paris, 1904, réimp.… évoque la « noblesse des principes » du projet de Condorcet, et Francis Hamon [102][102]Op. cit., p. 81. en souligne le modernisme.
42Et effectivement, si on peut critiquer l’invraisemblance du procédé pratique, si on peut discuter les véritables intentions de Condorcet (bien que sa vie et ses écrits confirment la thèse de l’homme de bonne volonté plutôt que celle du tacticien évoquée par M. Pertué [103][103]« Et quelle était dans ce mécanisme la part du théoricien et du… ), on ne peut douter de l’utilité de l’idée en elle-même, qui permet l’expression directe du peuple dans les grands États, et qui offre donc une alternative au système représentatif pur. Il convient en effet de dépasser les limites étriquées d’un contexte franco-français de la fin du XVIIIe siècle, et de considérer les avatars historiques et mondiaux du droit d’initiative. Force est alors de constater que l’idée de Condorcet s’est propagée et concrétisée avec succès.
B – LE SUCCÈS DE L’IDÉE À L’ÉTRANGER
43On a vu que le concept et le mécanisme imaginés par Condorcet pour donner voix au peuple dans le processus législatif reçurent un accueil des plus froids en France. C’est donc ailleurs qu’ils vont se propager, à commencer par la Suisse, où la présence historique de la démocratie directe offre un humus propice à la prolifération de l’idée nouvelle [104][104]« Les landsgemeinde remontent au pacte historique qui unit, au…. Or, si la démocratie directe sous forme d’assemblées votantes est une institution traditionnelle dans certains cantons suisses, le nouveau mécanisme offert par le droit d’initiative n’y est apparu qu’au milieu du XIXe siècle. On connaît l’influence globale de la Révolution française sur le processus démocratique suisse [105][105]Simon Desploige, The Referendum in Switzerland, Longmans, Green…. Mais quel est le rôle personnel de Condorcet dans ce processus ? Ses travaux ont-ils eu quelque impact ? A cet égard nous ne trouvons aucune référence expresse [106][106]A.-E. Cherbuliez, dans De la démocratie en Suisse (Paris,…. Mais quelques indices nous mettent sur la piste.
44En 1831, le canton de Saint-Gall adopta une Constitution qui organisait un droit de veto présentant quelques similarités frappantes avec le droit d’initiative de Condorcet. A l’article 137, on peut lire que « dès que 50 citoyens d’une même commune le demandent, une assemblée communale doit être tenue pour décider s’il convient de s’opposer à la loi qui lui a été soumise ». L’article 138 continue en précisant que « si la majorité de l’assemblée communale décide de ne soulever aucune objection, la loi est considérée comme approuvée par la commune. Dans le cas contraire, l’Amman de la communauté communique sans délai le résultat à l’Amman du district, qui lui-même en avise le Petit Conseil en lui envoyant une copie de la minute de la réunion » [107][107]Cité par Simon Desploige, op. cit., p. 72 ; voir aussi A.-E.…. Bien que cette procédure ne concerne que le droit de veto et non le droit d’initiative, nous reconnaissons certaines caractéristiques du système proposé par Condorcet : le choix des 50 citoyens nécessaires à la mise en branle de tout le processus est une coïncidence frappante ; on retrouve aussi la progression par paliers chère à Condorcet.
45Il est par ailleurs troublant de constater que le droit d’initiative apparut dans la ville de Genève peu après que Condorcet eut exposé son système. En 1794, l’assemblée des citoyens déclara qu’elle seule avait le droit d’approuver, de rejeter, de modifier, d’interpréter ou d’abroger les lois et édits. Par un amendement de 1796, la Constitution de Genève donnait le droit d’initiative à une assemblée de 700 citoyens dans le cas d’un projet de loi ordinaire, à une assemblée de 1000 dans le cas d’un amendement constitutionnel [108][108]Simon Desploige, op. cit., p. 50–55 ; voir aussi Henri Fazy, Les….
46On trouve aussi quelques allusions directes à l’influence de Condorcet. Ainsi, pour Ulrich Coste [109][109]Le pouvoir législatif dans la Constitution de 1793, thèse,…, « le droit d’initiative populaire est, en Suisse, le droit que possède le peuple de demander : 1° la modification des lois en vigueur ; 2° la confection de lois nouvelles ; 3° la révision de la constitution. C’est absolument le même droit d’initiative que celui qui est établi par la constitution girondine du 16 février 1793 » [110][110]Souligné par nous.. Pour M. Schefold [111][111]Volkssouveränität and repräsentative Demokratie in der…, l’adoption du droit d’initiative populaire en matière législative dans le canton de Waadt en 1845 est directement influencée par Condorcet [112][112]« Um Vorkommnisse dieser Art künftig zu vermeiden, ist nach der…. Dans une analyse très riche, Alfred Kolz [113][113]Die bedeutung der franzosischen Revolution, in Les origines de… mentionne le lien de parenté direct qui unit Condorcet à l’apparition du droit d’initiative en Suisse. Le projet de Condorcet non seulement en tant que tel, mais aussi tel que repris dans le projet montagnard, aurait servi d’exemple à la première vague d’adoption de l’initiative dans les cantons. Par ailleurs, il voit une filiation entre Condorcet et les auteurs prônant la démocratie directe lors de la deuxième vague de démocratisation en Suisse après 1848. Des auteurs comme Burkli ou Rittenhausen se référeraient directement aux idées de Condorcet, ce qui aurait fait dire à Louis Blanc « Plus de Girondins ! » en tête d’un de ses pamphlets. Rittinghausen propose en effet un mécanisme de consultation par échelon (section, commune, district, département) qui rappelle avec force le système de Condorcet : « Le peuple se divise en sections de mille citoyens chacune. (…) Chaque section s’assemble dans un local propre à cet usage, école, hôtel de ville ou salle publique. Elle nomme son président, qui dirige les débats de la manière dont il sera parlé ci-après. Chaque citoyen peut prendre la parole dans les discussions, par conséquent toutes les intelligences sont au service de la patrie. La discussion close, chaque citoyen émettra son vote. Après le dépouillement du scrutin ; le président de la section fait transmettre au maire de la commune le chiffre des votes pour et contre. Le maire fait le relevé des votes de toutes les sections de la commune et en communique le résultat à l’administration supérieure, qui, opérant de la même manière pour son district, fait parvenir le chiffre des votes pour et contre au préposé du département. Ce dernier transmet le résultat du dépouillement au ministère, qui fait l’addition pour le pays entier » [114][114]La législation directe par le peuple et ses adversaires,…. Cette description rappelle étrangement le titre VIII de la Constitution girondine…
47Mais les détracteurs de l’initiative populaire eurent vite fait de lier son succès pratique en Suisse à sa tradition séculaire, ainsi qu’aux dimensions restreintes des cantons dans lesquels elle s’appliquait. Le XXe siècle les fera mentir, avec, tout d’abord, la propagation de l’initiative populaire aux États-Unis [115][115]Pour une étude d’ensemble en langue française, voir. D. Nedjar,…. Il y apparut à la fin du XIXe siècle, sous la pression conjuguée de la Révolution industrielle et de la Conquête de l’Ouest [116][116]Nathaniel A. Persily, The Peculiar Geography of Direct…. En 1888, James W. Sullivan, un théoricien de droit social, se rendit en Suisse pour étudier sur place le mécanisme de l’initiative et du référendum. De retour aux États-Unis, Sullivan publia une série d’articles sur le sujet ainsi qu’un livre qui fit sensation : « Direct Legislation by The Citizenship Through the Initiative and Referendum » [117][117]New York, True Nationalist Publishing Co., 1893.. Il convainc le « Populist party » et le « Socialist Labor Party » de le soutenir. En 1898, le Dakota du Sud fut le premier État à adopter le droit d’initiative. Actuellement, 24 États des États-Unis d’Amérique ont inscrit le droit d’initiative populaire dans leur Constitution [118][118]Pour les principaux ouvrages parus sur la question, voir David….
48Par ailleurs, le référendum d’initiative populaire est en pratique dans de nombreux pays du monde [119][119]V. Philip L. Dubois & Floyd Feeney, op. cit., p. 62 et s. : l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie [120][120]A ce propos, voir Pier Uleri, The 1987 Referenda, in Robert…, l’Espagne [121][121]Voir Laurent Ladisa, Le référendum consultatif en Espagne,…, le Canada, le Libéria, le Guatemala, et, récemment, les Iles Philippines [122][122]V. Anna Abad et Evalyn Ursua, Initiative and Referendum : An… et la Hongrie en connaissent sous des formes variées, attestant de la vitalité du mécanisme inventé près de deux siècles auparavant par Condorcet.
CONCLUSION : DU RESTE DU MONDE À LA FRANCE : LA CORRECTION D’UNE IDÉE ?
49Un cliché représente les Français volontiers cocardiers, claironnant fort leurs conquêtes et inventions. Le droit d’initiative serait alors l’exception confirmant la règle. L’aversion française envers cette institution est clairement exprimée par Ulrich Coste, au tournant du XXe siècle : « Les institutions sont comme les hommes et les plantes ; un changement de pays, de zone et de climat est presque toujours pour elles une cause de dépérissement et de mort. Donc il serait dangereux d’introduire dans un nouveau pays des institutions qui se sont développées et ont prospéré dans un autre, appropriées à sa nature, sur un sol apte à les nourrir et à les fortifier. La Suisse n’est pas un État comparable à la France : son territoire est tout à fait minuscule, il est étranger au grand concert des nations européennes, il se prête facilement aux votations populaires, n’est pas obligé de faire un grand nombre de lois, et partant le peuple n’est que rarement appelé à se prononcer. Les institutions de la Suisse sont le résultat des mœurs du passé, des conditions sociales de ce peuple, et il est plus que probable, qu’en dehors de ces conditions éminemment favorables, le référendum serait chez nous une institution parasite, d’un fonctionnement extrêmement difficile, peut-être même impossible » [123][123]Ulrich Coste, Le pouvoir législatif dans la Constitution de…. C’était oublier que la France avait précédé la Suisse dans cette voie… Dès 1850, Victor Considérant se fait l’avocat du droit d’initiative [124][124]La solution ou le gouvernement direct du peuple, Paris,… : parce que « la démocratie ne peut vouloir de la délégation sous aucune forme » [125][125]Idem, p. 14., toute proposition émanant d’une « section » et recueillant plus de 500 000 suffrages « sera réputée prise en considération par la nation et mise à son ordre du jour » [126][126]Idem, p. 19.. Les grands constitutionnalistes du XXe siècle se sont affrontés eux aussi sur l’idée de référendum d’initiative populaire. Pour Esmein, c’est un « élément de trouble et de désorganisation législative » [127][127]Deux formes de gouvernement, RDP, 1894, p. 41.. Il se demande, « alors qu’il est difficile d’obtenir une législation cohérente et pondérée avec l’initiative parlementaire, comment l’espérer avec l’initiative populaire ? » [128][128]Ibid.. Carré de Malberg [129][129]Considérations théoriques sur la question de la combinaison du… estime en revanche que l’introduction du référendum (dans lequel il inclut l’initiative populaire des lois [130][130]Idem, p. 228. ) est nécessaire au perfectionnement du régime représentatif [131][131]« Ainsi, seul, le référendum apparaît comme un complément…. Duguit y est, lui aussi, favorable [132][132]Traité de droit constitutionnel, 2e éd., t. 2, Paris, de…. Plus récemment, Jacques Mestre [133][133]Le référendum national d’initiative populaire, Revue des Deux…, Alain Werner [134][134]Plaidoyer pour le référendum d’initiative populaire, Petites…, Pierre Nuss [135][135]Référendum et initiative populaire en France : de l’illusion en… et Francis Hamon [136][136]L’idée de la démocratie directe de la Révolution à nos jours,… ont fait des propositions en ce sens [137][137]Au niveau local, V. Philippe Zavoli, La démocratie…. Par ailleurs, le référendum d’initiative populaire est depuis plus d’une décennie l’arlésienne de nombreux partis politiques [138][138]V. pour le Parti Communiste Français : programme du 28e Congrès…. Pourtant, à l’exception du projet Vedel qui n’a pas été suivi sur ce point [139][139]Le Comité Vedel avait proposé en 1993 l’instauration du…, et d’une proposition de loi faite par le député André Guérin en 1999, qui n’a pas abouti [140][140]« Proposition de loi relative au référendum d’initiative…, aucune mesure concrète n’a jamais été prise pour instaurer le droit d’initiative en France. Sous la pression de quelques groupes [141][141]On doit mentionner l’active association Démocratie Directe…, de nombreux candidats à l’élection présidentielle d’avril-mai 2002 l’ont inscrit à leur programme [142][142]Présentant son projet, Noël Mamère met l’accent sur les thèmes….
50L’idée de Condorcet retrouvera-t-elle un jour son berceau, bouclant ainsi deux siècles « d’errance » ? Si cela devait être, le législateur serait inspiré de tenir compte de l’expérience des autres pays, et d’apporter les correctifs adaptés à certaines dérives observées principalement aux États-Unis. Le mécanisme proposé par Condorcet offre à cet égard certaines garanties. Ce serait là l’occasion de lui en reconnaître la paternité, et d’honorer la mémoire d’un homme de génie.
Anne-Cécile Mercier.
https://youtu.be/yohtcidvaHM
Je rappelle que la Résistance à l’oppression est un droit fondamental et IMPRESCRIPTIBLE, puisqu’il s’agit d’un Droit de l’Homme (Art. 2), Droit Constitutionnel.
Le peuple dispose d’une arme redoutable, que les syndicats se garderont bien de signaler, pour cause de complicité avec les politiciens corrompus et le patronat, et cette arme redoutable est :
La grève de la productivité.
Aucune loi, aucun règlement, aucune disposition administrative ne peuvent obliger une personne à faire toujours plus, c’est si vrai que les fonctionnaires, qui n’ont pas le droit de grève, sont capables de bloquer le fonctionnement de leur administration en faisant la grève du zèle.
Une chose qui foutra la trouille bleue au patronat, c’est bien celle qui consiste à faire la grève de la productivité. Le salarié est à son poste, il effectue sa tâche selon son rythme normal (sans stress et sans se préoccuper d’en faire toujours plus) il est donc payé, et tout ce qui n’est pas fait aujourd’hui doit être reporter à demain ou plus tard.
Avantage de ce système de grève de la productivité, c’est que si le travail en retard s’accumule, il serra nécessaire de demander de faire des heures supplémentaires (non fiscalisées), et dans le pire des cas l’obligation d’embaucher, service offert aux chômeurs…
Je peux vous garantir qu’avec ce type de grève, il ne sera plus nécessaire d’occuper les ronds-points, ni même de manifester, car c’est le patronat, touché directement au porte-monnaie, qui viendra pousser le Macron à la démission.
Après la neutralisation des radars, qui coute cher aux gouvernements, puisque qu’il s’agit de leur caisse noire, la Grève de la Productivité en tant que Resistance à l’Oppression (qui en légalise la pratique) je peux vous dire qu’il s’agit là de l’arme atomique dont dispose le peuple pour se faire entendre des abrutis qui font la sourde oreille.
2019 en route pour la Grève à la Productivité.
Faites circuler, grâce à cette action collective le peuple ira vers la victoire sans perte de salaire, et sans avoir besoin de se confronter aux forces de l’ordre qui sont, ces sadiques, de leur côté prêt à casser du manifestant…
Non le peuple n’a pas tous les droits : tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ( Déclaration de 1789). Chaque homme et chaque femme héritent de la liberté et de ľégalité à la naissance. Nul ne peut les en priver : pas même le Peuple. Et je ne laisserai pas une minorité agissante (soi-disant le peuple) m’en priver. Oui
, la manif piupour tous et autres curaillons qui veulent imposer leur loi avec le RIC. D’ailleurs c’est qui le peuple ? Une personne qui pense ? Non, ce sont des personnes aux intérêts divers le plus souvent emmenés par de grandes gueules. En 1944 le peuple de Paris a acclamé Petain et six mois plus tard De Gaulle…Le même peuple ! Et vous citez souvent le RIC en Suisse. C’est de la foutaise. Comme me ĺ’ à expliqué un Suisse quand la loi votée par référendum ne plait pas, le parlement s’arrange pour la rendre inapplicable dans les faits. Ce fut le cas sur la recente loi sur ľimmigration
Et pour terminer mon laïus qui ne vous plaira pas : je ne suis pas sorti de la cuisse de Jupiter : famille ouvrière et fins de mois difficiles jai connu. Et la CSG sur ma retraite, je ne ľ apprécie guère. Mais je refuse la démagogie qui peut accoucher ď une dictature.
Je me baserai sur les travaux d’Henri Laborit (son livre phare : « la nouvelle grille »).
« tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » = baliverne (malheureusement).
D’abord, la liberté et l’égalité ne s’impose pas. Dès que l’on veut l’imposer, elle cesse d’exister (pour autant qu’elle existe déjà).
« La Vendée est ce pays auquel on a imposé la liberté, l’égalité et la fraternité, la fraternité surtout, en y faisant 500 000 morts. » Henri Laborit
Ensuite, qu’est-ce que la liberté et l’égalité en droit ?
La liberté, c’est la non connaissance des lois (conditionnements psychologiques et socioculturels) qui nous gouvernent.
« La liberté commence où finit la connaissance. » J. Sauvan
« Les sociétés libérales ont réussi à convaincre l’individu que la liberté se trouvait dans l’obéissance aux règles des hiérarchies du moment et dans l’institutionnalisation des règles qu’il faut observer pour s’élever dans ces hiérarchies. Les pays socialistes ont réussi à convaincre l’individu que lorsque la propriété privée des moyens de production et d’échanges était supprimée, libéré de l’aliénation de sa force de travail au capital, il devenait libre, alors qu’il reste tout autant emprisonné dans un système hiérarchique de dominance. » Henri Laborit
« L’égalité des chances ? Pour quoi ? Pour devenir inégal ! Avouez que c’est le comble de l’absurdité. S’élever dans une hiérarchie, mettre la tête de l’autre dans l’eau pour respirer soi-même, c’est ça l’égalité des chances : advenir inégal ! » Henri Laborit
La démocratie, ou le gouvernement du peuple (tel que nous le connaissons), n’est en fait que l’exploitation du peuple par ceux qui possèdent l’information, et le pouvoir est délégué à une hiérarchie. Cette hiérarchie est une technostructure qui se maintient grâce à ses moyens de sélection et de diffusion de l’information, qui permettent d’orienter l’information dans le sens attendu par le pouvoir.
L’humanité agit et vit dans une société planétaire qui propose à l’individu aliéné une promotion, s’il en accepte les règles. C’est ainsi que la techno-structure se maintient au pouvoir. De la sorte, ce système respecte l’organisation biologique de la dominance. Seule, l’imagination s’appuyant sur une connaissance fine des systèmes biologiques permettra à l’humanité de dépasser cet obstacle. Pour cela, il faudra que le temps libre ne soit pas consacré aux jeux du cirque mais à la connaissance, et que les systèmes hiérarchiques verticaux s’ouvrent à l’horizontalité, ainsi qu’aux niveaux supérieurs et inférieurs.
Les échelles hiérarchiques « de dominance », quelles qu’elles soient, sont à bannir ou à réduire au maximum. Elles sont parsemées dans toute notre société, à tous les niveaux. Elles devront être maitrisées par des règles de société que nous établirons ensemble. Il restera probablement celles au niveau de l’individu.
Évidemment, le RIC (et pas n’importe lequel) est nécessaire, mais pas suffisant. Mais le bébé ne doit pas être jeté avec l’eau du bain. C’est une étape vers la récupération d’une partie du pouvoir technocratique par le peuple. Il reste le pouvoir de l’information, des médias, de la culture, de l’éducation, le fonctionnement économique de notre société,… le chemin sera long et semé d’embuches. L’humanité ne s’est pas faite en un jour 😉
Bonjour.
La Loi n’est en rien décisive. Elle nous paraît telle car d’une part nous faisons partie des dominés et que par conséquent nous la subissons, et d’autre part depuis tout petit on nous a appris à la respecter. Placez-vous un instant du côté des dominants et vous verrez que TOUT est permis. Parce que par votre puissance, vous écrivez la Loi pour contraindre les autres mais pas vous. Mais surtout, et sans cela écrire la Loi ne sert à rien, parce que vous avez la puissance de rendre la Loi EFFECTIVE (quand elle sert vos intérêts et dessert les dominés) et INEFFECTIVE (dans le cas d’une démocratie plus « égalitaire » dont les lois vous desserviraient trop) . Cette puissance, qui permet donc l’effectivité du droit, vous l’avez dit, est économique. Elle est aussi militaire (vous l’avez oublié, or elle est celle qui est peut-être la plus « facile » à reprendre, les policiers et les militaires, hors hiérarchie, étant eux aussi du peuple). La puissance est aussi technique (et, étant autonome, va bien au-delà de la technostructure que vous évoquez). Les autres pouvoirs que vous citez (information, éducation et culture, de masse faut-il préciser) sont ordonnés par les trois puissances. Ils en sont dépendants au même titre que le pouvoir politique. Le Politique n’est rien d’autre qu’une courroie de transmission (un pouvoir), un moyen pour la puissance (économique, technique et militaire) détenue par les dominants d’asservir les dominés. Le Politique n’est pas un pouvoir qui permette aux dominés de reprendre la puissance, puisque, au contraire, il est délégué par celle-ci, il en est une émanation. Dire que s’emparer du pouvoir politique aussi bien législatif que constituant soit « une étape vers la récupération » de la puissance (l’Economique, le Militaire et le Technique sont bien plus que des pouvoirs, ils sont des puissances), c’est encore s’attaquer aux conséquences et non aux causes, c’est donc s’illusionner. Bref, changer la « démocratie » représentative actuelle par une démocratie directe, revient à pêcher dans une mare polluée (sans vie) en croyant que changer l’asticot par une mouche ferait mordre le poisson.
Que la majorité des humains puissent un jour faire la Loi, je peux le concevoir, mais pour cela elle devra au PREALABLE se rendre maître d’au moins une des trois puissances pour récupérer les deux autres. Ce n’est qu’à ce stade que nous pourrions évoquer le rapport entre égalité et liberté et nous pourrions être bien surpris.
Bien à vous.
RIC ‚= dictature fasciste assurée
On oubliera pas aussi de préciser que :
La guerre, c’est la paix.
La liberté, c’est l’esclavage.
L’ignorance, c’est la force.
En effet le RIC ne changera rien puisque nous sommes déjà en dictature.
Et pas au pays des bisounours. Enfin depuis combien de temps les puissants n’ont-ils pas eu de passe-droits ? Que pensaient les esclaves de la démocratie directe à Athènes ?
Bien à vous.
Nous sommes les descendants des esclaves de la démocratie directe à Athènes. Nous pensons qu’il est temps pour nous de changer les choses.
Absolument. Ce qui devrait vous interrogez sur le fait que la démocratie n’est pas un pouvoir qui libère de l’esclavage mais qui l’ordonne. Le mot « démocratie » (en tant que « vraie » démocratie ou démocratie directe au sens où vous le partagez sur ce site) est, à mon avis, bien plus synonyme d’idole que d’utopie (au sens positif du terme).
Interrogez-vous sur l’effectivité du droit, de quoi in fine son application dépend, ce que sont les conditions de son application dans la réalité et non en théorie, ce qui permet d’orienter dans la pratique un texte législatif, ce qui donne les outils pratiques à l’administration pour faire exécuter ce droit, ce qui permet le deux poids deux mesures quelle que soit la loi, ce qui permettrait, dans la réalité, d’imposer à une ou des puissances établies un texte constituant. Prenez le temps d’étudier si le Politique est une cause ou une conséquence.
Merci beaucoup. C’est vrai que l’article de A‑C. Mercier est très intéressant. Il permet d’éclairer le texte de la constitution « Girondine » de 1793. Parce que j’ai lu le texte de ce fameux « Titre VIII : De la censure du peuple sur les actes de la représentation nationale et du droit de pétition » : je mets au défi quiconque ici d’en comprendre exactement le mécanisme sur base simplement du texte original.
De ce que je comprends donc, le titre concerne la possibilité pour chaque citoyen d’avoir l’initiative de proposer, modifier ou abroger une loi :
1) Avec 50 citoyens de son quartier, il rédige une pétition. Ce n’est pas une proposition de loi, mais simplement la demande que l’Assemblée nationale législative se saisisse d’un sujet et fasse une loi dessus. Ces 50 citoyens adressent leur demande à leur « Assemblée primaire » (un peu un comité de quartier).
2) Si l’Assemblée primaire décide majoritairement qu’il y a lieu à effectivement saisir l’Assemblée nationale (elle ne se prononce par sur une éventuelle proposition de loi rédigée), elle transmet la pétition à l’Assemblée de la Commune, qui se prononce, et si le vote est positif, transmet à l’Assemblée départementale, qui se prononce de même.
3) Si l’Assemblée départementale se prononce positivement, elle transmet la demande à l’Assemblée législative. Celle-ci soit refuse de mettre le sujet à l’ordre du jour, soit rédige une loi sur le sujet (c’est donc bien toujours la Législative qui fait la loi) et transmet sa décision à toutes les Assemblées départementales.
4) Si une Assemblée départementale quelconque s’oppose à cette décision, un référendum national est convoqué sur la décision de la Législative. Si la réponse du référendum national est contre la décision de la Législative, cela signifie que représentés et représentants ne sont plus en phase : celle-ci est dissoute et ce nouvelles élections ont lieu.
Deux idées importantes à noter au préalable, relevées par l’auteur : éviter le recours à l’insurrection en permettant un droit d’Initiative, et éviter que des minorités agissantes ne monopolisent le débat législatif.
Sur le fond, je pense que le modèle « par palier » proposé par Condorcet est le plus adéquat. En effet, le RIC tel qu’il est couramment proposé dans les débats actuels a un défaut : le nombre de pétitionnaires nécessaires pour déclencher un référendum. On propose des chiffres comme 200.000, 500.000, ou 1 million. Mais dans tous les cas, ce nombre est à la fois trop grand et trop petit (et d’ailleurs, toujours contesté dans un sens ou l’autre). Trop grand, parce que pour atteindre de tels chiffres, il faut une organisation importante. Cela limite donc aux grandes organisations, ou a ceux qui ont beaucoup d’argent, la possibilité de lancer un RIC. Pour des petits groupes qui auraient une idée intéressante, ce serait impossible. En même temps, ce nombre est trop petit, car une minorité organisée obtient facilement le nombre de quelques centaines de milliers de sympathisants, sans que son initiative soit particulièrement populaire dans l’ensemble du pays. Beaucoup de votations suisses sont rejetées à 70, 80, 90 %.
La méthode « par paliers » de Condorcet joue le rôle d’échantillonnage, un peu comme un sondage d’opinion. Une Initiative peut être lancée avec peu de moyens (50 citoyens suffisent), et en même temps, si elle passe le filtre de l’Assemblée primaire, de la Commune et du Département , cela signifie qu’elle est suffisamment pertinente pour intéresser tous le pays.
On pourrait dire que cela fait beaucoup de filtres, mais d’un autre côté :
– l’Initiative en question ne demande que de saisir l’Assemblée nationale d’un sujet législatif, sans faire une proposition concrète. Au niveau des différent filtres, il suffit d’avoir l’approbation de ceux qui pensent les sujet mérite un débat, et non juste ceux qui sont de notre avis.
– si l’Initiative est bloquée par les filtres pour des raisons locales (par exemple un citoyen qui proposerait à son Assemblée primaire de Neuilly de rétablir l’ISF), il est toujours loisible à quelqu’un d’autre de tenter de la faire aboutir dans un autre département. Si elle est bloquée dans tous les départements, c’est sans doute qu’elle n’est pas pertinente.
Certes, en pratique, on pourrait aménager : peut-être que l’initiative pourrait comporter les grandes lignes de la modifications législative souhaités. A voir.
On voit donc que la méthode par palier est à la fois plus égalitaire, plus représentative et plus économique que la méthode par pétition nationale. Malheureusement, vu la complexité du système proposé (ne serait-ce que pour le comprendre), c’est la méthode par pétition nationale qui sera dans un premier temps bien plus facile à faire aboutir.
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Pour le RIC « constituant », les choses sont expliquées dans le « Titre IX : Des Conventions Nationales » et sont plus simples
– La première partie du circuit est la même : 50 citoyens font une pétition à leur Assemblée primaire, qui se prononce et la soumet à l’Assemblée communale, et celle-ci à l’Assemblée départementale.
– Si l’Assemblée départementale se prononce en faveur de la convocation d’une Assemblée constituante, un référendum est organisé pour que l’ensemble du peuple se prononce sur l’opportunité de cette convocation
– L’Assemblée constituante, élue, remet une proposition de réforme constitutionnelle. Celle-ci est soumise à référendum. Si elle est rejetée, elle travaille à nouveau et remet une seconde proposition. Si elle est à nouveau rejetée, la Constituante est dissoute et les Assemblées primaires sont reconsultées sur l’opportunité d’en convoquer une nouvelle.
Pour ma part, ce mode de fonctionnement me convient (évidemment, il faudrait que la Constituante soit tirée au sort, mais peut-être qu’on serait obligé en pratique de passer par une première phase élue), et pourrait être testé.
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Alors, les contradicteurs diront qu’il y a la une source d’instabilité institutionnelle. Mais le but n’est pas de remettre sans cesse en jeu les lois, ou la constitution, ou les assemblées. Le but est qu’il y ait concordance entre la volonté des représentés et les textes rédigés par les représentants. Lorsque cette concordance est atteinte, il n’y a pas de motifs d’y revenir à tous bouts de champs.
Je n’ai pas lu tout le reste du texte de la Constitution Girondine, je ne manquerai pas de le faire. Il est disponible à plusieurs endroits (et déjà présenté sur ce blog l’année passée).
Pour l’avoir avec l’Exposé des motifs, le mieux reste de le lire sur Wikisource :
https://fr.wikisource.org/wiki/Plan_de_Constitution_pr%C3%A9sent%C3%A9_%C3%A0_la_Convention_Nationale
Michel Midi : Étienne Chouard s’explique auprès de Michel Collon sur les Gilets jaunes, le référendum d’initiative citoyenne, Alain Soral, les médias… – 30 décembre 2018 :
https://youtu.be/QrixgC4HOtg
RIC : Peut-on faire confiance au peuple ?
avec Olivier BERRUYER
https://youtu.be/9kMqG2MpfN4
Inconcevable : Du prélèvement de l’impôt à la source au dépouillement total des peuples
https://www.youtube.com/watch?time_continue=20&v=Wu4GNJ94GA0
trouvé sur le net…(blog vivre sain)
« Que faut-il revendiquer ?
Une idée simple pour restaurer
le niveau de vie global du peuple
Le mouvement social dit des « Gilets Jaunes », en ce début d’année 2019, revendique encore beaucoup de choses, mais souvent de façon confuse. Les « Gilets Jaunes » veulent, en particulier, de meilleurs salaires et de meilleures retraites.
Les « cahiers de doléances », ouverts dans les mairies, sont aussi faits pour cela : permettre à ceux qui réclament « une meilleure vie » de se faire entendre. Mais, fondamentalement, qu’écrire dessus qui puisse être simple et efficace ?
La réponse peut être extraordinairement simple : Dans la vidéo ci-dessous (il en est bien d’autres!) l’économiste militant Étienne Chouard explique comment, d’abord aux Etats-Unis puis en bien d’autres pays comme la France, la « dette » est apparue et, consécutivement à cela, l’impôt dit « sur le revenu », qui, aux États-Unis n’existait pas avant 1913, année de la création de la soi-disant « banque fédérale » qui, arnaque suprême, en réalité, était une banque privée !
En France la même chose n’est arrivée qu’en 1973, avec la loi dite « Pompidou-Giscard-Rotschild ». Avant cela il n’y avait aucune dette en France. Alors, comment la dette a‑t-elle été générée ? Tout simplement par le renoncement délibéré de l’état à son droit régalien de lui-même créer l’argent nécessaire au fonctionnement du pays.
Bien évidemment, à la place de cela, l’argent nécessaire au fonctionnement de l’état et du pays, l’état, au lieu de le créer lui-même, a commencé à l’emprunter à des banques privées, à un taux d’intérêt relativement élevé (aux USA c’était de 6%). La dette elle-même, aujourd’hui « astronomique », est totalement irremboursable. Il n’est donc pas question de la rembourser, le budget total de l’état n’y suffirait pas.
Chaque année de nombreux pays comme la France (en Europe ce – pour les banques prêteuses ! – lucratif mais criminel système a été généralisé aux pays de l’Union européenne, par le traité de Maastricht, après que le traité de Lisbonne, qui prévoyait la même chose!, ait été refusé par la majorité du peuple français!) sont donc « obligés » de payer un intérêt devenant toujours plus « pharaonique », de sorte qu’un petit Français naissant aujourd’hui, comme « cadeau des fées », a déjà, dans son berceau, une « ardoise » de largement plus de 30.000 €uros !
La situation est devenue telle que la totalité de l’impôt sur le revenu va, de nos jours, non pas aux écoles, hôpitaux et services publics, ni même au « remboursement de la dette », mais uniquement au paiement de l’intérêt annuel sur cette dette !
La solution à la pauvreté généralisée est donc d’une extrême simplicité ; elle consiste à, tout simplement, revenir à l’époque où le budget de la France ou des autres pays concernés était encore en équilibre, sans emprunts à des banquiers privés, sans dette et sans intérêts à payer.
En particulier, si l’on est « Gilet Jaune », que faut-il donc revendiquer ? Tout simplement, le retour à la situation antérieure. En France, antérieur à 1973 !
Ce qui implique :
- Dénonciation de la loi « Pompidou-Giscard-Rotschild » et du traité de Maastricht.
- Annulation de la dette et donc arrêt du paiement des intérêts à des banques privées.
- Restauration du pouvoir régalien de l’état de lui-même générer l’argent dont il a besoin pour le fonctionnement du pays.
La conséquence en sera automatiquement la libération d’une considérable masse monétaire (l’équivalent de l’impôt sur le revenu) pouvant servir aux services publics, écoles, hôpitaux, augmentation des retraites et des salaires, etc. »