Le (précieux) site d’information d’Olivier Berruyer, les-crises.fr, a maintenant sa chaîne Youtube.
On y trouve déjà, entre autres perles, ce scandaleux propos antidémocratique (déjà dénoncé sur ce blog) de la part d’un « élu », ennemi du peuple et traître à ses électeurs :
httpv://youtu.be/TrpbBRBHqGk
En guise de nouveaux commentaires, je vais cette fois donner mon temps de parole à quelques penseurs que j’aime lire pour prendre de la distance par rapport au spectacle quotidien honteux des voleurs de pouvoir modernes :
1. Souveraineté et démocratie
« C’est une loi fondamentale de la démocratie que le peuple fasse les lois. »
Montesquieu, « De l’esprit des lois » (1748), livre II chapitre 2.
« Démocratie : sorte de gouvernement où le peuple a toute l’autorité. La démocratie n’a été florissante que dans les républiques de Rome et d’Athènes. »
Furetière, Dictionnaire universel (1890).
« Le démocrate après tout est celui qui admet qu’un adversaire peut avoir raison, qui le laisse donc s’exprimer et qui accepte de réfléchir à ses arguments. Quand des partis ou des hommes se trouvent assez persuadés de leurs raisons pour accepter de fermer la bouche de leurs contradicteurs par la violence, alors la démocratie n’est plus. »
Albert Camus, extrait de « Démocratie et Modestie », in Combat, février 1947.
« La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi. Le peuple Anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement : sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde. »
Jean-Jacques Rousseau, Le contrat social (1792).
« Premièrement, un État très petit, où le peuple soit facile à rassembler, et où chaque citoyen puisse aisément connaître tous les autres ; secondement, une grande simplicité de mœurs qui prévienne la multitude d’affaires et de discussions épineuses ; ensuite beaucoup d’égalité dans les rangs et dans les fortunes, sans quoi l’égalité ne saurait subsister longtemps dans les droits et l’autorité ; enfin peu ou point de luxe, car ou le luxe est l’effet des richesses, ou il les rend nécessaires ; il corrompt à la fois le riche et le pauvre, l’un par la possession, l’autre par la convoitise ; il vend la patrie à la mollesse, à la vanité ; il ôte à l’État tous ses citoyens pour les asservir les uns aux autres, et tous à l’opinion. »
Jean-Jacques Rousseau, « Du contrat social ou Principes du droit politique » (1762), livre III, chapitre 4 « De la démocratie ».
« La démocratie est un état où le peuple souverain, guidé par des lois qui sont son ouvrage, fait par lui-même tout ce qu’il peut bien faire, et par des délégués tout ce qu’il ne peut faire lui-même. »
Robespierre, discours du 18 pluviôse an II.
« Le pouvoir doit être bien distingué des fonctions ; la nation délègue en effet les diverses fonctions publiques ; mais le pouvoir ne peut être aliéné ni délégué. Si l’on pouvait déléguer ces pouvoirs en détail, il s’en suivrait que la souveraineté pourrait être déléguée. »
Robespierre, « notes manuscrites en marge du projet de constitution de 1791 ».
« Au lieu de « La souveraineté politique réside dans la nation » je proposerais « La légitimité est constituée par le libre consentement du peuple à l’ensemble des autorités auxquelles il est soumis ». Cela au moins, il me semble, veut dire quelque chose. »
Simone Weil, « Remarques sur le nouveau projet de constitution » dans « Écrits de Londres », p 87.
« Dans les États qui juxtaposent à la puissance législative des Chambres la possibilité de demandes populaires de référendums, c’est le peuple qui monte au rang suprême par l’acquisition du pouvoir de prononcer le rejet ou l’adoption définitive des décisions parlementaires. Du coup le Parlement se trouve ramené au rang de simple autorité : il ne représente plus la volonté générale que pour chercher et proposer l’expression qu’il convient de donner à celle-ci ; il ne remplit ainsi qu’office de fonctionnaire. Le véritable souverain c’est alors le peuple. »
Carré de Malberg, dans un article de 1931 « Référendum Initiative populaire », cité Dans « La démocratie locale et le référendum » de Marion Paoletti, chez L’Harmattan page 89.
2. Nécessaire vigilance des citoyens et indispensables contrôles des pouvoirs en démocratie
« Tout chef sera un détestable tyran si on le laisse faire. »
Alain.
« La meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples. »
Machiavel.
« Veiller est le premier devoir de tout bon citoyen. »
Jean-Paul Marat, 13 avril 1792.
« C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! la vertu même a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
Montesquieu, L’esprit des lois, livre XI, chap. IV.
« Ce qui est bien connu en général est, pour cette raison qu’il est bien connu, non connu. Dans le processus de la connaissance, le moyen le plus commun de se tromper, soi et les autres, est de présupposer quelque chose comme connu et de l’accepter comme tel. »
G. F. Hegel, « Phénoménologie de l’esprit ».
« Pour rester libre, il faut être sans cesse en garde contre ceux qui gouvernent : rien de plus aisé que de perdre celui qui est sans défiance ; et la trop grande sécurité des peuples est toujours l’avant-coureur de leur servitude.
Mais comme une attention continuelle sur les affaires publiques est au-dessus de la portée de la multitude, trop occupée d’ailleurs de ses propres affaires, il importe qu’il y ait dans l’État des hommes qui tiennent sans cesse leurs yeux ouverts sur le cabinet, qui suivent les menées du gouvernement, qui dévoilent ses projets ambitieux, qui sonnent l’alarme aux approches de la tempête, qui réveillent la nation de sa léthargie, qui lui découvrent l’abîme qu’on creuse sous ses pas, et qui s’empressent de noter celui sur qui doit tomber l’indignation publique. Aussi, le plus grand malheur qui puisse arriver à un État libre, où le prince est puissant et entreprenant, c’est qu’il n’y ait ni discussions publiques, ni effervescence, ni partis.
Tout est perdu, quand le peuple devient de sang-froid, et que sans s’inquiéter de la conservation de ses droits, il ne prend plus de part aux affaires : au lieu qu’on voit la liberté sortir sans cesse des feux de la sédition. »
Jean-Paul Marat, « Les chaînes de l’esclavage » (1774).
« Le gouvernement représentatif devient bientôt le plus corrompu des gouvernements si le peuple cesse d’inspecter ses représentants. Le problème des Français, c’est qu’ils donnent trop à la confiance, et c’est ainsi qu’on perd la liberté. Il est vrai que cette confiance est infiniment commode : elle dispense du soin de veiller, de penser et de juger. »
Madame Rolland (1789), citée par Rosanvallon (2006, n°3, min. 2:37).
« Tout pouvoir est méchant dès qu’on le laisse faire ; tout pouvoir est sage dès qu’il se sent jugé. »
Émile Chartier dit « Alain », « Propos », 25 janvier 1930.
« La vraie démocratie ne viendra pas de la prise de pouvoir par quelques-uns, mais du pouvoir que tous auront de s’opposer aux abus de pouvoir. »
Gandhi.
« La punition des gens bons qui ne s’intéressent pas à la politique, c’est d’être gouvernés par des gens mauvais. »
Platon.
« L’acclamation a fait tous les maux de tous les peuples. Le citoyen se trouve porté au-delà de son propre jugement, le pouvoir acclamé se croit aimé et infaillible ; toute liberté est perdue. »
Alain, 8 décembre 1923.
« La démocratie n’est pas dans l’origine populaire du pouvoir, elle est dans son contrôle. La démocratie, c’est l’exercice du contrôle des gouvernés sur les gouvernants. Non pas une fois tous les cinq ans, ni tous les ans, mais tous les jours. »
Alain.
« La vigilance ne se délègue pas. »
Alain.
« Apprenez donc que, hors ce qui concerne la discipline militaire, c’est-à-dire, le maniement et la tenue des armes, les exercices et les évolutions, la marche contre les ennemis des lois et de l’État, les soldats de la patrie ne doivent aucune obéissance à leurs chefs ; que loin de leur être soumis, ils en sont les arbitres ; que leur devoir de citoyen les oblige d’examiner les ordres qu’ils en reçoivent, d’en peser les conséquences, d’en prévenir les suites. Ainsi lorsque ces ordres sont suspects, ils doivent rester dans l’inaction ; lorsque ces ordres blessent les droits de l’homme, ils doivent y opposer un refus formel ; lorsque ces ordres mettent en danger la liberté publique, ils doivent en punir les auteurs ; lorsque ces ordres attentent à la patrie, ils doivent tourner leurs armes contre leurs officiers. Tout serment contraire à ces devoirs sacrés, est un sacrilège qui doit rendre odieux celui qui l’exige, et méprisable celui qui le prête. »
Marat, « L’Ami du Peuple », 8 juillet 1790.
« Par la division des spécialistes, qui est une règle de l’élite, le gouvernement des meilleurs est proprement aveugle. »
Alain, avril 1939.
« La liberté réelle suppose une organisation constamment dirigée contre le pouvoir. La liberté meurt si elle n’agit point. »
Alain.
« Le droit qu’ont les citoyens de s’assembler où il leur plaît, et quand il leur plaît, pour s’occuper de la chose publique, est inhérent à tout peuple libre.
Sans ce droit sacré, l’état est dissous, et le souverain est anéanti ; car, dès que les citoyens ne peuvent plus se montrer en corps, il ne reste dans l’État que des individus isolés ; la nation n’existe plus.
On voit avec quelle adresse les pères conscrits ont anéanti la souveraineté du peuple, tout en ayant l’air d’assurer la liberté individuelle. En Angleterre, toute assemblée paisible est licite : la loi ne défend que les attroupements séditieux. Voilà la liberté. »
Marat 16–17 août 1792.
« Le suffrage périt par l’acclamation. »
Alain, février 1932
« Le prix de la liberté est la vigilance éternelle. »
Thomas Jefferson.
« Répétez un mensonge assez fort et assez longtemps et les gens le croiront. »
Josef GOEBBELS (1897−1945)
« Il en va de la responsabilité de chaque citoyen de questionner l’Autorité. »
Benjamin FRANKLIN (1706−1790)
« L’homme ne risque pas de s’endormir dans un monde totalitaire mais de se réveiller dans un univers qui l’est devenu durant son sommeil. »
Arthur KOESTLER (1905−1983)
« L’important est de construire chaque jour une petite barricade, ou, si l’on veut, de traduire tous les jours quelque roi devant le tribunal populaire. Disons encore qu’en empêchant chaque jour d’ajouter une pierre à la Bastille, on s’épargne la peine de la démolir. »
Alain, Propos, 6 janvier 1910.
« Ce qui importe, ce n’est pas l’origine des pouvoirs, c’est le contrôle continu et efficace que les gouvernés exercent sur les gouvernants. Où est donc la Démocratie, sinon dans ce troisième pouvoir que la Science Politique n’a point défini, et que j’appelle le Contrôleur ? Ce n’est autre chose que le pouvoir, continuellement efficace, de déposer les Rois et les Spécialistes à la minute, s’ils ne conduisent pas les affaires selon l’intérêt du plus grand nombre. Le citoyen a le devoir de penser librement, car les droits des citoyens crédules sont comme abolis. Obéissez, mais n’obéissez pas sans contrepartie : sachez douter, refusez de croire. N’acclamez point : les pouvoirs seront modérés si seulement vous vous privez de battre des mains. »
Alain, Propos sur le pouvoir.
« Les pouvoirs élus ne valent pas mieux que les autres ; on peut même soutenir qu’ils valent moins. L’électeur ne saura pas choisir le meilleur financier, ni le meilleur policier. Et qui pourrait choisir ?
Dans le fait les chefs réels s’élèvent par un mélange de savoir, de ruse et de bonne chance, et aussi par l’emportement de l’ambition. Les chefs sont des produits de nature ; et l’on ne demande point s’il est juste qu’une pomme soit plus grosse qu’une autre. Un chef grossit et mûrit de même. Nous voyons partout des gros et des petits. Nous savons ce que peut faire un homme qui a beaucoup d’argent. Mais il serait absurde d’élire un homme riche, je veux dire de décider par des suffrages que cet homme aura beaucoup d’argent. L’inégalité des hommes est de nature, comme celle des pommes. Et le pouvoir d’un général d’artillerie est de même source que celui d’un financier. L’un et l’autre se sont élevés par un savoir-faire, par un art de persuader, par un mariage, par des amitiés. Tous les deux peuvent beaucoup dans leur métier, et étendent souvent leur pouvoir hors de leur métier. Ce pouvoir n’est pas donné par la masse, mais plutôt est subi et reconnu par elle, souvent même acclamé. Et il serait faible de dire qu’un tel pouvoir dépend du peuple et que le peuple peut le donner et le retirer. Dans le fait ces hommes gouvernent. Et de tels hommes sont toujours groupés en factions rivales, qui ont leurs agents subalternes et leurs fidèles sujets. C’est ainsi qu’un riche fabricant d’avions gouverne une masse ouvrière par les salaires. Toute société humaine est faite de tels pouvoirs entrelacés. Et chacun convient que les grands événements politiques dépendent beaucoup des pouvoirs réels, et de leurs conseils secrets. Il y a une élite, et une pensée d’élite ; d’où dépendent trop souvent les lois, les impôts, la marche de la justice et surtout la paix et la guerre, grave question en tous les temps, et aujourd’hui suprême question, puisque toutes les familles y sont tragiquement intéressées.
Or, ce qu’il y a de neuf dans la politique, ce que l’on désigne du nom de démocratie, c’est l’organisation de la résistance contre ces redoutables pouvoirs. Et, comme on ne peut assembler tout le peuple pour décider si les pouvoirs abusent ou non, cette résistance concertée se fait par représentants élus. Ainsi, l’opinion commune trouve passage ; et tant que les représentants sont fidèles et incorruptibles, cela suffit. Le propre des assemblées délibérantes, c’est qu’elles ne peuvent se substituer aux pouvoirs, ni choisir les pouvoirs, mais qu’elles peuvent refuser obéissance au nom du peuple. Un vote de défiance, selon nos usages politiques, ressemble à une menace de grève, menace que les pouvoirs ne négligent jamais.
D’après cette vue, même sommaire, on comprend pourquoi tous les pouvoirs réels sont opposés à ce système ; pourquoi ils disent et font dire que les représentants du peuple sont ignorants ou vendus. Mais la ruse principale des pouvoirs est de corrompre les représentants par le pouvoir même. C’est très promptement fait, par ceci, qu’un ministre des Finances, ou de la Guerre, ou de la Marine, tombe dans de grosses fautes s’il ne se laisse conduire par les gens du métier, et se trouve alors l’objet des plus humiliantes attaques ; et qu’au contraire il est loué par tous les connaisseurs et sacré homme d’État s’il prend le parti d’obéir.
C’est ainsi qu’un homme, excellent au contrôle, devient faible et esclave au poste de commandement. On comprend que les représentants, surtout quand ils ont fait l’expérience du pouvoir, montrent de l’indulgence, et soient ainsi les complices des pouvoirs réels ; au lieu que ceux qui sont réduits à l’opposition se trouvent souvent rois du contrôle, et fort gênants.
C’est pourquoi le problème fameux de la participation au pouvoir est le vrai problème, quoiqu’on ne le traite pas encore à fond. La vraie question est de savoir si un député est élu pour faire un ministre, ou pour défaire les ministres par le pouvoir de refus. Ces rapports ne font encore que transparaître. On s’étonne que le Président suprême ait si peu de pouvoir. Mais n’est-il pas au fond le chef suprême du contrôle ? Ce serait alors un grand et beau pouvoir, devant lequel tous les pouvoirs trembleraient. Ces choses s’éclairciront, en dépit des noms anciens, qui obscurcissent tout. »
Alain, « Propos sur le pouvoir », novembre 1931, p 226.
« Que nous importent les combinaisons qui balancent l’autorité des tyrans ? C’est la tyrannie qu’il faut extirper. Ce n’est pas dans les querelles de leurs maîtres que les peuples doivent chercher l’avantage de respirer quelques instants, c’est dans leurs propres forces qu’il faut placer la garantie de leurs droits. Il n’y a qu’un tribun du peuple que je puisse avouer, c’est le peuple lui-même. »
Robespierre, discours contre l’institution d’un Tribunat (chambre de contrôle des pouvoirs), cité par Pierre Rosanvallon, « Les formes de la souveraineté négative » (2006), min. 36′.
« Les chances de l’erreur sont bien plus nombreuses encore, lorsque le peuple délègue l’exercice du pouvoir législatif à un petit nombre d’individus ; c’est-à-dire, lorsque c’est seulement par fiction que la loi est l’expression de la volonté du plus grand nombre, ou ce qui est présumé l’être. […] Sous le gouvernement représentatif, surtout, c’est-à-dire, quand ce n’est point le peuple qui fait les lois, mais un corps de représentants, l’exercice de ce droit sacré [la libre communication des pensées entre les citoyens] est la seule sauvegarde du peuple contre le fléau de l’oligarchie. Comme il est dans la nature des choses que les représentants peuvent mettre leur volonté particulière à la place de la volonté générale, il est nécessaire que la voix de l’opinion publique retentisse sans cesse autour d’eux, pour balancer la puissance de l’intérêt personnel et les passions individuelles ; pour leur rappeler, et le but de leur mission et le principe de leur autorité.
Là, plus qu’ailleurs, la liberté de la presse est le seul frein de l’ambition, le seul moyen de ramener le législateur à la règle unique de la législation. Si vous l’enchaînez, les représentants, déjà supérieurs à toute autorité, délivrés encore de la voix importune de ces censeurs, éternellement caressés par l’intérêt et par l’adulation, deviennent les propriétaires ou les usufruitiers paisibles de la fortune et des droits de la nation ; l’ombre même de la souveraineté disparaît, il ne reste que la plus cruelle, la plus indestructible de toutes les tyrannies ; c’est alors qu’il est au moins difficile de contester la vérité de l’anathème foudroyant de Jean-Jacques Rousseau contre le gouvernement représentatif absolu. »
Robespierre, Le Défenseur de la Constitution, n° 5, 17 juin 1792.
« La source de tous nos maux, c’est l’indépendance absolue où les représentants se sont mis eux-mêmes à l’égard de la nation sans l’avoir consultée. Ils ont reconnu la souveraineté de la nation, et ils l’ont anéantie. Ils n’étaient de leur aveu même que les mandataires du peuple, et ils se sont faits souverains, c’est-à-dire despotes, car le despotisme n’est autre chose que l’usurpation du pouvoir souverain.
Quels que soient les noms des fonctionnaires publics et les formes extérieures du gouvernement, dans tout État où le souverain ne conserve aucun moyen de réprimer l’abus que ses délégués font de sa puissance et d’arrêter leurs attentats contre la constitution de l’État, la nation est esclave, puisqu’elle est abandonnée absolument à la merci de ceux qui exercent l’autorité.
Et comme il est dans la nature des choses que les hommes préfèrent leur intérêt personnel à l’intérêt public lorsqu’ils peuvent le faire impunément, il s’ensuit que le peuple est opprimé toutes les fois que ses mandataires sont absolument indépendants de lui.
Si la nation n’a point encore recueilli les fruits de la révolution, si des intrigants ont remplacé d’autres intrigants, si une tyrannie légale semble avoir succédé à l’ancien despotisme, n’en cherchez point ailleurs la cause que dans le privilège que se sont arrogés les mandataires du peuple de se jouer impunément des droits de ceux qu’ils ont caressés bassement pendant les élections. »
Robespierre, 29 juillet 1792.
« Sitôt que le service public cesse d’être la principale affaire des citoyens, et qu’ils aiment mieux servir de leur bourse que de leur personne, l’État est déjà près de sa ruine. Faut-il marcher au combat ? ils payent des troupes et restent chez eux ; faut-il aller au conseil ? ils nomment des députés et restent chez eux. À force de paresse et d’argent, ils ont enfin des soldats pour asservir la patrie, et des représentants pour la vendre.
C’est le tracas du commerce et des arts, c’est l’avide intérêt du gain, c’est la mollesse et l’amour des commodités, qui changent les services personnels en argent. On cède une partie de son profit pour l’augmenter à son aise. Donnez de l’argent, et bientôt vous aurez des fers. Ce mot de finance est un mot d’esclave, il est inconnu dans la cité. Dans un pays vraiment libre, les citoyens font tout avec leurs bras, et rien avec de l’argent ; loin de payer pour s’exempter de leurs devoirs, ils payeraient pour les remplir eux-mêmes. Je suis bien loin des idées communes ; je crois les corvées moins contraires à la liberté que les taxes.
Mieux l’État est constitué, plus les affaires publiques l’emportent sur les privées, dans l’esprit des citoyens. Il y a même beaucoup moins d’affaires privées, parce que la somme du bonheur commun fournissant une portion plus considérable à celui de chaque individu, il lui en reste moins à chercher dans les soins particuliers. Dans une cité bien conduite, chacun vole aux assemblées ; sous un mauvais gouvernement, nul n’aime à faire un pas pour s’y rendre, parce que nul ne prend intérêt à ce qui s’y fait, qu’on prévoit que la volonté générale n’y dominera pas, et qu’enfin les soins domestiques absorbent tout. Les bonnes lois en font faire de meilleures, les mauvaises en amènent de pires. Sitôt que quelqu’un dit des affaires de l’État : Que m’importe ? on doit compter que l’État est perdu.
L’attiédissement de l’amour de la patrie, l’activité de l’intérêt privé, l’immensité des États, les conquêtes, l’abus du gouvernement, ont fait imaginer la voie des députés ou représentants du peuple dans les assemblées de la nation. C’est ce qu’en certain pays on ose appeler le tiers état. Ainsi l’intérêt particulier de deux ordres est mis au premier et second rang ; l’intérêt public n’est qu’au troisième.
La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi. Le peuple Anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement : sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde. »
Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social (1762), Chapitre 3.15 : Des députés ou représentants (extrait).
3. Projets ouvertement antidémocratiques des pères fondateurs du gouvernement représentatif
« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »
Abbé SIEYES, Discours du 7 septembre 1789.
« Si la foule gouvernée peut se croire l’égale du petit nombre qui gouverne, alors il n’y a plus de gouvernement. Le pouvoir doit être hors de portée de la compréhension de la foule des gouvernés. L’autorité doit être constamment gardée au-dessus du jugement critique à travers les instruments psychologiques de la religion, du patriotisme, de la tradition et du préjugé… Il ne faut pas cultiver la raison du peuple mais ses sentiments, il faut donc les diriger et former son cœur non son esprit. »
Joseph de Maistre (1753 – 1821) « Étude sur la souveraineté » (Œuvres complètes, Lyon, 1891–1892), cité Fabrice Arfi dans « Le sens des affaires » page 71.
« Il faut qu’une constitution soit courte et obscure. Elle doit être faite de manière à ne pas gêner l’action du gouvernement. »
Napoléon Bonaparte.
« C’est à la lueur des flammes de leurs châteaux incendiés qu’ils ont la grandeur d’âme de renoncer au privilège de tenir dans les fers les hommes qui ont rencontré leur liberté les armes à la main. […] Ces sacrifices sont pour la plupart illusoires. »
Jean-Paul Marat, « L’Ami du Peuple », 21 septembre 1789.
« Le concours immédiat est celui qui caractérise la véritable démocratie. Le concours médiat désigne le gouvernement représentatif. La différence entre ces deux systèmes politiques est énorme. »
Sieyès, Dire sur la question du véto royal, 7 septembre 1789, p 14.
« Il est déjà bien suffisant que les gens sachent qu’il y a eu une élection. Les gens qui votent ne décident rien. Ce sont ceux qui comptent les votes qui décident de tout. »
Joseph Staline (1879−1953).
« Quelque heureux que puissent être les changements survenus dans l’État, ils sont tous pour le riche : le ciel fut toujours d’airain pour le pauvre, et le sera toujours… Qu’aurons-nous gagné à détruire l’aristocratie des nobles, si elle est remplacée par l’aristocratie des riches ? »
Jean-Paul Marat (1790), cité par Jean Massin, p 28.
« Un peuple sans religion sera bientôt un peuple de brigands. »
Voltaire.
« La religion est l’art d’enivrer les hommes pour détourner leur esprit des maux dont les accablent ceux qui gouvernent. À l’aide des puissances invisibles dont on les menace, on les force à souffrir en silence les misères qu’ils doivent aux puissances visibles. »
D’Holbach, « Le système de la nature », cité par Henri Guillemin (dans son livre Éclaircissements).
« C’est la philosophie d’un gueux qui voudrait que les riches fussent dépouillés par les pauvres. »
Voltaire, à propos du « Discours sur l’origine des inégalités parmi les hommes » de Jean-Jacques Rousseau, et cité par Henri Guillemin expliquant Rousseau (1÷2, min. 24:25).
« Il est nécessaire qu’il y ait des gueux ignorants pour nourrir les gens de bien. »
Voltaire, cité par Henri Guillemin (min. 36:30).
« La croyance des peines et des récompenses après la mort est un frein dont le peuple a besoin »
Voltaire, cité par Henri Guillemin (dans son livre Éclaircissements).
« Il est fort bon de faire accroire aux hommes qu’ils ont une âme immortelle et qu’il y a un Dieu vengeur qui punira mes paysans s’ils me volent mon blé et mon vin ».
Voltaire, cité par Henri Guillemin (dans son livre Éclaircissements).
« Je crois que nous ne nous entendons pas sur l’article du peuple, que vous croyez digne d’être instruit. J’entends par peuple la populace, qui n’a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ni la capacité de s’instruire ; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes. Il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir comme moi une terre, et si vous aviez des charrues, vous seriez bien de mon avis. Ce n’est pas le manœuvre qu’il faut instruire, c’est le bon bourgeois, c’est l’habitant des villes ; […] Quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu. »
VOLTAIRE, Lettre à M. Damillaville (1er avril 1766), dans Œuvres de Voltaire, éd. Lefèvre, 1828, t. 69, p. 131
« Théoricien de la puissance étatique, Carré de Malberg a montré d’une façon définitive comment le phénomène du Pouvoir — qu’aujourd’hui la science politique s’efforce de cerner dans la diversité de ses manifestations brutes — trouve dans l’État son expression parfaite. L’État n’est pas seulement le lieu de la domination ; il est aussi l’appareil qui permet de la contrôler car, par la constitution, il impose un statut aux gouvernants. Ce statut définit en même temps la finalité et les modalités de leur action, d’où la thèse soutenue par Carré de Malberg quant à l’auto-limitation de l’État. Encore faut-il cependant que la constitution soit l’œuvre du peuple et que les gouvernants ne soient pas libres d’en donner une interprétation favorable à leur volonté de puissance. C’est précisément la méconnaissance de ces conditions, volontairement entretenue depuis 1791 par le personnel politique français, qui a conduit au régime de la IIIème République où LE PARLEMENT A SUBSTITUÉ SA PROPRE SOUVERAINETÉ À CELLE DE LA NATION.
[Le livre] « La loi, expression de la volonté générale » apporte la démonstration de cette ESCROQUERIE INTELLECTUELLE. Il en révèle l’origine (une définition falsifiée de la volonté générale), il en décrit l’instrument (une conception partiale de la représentation) ; il en expose les conséquences, (une théorie de la légalité qui a pour effet de subordonner toutes les autorités étatiques à la volonté arbitraire du Parlement). La démonstration met en cause la quasi-totalité de l’ordonnancement constitutionnel de notre pays et, de ce fait, l’œuvre que l’on va lire n’est pas simplement consacrée à un problème spécifique et limité ; elle est un véritable Traité de droit public français. Un Traité qui, par la richesse de son information, la rigueur de sa construction et la perfection de son style, constitue une source irremplaçable de connaissance en même temps qu’une joie pour l’esprit. »
Georges Burdeau, Préface du grand livre « La loi, expression de la volonté générale », de Bertrand Carré de Malberg (1931).
« Pourtant, aujourd’hui comme hier, les libéraux victorieux gardaient une secrète méfiance envers le spectre de la souveraineté populaire qui s’agite sous la surface lisse du formalisme démocratique. « J’ai pour les institutions démocratiques un goût de tête, confiait Tocqueville, mais je suis aristocratique par l’instinct, c’est-à-dire que je méprise et crains la foule. J’aime à fond la liberté, le respect des droits, mais non la démocratie. » [New York Daily Tribune, 25 juin 1853]. La peur des masses et la passion de l’ordre, tel est bien le fond de l’idéologie libérale, pour qui le terme de démocratie n’est en somme que le faux-nez du despotisme marchand et de sa concurrence non faussée. »
Daniel Bensaïd dans « Le scandale permanent » in « Démocratie, dans quel état ? » (ouvrage collectif), La Fabrique, Paris, 2009.
« Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies : ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l’un ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre qu’on l’attache, parce qu’il voit que ce n’est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne. Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent. »
Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique II, Quatrième partie, chapitre VI.
« Le rôle du public ne consiste pas vraiment à exprimer ses opinions, mais à s’aligner ou non derrière une opinion. Cela posé, il faut cesser de dire qu’un gouvernement démocratique peut être l’expression directe de la volonté du peuple. Le peuple doit être mis à sa place, afin que les hommes responsables puissent vivre sans crainte d’être piétines ou encornés par le troupeau de bêtes sauvages. »
Walter Lippmann, « L’opinion publique » (1922) et « Le public fantôme » (1925), 2 passages cités par Hervé Kempf, dans « L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie (2011), p 87.
« L’éducation de masse fut conçue pour transformer les fermiers indépendants en instruments de production dociles et passifs. C’était son premier objectif. Et ne pensez pas que les gens n’étaient pas au courant. Ils le savaient et l’ont combattu. Il y eut beaucoup de résistance à l’éducation de masse pour cette raison. C’était aussi compris par les élites. Emerson a dit une fois quelque chose sur la façon dont on les éduque pour les empêcher de nous sauter à la gorge. Si vous ne les éduquez pas, ce qu’on appelle l’» éducation », ils vont prendre le contrôle — « ils » étant ce qu’Alexander Hamilton appelait la « grande Bête », c’est-à-dire le peuple. La poussée anti-démocratique de l’opinion dans ce qui est appelé les sociétés démocratiques est tout bonnement féroce. »
Noam Chomsky.
4. Le MENSONGE comme arme centrale des politiciens de métier : « les pires gouverneront »
« Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours. Mentez, mes amis, mentez, je vous le rendrai un jour. »
Voltaire (la référence morale des élus et de leurs donneurs d’ordres), Lettre à Thiriot, 21 octobre 1736.
« Pour pouvoir devenir le maître, le politicien se fait passer pour le servant. »
Charles de Gaulle (1890−1970), Général et Président Français.
« Le politique s’efforce à dominer l’opinion… Aussi met-il tout son art à la séduire, dissimulant suivant l’heure, n’affirmant qu’opportunément… Enfin, par mille intrigues et serments, voici qu’il l’a conquise : elle lui donne le pouvoir. À présent, va-t-il agir sans feindre ? Mais non ! Il lui faut plaire encore, convaincre le prince ou le parlement, flatter les passions, tenir en haleine les intérêts. »
Charles de Gaulle
« Bonaparte a le goût des malhonnêtes gens, il aime à s’entourer de canailles, et il le dit ─ c’est pour ça, d’ailleurs, qu’il va chérir Talleyrand ─, il y a une phrase de lui extrêmement claire là-dessus : « il y a longtemps que j’ai constaté que les gens honnêtes ne sont bons à rien ». »
Henri Guillemin, conférence n°11/15 sur Napoléon, min. 21.
« Il y a ce qu’on dit et il y a ce qu’on fait. Il y a un vocabulaire à attraper, et il est facile avec quelques mots ─ liberté et indépendance nationale ─ de se faire écouter des imbéciles. »
Bonaparte, automne 1795, cité par Henri Guillemin (conférence n°3/15 sur Napoléon, « Un militaire abusif », min. 19:15).
« Les hommes sont comme les lapins : ils s’attrapent par les oreilles… »
Mot attribué à Mirabeau (qui en connaissait un rayon).
« Par le temps qui court, chacun a la prétention d’être démocrate sans même en exempter ceux qui, par intérêt ou par préjugé, sont les ennemis les plus implacables de toute démocratie. Le banquier qui s’est enrichi dans les sales tripotages de la bourse, et l’orateur subventionné qui monte à la tribune prétendument nationale pour y défendre les plus révoltants monopoles se disent démocrates ; le journal qui chaque jour se fait l’écho des déclamations aristocratiques et qui se tourne avec le plus de fureur contre la liberté et l’égalité se dit démocrate. »
Albert Laponneraye, Lettre aux Prolétaires (1833), cité par Pierre Rosanvallon dans son article de 1993 sur les origines du mot démocratie.
« La manipulation consciente et intelligente des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans les sociétés démocratiques. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible fun gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. »
Edward Bernays, « Propaganda » (1928), p 31.
« C’est principalement, sinon exclusivement, par le don oratoire que les chefs ont réussi, à l’origine du mouvement ouvrier, à gagner leur suprématie sur les masses. Il n’est pas de foule qui soit capable de se soustraire au pouvoir esthétique et émotif de la parole. La beauté du discours suggestionne la masse, et la suggestion la livre sans résistance à l’influence de l’orateur. Or, ce qui caractérise essentiellement la démocratie, c’est précisément la facilité avec laquelle elle succombe à la magie du verbe. Dans le régime démocratique, les chefs nés sont orateurs et journalistes. […] Dans les États démocratiques règne la conviction que seul le don de la parole rend apte à diriger les affaires publiques. On peut en dire autant, et d’une façon encore plus absolue, des grands partis démocratiques. »
Robert Michels, « Les partis politiques. Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties » (1911), p 49.
« Il est plus facile de dominer la masse qu’un petit auditoire. L’adhésion de celle-là est en effet tumultueuse, sommaire, inconditionnée. Une fois suggestionnée, elle n’admet pas volontiers les contradictions, surtout de la part d’individus isolés. Une grande multitude réunie dans un petit espace est incontestablement plus accessible à la panique aveugle ou à l’enthousiasme irréfléchi qu’une petite réunion dont les membres peuvent tranquillement discuter entre eux.
[…]
Actes et paroles sont moins pesés par la foule que par les individus ou les petits groupes dont elle se compose. C’est là un fait incontestable. Il est une des manifestations de la pathologie de la foule. La multitude annihile l’individu, et, avec lui, sa personnalité et son sentiment de responsabilité. »
Robert Michels, « Les partis politiques – Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties » (1911).
« [Jacques Ellul] qui déjà dans la première moitié du siècle dernier enseignait que le fondement de la légitimation juridique du pouvoir politique (la volonté populaire exprimée par le vote) est une chimère objectivement irréalisable, un mythe ridicule mais bien utile pour gouverner, et bien connu comme tel dans les milieux politiques et sociologiques. La réalité des systèmes démocratiques n’est pas dans la volonté d’une base guidant les décisions du sommet, mais dans la volonté du sommet de produire du consensus, c’est-à-dire l’acquiescement de la base à ses décisions, et ceci notamment grâce à la manipulation de l’information (censures, distorsions). »
Jacques ELLUL (cité par Marco della Luna et Paolo Cioni dans « Neuro-Esclaves »).
« Par le moyen de méthodes toujours plus efficaces de manipulation mentale, les démocraties changeront de nature. Les vieilles formes pittoresques — élections, parlements, hautes cours de justice — demeureront, mais la substance sous-jacente sera une nouvelle forme de totalitarisme « non violent ». Toutes les appellations traditionnelles, tous les slogans consacrés, resteront exactement ce qu’ils étaient aux bons vieux temps. La démocratie et la liberté seront les thèmes de toutes les émissions (…) et de tous les éditoriaux, mais (…) l’oligarchie au pouvoir et son élite hautement qualifiée de soldats, de policiers, de fabricants de pensée, de manipulateurs mentaux, mènera tout et tout le monde comme bon lui semblera. »
Aldous Huxley, « Retour au meilleur des monde » (1958).
« Bien sûr, le peuple ne veut pas la guerre. C’est naturel et on le comprend. Mais après tout, ce sont les dirigeants du pays qui décident des politiques. Qu’il s’agisse d’une démocratie, d’une dictature fasciste, d’un parlement ou d’une dictature communiste, il sera toujours facile d’amener le peuple à suivre. Qu’il ait ou non droit de parole, le peuple peut toujours être amené à penser comme ses dirigeants. C’est facile. Il suffit de lui dire qu’il est attaqué, de dénoncer le manque de patriotisme des pacifistes et d’assurer qu’ils mettent le pays en danger. Les techniques restent les mêmes, quel que soit le pays. »
Herman Goering (durant son procès à Nuremberg).
« Doutez de tout ce qu’une personne de pouvoir peut vous dire. En public, les institutions se présentent systématiquement sous leur meilleur jour. Comptables de leurs actes et de leur réputation, les personnes qui les gèrent ont toujours tendance à mentir un peu, à arrondir les angles, à cacher les problèmes, voire à nier leur existence. Ce qu’elles disent peut être vrai, mais l’organisation sociale leur donne toutes les raisons de mentir. Un participant de la société correctement socialisé peut les croire ; un sociologue correctement socialisé doit en revanche soupçonner le pire, et le traquer. »
Howard S. Becker, Les ficelles du métier, 1998.
« Les gouvernements protègent et récompensent les hommes à proportion de la part qu’ils prennent à l’organisation du mensonge. »
Léon Tolstoï.
« Désormais, nous dit-on, l’individu est roi et le roi est sujet. Tout devrait donc être pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est, du moins, ce que cherchent à nous faire croire tous ces professionnels de la politique qui occupent le devant de la scène à nos dépens. Car, hélas, le présent est toujours à l’image du passé : le privilège du pouvoir n’est pas de répondre aux questions ─ de voter ─ mais de les poser ─ d’organiser les élections. »
Upinsky, « Comment vous aurez tous la tête coupée (ou la parole). Le calcul et la mort sont les deux pôles de la politique » (1991), p 25.
« Pour dire un mensonge, on peut aller vite. Pour dire la vérité, il faut réfléchir. Mensonge et vérité ne sont pas les deux faces d’une même pièce : il est plus facile de dire un mensonge qu’une vérité ; le mensonge s’accommode mieux de la vitesse, de la non réflexion, du n’importequoitisme. La vérité, c’est un processus long, qui demande du temps. »
Viktor Dedaj.
« Les hommes ont deux ressorts : la crainte et l’intérêt. Il faut leur faire peur et leur montrer un avantage. »
Bonaparte, cité par Henri Guillemin, conférence n°11/15 sur Napoléon.
« Il faut parler paix et agir guerre. »
Bonaparte, cité par Henri Guillemin.
« Il faut toujours mettre autour des actions une confiture de paroles. »
Napoléon Bonaparte.
« Bien analysée, la liberté politique est une fable convenue, imaginée par les gouvernants pour endormir les gouvernés. »
Napoléon Bonaparte.
5. Pertinence de l’opinion (et nécessaire participation) des simples citoyens
Liberté d’expression et respect mutuel de rigueur, prônés partout dans l’Inde du 3e siècle avant JC : l’édit d’Erragudi :
« La croissance des éléments du Dharma [comportement correct] est possible de bien des façons. C’est la réserve à l’égard de la parole qui en est la racine, afin de ne pas encenser sa propre secte et de ne pas dénigrer les autres sectes dans des circonstances inopportunes ; et même dans des circonstances appropriées, cette parole doit garder sa modération. Au contraire, les autres sectes devraient être dûment honorées de toutes façons et en toutes occasions […]
Si quelqu’un agit différemment, non seulement il fait injure aux siens, mais il porte aussi atteinte aux autres. En vérité, si quelqu’un exalte sa secte et dénigre les autres dans l’intention de glorifier la sienne, uniquement pour l’attachement qu’il lui porte, il ne fait que blesser gravement les siens en agissant de la sorte. »
Édit d’Erragudi, cité par Amartya Sen, « La démocratie des autres », page 29.
Machiavel. Discours sur la Première Décade de Tite-Live (1531) Livre 1,
Chapitre 58 : La foule est plus sage et plus constante qu’un prince :
« Tite-Live et tous les autres historiens affirment qu’il n’est rien de plus changeant et de plus inconstant que la foule. Il arrive souvent, en effet, lorsqu’on raconte les actions des hommes, que l’on voie la foule condamner quelqu’un à mort, et puis le pleurer et le regretter amèrement. […]
Voulant défendre une cause contre laquelle, comme je l’ai dit, tous les historiens se sont déclarés, je crains de m’engager dans un domaine si ardu et difficile qu’il me faudra l’abandonner honteusement ou le parcourir difficilement. Mais, quoi qu’il en soit, je ne pense ni ne penserai jamais que ce soit un tort que de défendre une opinion par le raisonnement, sans vouloir recourir ni à la force ni à l’autorité.
Je dis donc que ce défaut dont les écrivains accusent la foule, on peut en accuser tous les hommes personnellement, et notamment les princes. Car tout individu qui n’est pas soumis aux lois peut commettre les mêmes erreurs qu’une foule sans contraintes. On peut aisément constater ce fait, parce qu’il y a et qu’il y a eu beaucoup de princes, et qu’il y en a eu peu qui furent bons et sages : je parle des princes qui ont pu rompre le frein qui pouvait les retenir. Parmi ceux-ci on ne peut compter les rois d’Égypte, à l’époque très ancienne où ce pays était gouverné par des lois ; ni les rois de France de notre temps, dont le pouvoir est plus réglé par les lois que dans tout autre royaume de notre temps. Les rois qui vivent sous de tels édits ne sont pas à compter au nombre des individus dont il faut considérer la nature pour voir si elle est semblable à celle de la foule. Car on doit les comparer avec une foule réglée par les lois, comme ils le sont eux-mêmes. On trouvera alors en cette foule la même vertu que nous constatons chez les princes ; et l’on ne verra pas qu’elle domine avec orgueil, ni qu’elle serve avec bassesse. […]
Aussi ne faut-il pas accuser davantage la nature de la foule que celle des princes, car ils se trompent tous, quand ils peuvent sans crainte se tromper. Outre ceux que j’ai donnés, il y a de très nombreux exemples parmi les empereurs romains et parmi d’autres tyrans et d’autres princes : on trouve chez eux plus d’inconstance et de variations que l’on n’en a jamais trouvées chez aucune foule.
Je conclus donc contre l’opinion générale, qui prétend que les peuples, quand ils ont le pouvoir, sont changeants, inconstants et ingrats. Et j’affirme que ces défauts ne sont pas différents chez les peuples et chez les princes. Qui accuse les princes et les peuples conjointement peut dire la vérité ; mais, s’il en excepte les princes, il se trompe. Car un peuple qui gouverne et est bien réglementé est aussi constant, sage et reconnaissant, et même davantage, qu’un prince estimé pour sa sagesse. Et, d’autre part, un prince affranchi des lois est plus ingrat, changeant et dépourvu de sagesse qu’un peuple.
La différence de leurs conduites ne naît pas de la diversité de leur nature, parce qu’elle est identique chez tous — et, s’il y a une supériorité, c’est celle du peuple ; mais du plus ou moins de respect qu’ils ont pour les lois, sous lesquelles ils vivent l’un et l’autre. […]
Quant à la sagesse et à la constance, je dis qu’un peuple est plus sage, plus constant et plus avisé qu’un prince. Ce n’est pas sans raison que l’on compare la parole d’un peuple à celle de Dieu. Car on voit que l’opinion générale réussit merveilleusement dans ses pronostics ; de sorte qu’elle semble prévoir par une vertu occulte le bien et le mal qui l’attendent. Quant à son jugement, il arrive rarement, lorsqu’un peuple entend deux orateurs opposés et de force égale, qu’il ne choisisse pas le meilleur avis et qu’il ne soit pas capable de discerner la vérité qu’on lui dit. Si, dans les entreprises risquées ou qui lui semblent profitables, il se trompe, un prince se trompe aussi très souvent dans ses passions, qui sont beaucoup plus nombreuses que celles du peuple. On voit aussi que dans le choix des magistrats il fait un bien meilleur choix que les princes, et on ne persuadera jamais un peuple qu’il est bon d’élever à de hautes dignités un homme de mauvaise réputation et de moeurs corrompues : chose dont on persuade aisément un prince, et de mille façons. On voit un peuple avoir une chose en horreur et conserver plusieurs siècles cette opinion ; ce que l’on ne voit pas chez un prince. […]
On voit en outre que les cités où le peuple gouverne font en très peu de temps des progrès inouïs : beaucoup plus grands que les cités qui ont toujours vécu sous un prince. C’est ce que fit Rome après l’expulsion des rois et Athènes après qu’elle se fut délivrée de Pisistrate. Ceci ne peut provenir que du fait que le gouvernement des peuples est meilleur que celui des princes.
Je ne veux pas que l’on objecte à mon opinion tout ce que notre historien a dit dans le texte cité ci-dessus et dans d’autres. Car si l’on examine tous les désordres des peuples, tous les désordres des princes, toutes les gloires des peuples et toutes celles des princes, on voit que le peuple est largement supérieur en vertu et en gloire. Si les princes sont supérieurs aux peuples dans l’élaboration des lois, dans la création des régimes politiques, dans l’établissement de statuts et de nouvelles institutions, les peuples sont tellement supérieurs dans le maintien des choses établies qu’ils ajoutent assurément à la gloire de ceux qui les établissent.
En somme et pour conclure, je dirai que les régimes princiers et républicains qui ont duré longtemps ont eu besoin les uns et les autres d’être régis par des lois. Car un prince qui peut faire ce qu’il veut est fou ; un peuple qui peut faire ce qu’il veut n’est pas sage.
Si l’on parle donc d’un prince contraint par les lois et d’un peuple lié par elles, on trouve plus de vertu dans le peuple que chez le prince. Si l’on parle d’un prince et d’un peuple sans lois, on trouve moins d’erreurs dans le peuple que chez le prince : *étant moindres, elles trouveront de plus grands remèdes. En effet, un homme de bien peut parler à un peuple agité et vivant dans la licence et il peut aisément le ramener sur le bon chemin. Il n’est personne qui puisse parler à un mauvais prince et il n’y a pas d’autre remède que l’épée. D’où l’on peut conjecturer la gravité de la maladie dont ils souffrent l’un et l’autre. Si les paroles suffisent pour guérir la maladie du peuple et s’il faut une épée pour celle du prince, chacun peut penser que, là où il faut plus de soin, il y a de plus grandes fautes. Quand un peuple est sans lois, on ne craint pas ses folies et l’on n’a pas peur des maux qu’il peut présentement commettre, mais de ceux qui peuvent apparaître, car un tyran peut naître au milieu d’une telle confusion. Avec les mauvais princes, c’est le contraire qui arrive : on craint les maux présents et on espère dans le futur, car on s*e persuade que son mauvais comportement peut faire naître la liberté. Vous voyez donc la différence qu’il y a entre l’un et l’autre : elle est entre les choses présentes et celles à venir. Les cruautés de la foule visent ceux dont elle craint qu’ils ne s’emparent du bien public ; celles d’un prince visent ceux dont il craint qu’ils ne s’emparent de ses biens.
L’opinion défavorable au peuple vient de ce que tout le monde en dit du mal sans crainte et librement, même lorsqu’il gouverne ; on critique toujours les princes avec mille craintes et soupçons. »
Machiavel, « Discours sur la Première Décade de Tite-Live » (1531), Livre 1, Chapitre LVIII : « La foule est plus sage et plus constante qu’un prince ». Édition Robert Laffont, collection Bouquins, traduction Christian Bec (1996), pages 284 à 288.
« La manière la plus prompte de faire ouvrir les yeux à un peuple est de mettre individuellement chacun à même de juger par lui-même et en détail de l’objet qu’il n’avait jusque-là apprécié qu’en gros. »
Machiavel, « Discorsi » I, 47.
« La liberté de tout dire n’a d’ennemis que ceux qui veulent se réserver la liberté de tout faire. Quand il est permis de tout dire, la vérité parle d’elle-même et son triomphe est assuré. »
Jean-Paul Marat « Les Chaînes de l’esclavage »
« Ce qui est extraordinaire quand on s’intéresse aux Conférences de Citoyens [tirées au sort et chargées de donner un avis sur l’enjeu politique et social d’un sujet scientifique], c’est de voir à quel point les individus peuvent être modifiés au cours de la procédure. Vous prenez une boulangère, un instituteur, bon des gens ont leur métier et qui a priori sont innocents, naïfs par rapport au problème. Ce n’est pas tellement qu’ils deviennent compétents, ça c’est évident. C’est surtout qu’ils deviennent une autre qualité d’humain. C’est-à-dire qu’ils développent des idées et des points de vue, qu’ils vont défendre leurs avis, qui ne sont pas du tout là pour défendre leur famille, même pas leurs enfants, mais la descendance de tout le monde : les gens du Sud … on voit une espèce d’altruisme qui transparaît, qu’on ne voit pas d’habitude.
Et moi, ce que j’ai constaté en regardant ça, c’est à quel point il y a un gâchis de l’humanité. C’est-à-dire qu’on maintient les gens dans un état d’abêtissement, de suivisme, de conditionnement. Et, je dois dire j’y croyais pas avant de voir ça. Je pensais que c’était triste mais que l’humanité elle n’était pas vraiment belle à voir. Mais elle n’est pas belle à voir parce qu’on la met dans cet état-là. Mais je suis maintenant convaincu qu’il y a chez la plupart des individus, il y a des ressorts, il y a quelque chose qu’on n’exploite pas, qu’on n’utilise pas, qu’on ne met pas en valeur. Mais les humains valent beaucoup mieux que ce qu’on en fabrique. »
Jacques Testart, « À voix nue » (France Culture), 8 juin 2012.
6. Références antiques
« Athéniens (Européens), n’attribuez pas aux dieux les maux qui vous accablent ; c’est l’œuvre de votre corruption : vous-mêmes avez mis la puissance dans la main de ceux qui vous oppriment. Vos oppresseurs se sont avancés avec habileté comme des renards, et vous, vous n’êtes que des imprudents et des lâches : vous vous laissez séduire par la vaine éloquence et par les grâces du langage. Jamais la raison ne vous guide dans les choses sérieuses. »
Solon d’Athènes
« Otanès, d’abord, demanda qu’on remit au peuple perse le soin de diriger ses propres affaires (ès méson katathénai ta pragmata). « À mon avis », déclara-t-il, « le pouvoir ne doit plus appartenir à un seul homme parmi nous : ce régime n’est ni plaisant ni bon. […] Comment la monarchie serait-elle un gouvernement équilibré, quand elle permet à un homme d’agir à sa guise, sans avoir de comptes à rendre ? Donnez ce pouvoir à l’homme le plus vertueux qui soit, vous le verrez bientôt changer d’attitude. Sa fortune nouvelle engendre en lui un orgueil sans mesure, et l’envie est innée dans l’homme : avec ces deux vices il n’y a plus en lui que perversité ; il commet follement des crimes sans nombre, saoul tantôt d’orgueil, tantôt d’envie. Un tyran, cependant, devrait ignorer l’envie, lui qui a tout, mais il est dans sa nature de prouver le contraire à ses concitoyens. Il éprouve une haine jalouse à voir vivre jour après jour les gens de bien ; seuls les pires coquins lui plaisent, il excelle à accueillir la calomnie. Suprême inconséquence : gardez quelque mesure dans vos louanges, il s’indigne de n’être pas flatté bassement ; flattez-le bassement, il s’en indigne encore comme d’une flagornerie. Mais le pire, je vais vous le dire : il renverse les coutumes ancestrales, il outrage les femmes, il fait mourir n’importe qui sans jugement.
Au contraire, le régime populaire (archon plèthos) porte le plus beau nom qui soit : égalité (isonomia) ; en second lieu, il ne commet aucun des excès dont un monarque se rend coupable : le sort distribue les charges, le magistrat rend compte de ses actes, toute décision y est portée devant le peuple (bouleumata panta es to koinon anaphérein). Donc voici mon opinion : renonçons à la monarchie et mettons le peuple au pouvoir, car seule doit compter la majorité. »
« Compagnons de révolte, il est clair qu’un seul d’entre nous va devoir régner […]. Pour moi, je ne prendrai point part à cette compétition : je ne veux ni commander ni obéir ; mais si je renonce au pouvoir, c’est à la condition que je n’aurai pas à obéir à l’un de vous, ni moi, ni aucun de mes descendants à l’avenir. » »
Otanès, sous la plume d’Hérodote, L’Enquête (≈ ‑445).
« Notre Constitution est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d’une minorité, mais du peuple tout entier. »
Citation attribuée par Thucydide à Périclès.
VERGOGNE = importance que l’on donne à l’opinion des autres
« Qu’on mette à mort, comme un fléau de la cité, l’homme qui se montre incapable de prendre part à la Vergogne et à la Justice. » Zeus, via PLATON (Protagoras, 322b-323a).
La vergogne pousse à la vertu. (Et inversement.)
« Le pire des maux est que le pouvoir soit occupé par ceux qui l’ont voulu. »
Platon, cité par Jacques Rancière.
8. Arguments contre le faux suffrage universel (élire des maîtres au lieu de voter les lois)
« L’électeur est celui qui jouit du privilège sacré de voter pour l’homme choisi par un autre. »
Ambrose Bierce.
« Le peuple qui se soumet aux lois doit en être l’auteur. Il n’appartient qu’à ceux qui s’associent de fixer les règles de la société. »
Jean-Jacques Rousseau, « Du contrat social ou Principes du droit politique » (1762)
« Dès que la société est divisée en hommes qui ordonnent et en hommes qui exécutent, toute la vie sociale est commandée par la lutte pour le pouvoir. »
Simone Weil, « Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale » (1934).
Représenter signifie faire accepter comme étant la volonté de la masse ce qui n’est que volonté individuelle.
Il est possible de représenter, dans certains cas isolés, lorsqu’il s’agit par exemple de questions ayant des contours nets et simples et lorsque, par surcroît, la délégation est de brève durée.
Mais une représentation permanente équivaudra toujours à une hégémonie des représentants sur les représentés. »
Robert Michels, « Les partis politiques. Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties » (1911), p 21.
« Peut-on parler de suffrage universel sans rire ? Tous sont obligés de reconnaître que c’est une mauvaise arme […] Votre vote, c’est la prière aux dieux sourds de toutes les mythologies, quelque chose comme le mugissement d’un bœuf flairant l’abattoir. »
Louise Michel, « Prise de possession » (1890).
« Aujourd’hui, le candidat s’incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. (…) Le fougueux démocrate n’apprend-il pas à courber l’échine quand le banquier daigne l’inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’honneur de l’entretenir dans les antichambres ? L’atmosphère de ces corps législatifs est malsaine à respirer ; vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s’ils en sortent corrompus… Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les vous-mêmes ; agissez ! »
Élisée Reclus, 26 septembre 1885
« Les qualités nécessaires pour accéder au pouvoir n’ont rien à voir avec les qualités nécessaires pour exercer le pouvoir. »
Léon Blum.
« Quand j’ai voté, mon égalité tombe dans la boîte avec mon bulletin ; ils disparaissent ensemble. »
Louis Veuillot.
« Beaucoup de formes de gouvernement ont été testées, et seront testées dans ce monde de péché et de malheur. Personne ne prétend que la démocratie est parfaite ou omnisciente. En effet, on a pu dire qu’elle était la pire forme de gouvernement à l’exception de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps ; mais il existe le sentiment, largement partagé dans notre pays, que le peuple doit être souverain, souverain de façon continue, et que l’opinion publique, exprimée par tous les moyens constitutionnels, devrait façonner, guider et contrôler les actions de ministres qui en sont les serviteurs et non les maîtres.
[…]
Un groupe d’hommes qui a le contrôle de la machine et une majorité parlementaire a sans aucun doute le pouvoir de proposer ce qu’il veut sans le moindre égard pour le fait que le peuple l’apprécie ou non, ou la moindre référence à sa présence dans son programme de campagne.
[…]
Le parti adverse doit-il vraiment être autorisé à faire adopter des lois affectant le caractère même de ce pays dans les dernières années de ce Parlement sans aucun appel au droit de vote du peuple, qui l’a placé là où il est ? Non, Monsieur, la démocratie dit : « Non, mille fois non. Vous n’avez pas le droit de faire passer, dans la dernière phase d’une législature, des lois qui ne sont pas acceptées ni désirées par la majorité populaire. […] »
W Churchill, discours du 11 novembre 1947.
« Dès qu’une fois un peuple a confié à quelques-uns de ses membres le dangereux dépôt de l’autorité publique et qu’il leur a remis le soin de faire observer les lois, toujours enchaîné par elles, il voit tôt ou tard sa liberté, ses biens, sa vie à la merci des chefs qu’il s’est choisi pour le défendre. »
Jean-Paul Marat, « Les chaînes de l’esclavage » (1774).
« Dès que la société est divisée en hommes qui ordonnent et en hommes qui exécutent, toute la vie sociale est commandée par la lutte pour le pouvoir. »
Simone Weil, « Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale » (1934).
« C’est un blasphème politique d’oser avancer que la nation, de qui émanent tous les pouvoirs, ne peut les exercer que par délégation ; ce qui la mettrait elle-même dans la dépendance, ou plutôt sous le joug de ses propres mandataires. »
Jean-Paul Marat, 1791.
« Sur le continent d’Europe, le totalitarisme est le péché originel des partis. »
Simone Weil, « Note sur la suppression générale des partis politiques » 1940, « Écrits de Londres », p. 126 et s.
« Le parlement sous l’influence de la cour, ne s’occupera jamais du bonheur public. Ne concevez-vous pas que des intrigants qui ne doivent leur nomination qu’à l’or qu’ils ont semé, non contents de négliger vos intérêts, se font un devoir de vous traiter en vils mercenaires ? Cherchant à raccrocher ce qu’ils ont dépensé pour vous corrompre, ils ne feront usage des pouvoirs que vous leur avez remis, que pour s’enrichir à vos dépens, que pour trafiquer impunément de vos droits. »
Jean-Paul Marat, Les chaînes de l’esclavage (1792).
« Si les bourgeois ont pris les armes en 89, c’est avant tout par effroi des pauvres. La bourgeoisie s’est servie des pauvres dont elle avait besoin pour intimider la Cour et pour établir sa propre oligarchie. Et les nouveaux maîtres, la Législative, sont des faiseurs d’affaires pour qui la liberté c’est le privilège de s’enrichir sans obstacle. »
Jean-Paul Marat, « L’ami du peuple », 20 nov. 1791, cité par Henri Guillemin dans « Les deux révolutions. », p. 110.
« Les grands hommes appellent honte le fait de perdre et non celui de tromper pour gagner. »
Machiavel Nicolas (1469−1527)
Clarens, Vaud, 26 septembre 1885.
« Compagnons,
Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n’est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l’exercice du droit de suffrage.
Le délai que vous m’accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j’ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.
Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu’ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.
Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.
Voter c’est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l’honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l’homme change avec lui. Aujourd’hui, le candidat s’incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L’ouvrier, devenu contremaître, peut-il rester ce qu’il était avant d’avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n’apprend-il pas à courber l’échine quand le banquier daigne l’inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’honneur de l’entretenir dans les antichambres ? L’atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s’ils en sortent corrompus.
N’abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d’action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c’est manquer de vaillance.
Je vous salue de tout cœur, compagnons. »
Élisée Reclus, Lettre adressée à Jean Grave, insérée dans Le Révolté du 11 octobre 1885 Reclus, Élisée (1830−1905), Correspondance, Paris : Schleicher Frères : A. Costes, 1911–1925
« Paris ! Le Paris qui vote, la cohue, le peuple souverain tous les quatre ans… Le peuple suffisamment nigaud pour croire que la souveraineté consiste à se nommer des maîtres. Comme parqués devant les mairies, c’était des troupeaux d’électeurs, des hébétés, des fétichistes qui tenaient le petit bulletin par lequel ils disent : J’abdique. […] Additionnez les bulletins blancs et comptez les bulletins nuls, ajoutez‑y les abstentions, voix et silences qui normalement se réunissent pour signifier ou le dégoût ou le mépris. Un peu de statistique s’il vous plaît, et vous constaterez facilement que, dans toutes les circonscriptions, le monsieur proclamé frauduleusement député n’a pas le quart des suffrages. De là, pour les besoins de la cause, cette locution imbécile : Majorité relative — autant vaudrait dire que, la nuit, il fait jour relativement. Aussi bien l’incohérent, le brutal Suffrage Universel qui ne repose que sur le nombre — et n’a pas même pour lui le nombre — périra dans le ridicule. »
Zo d’Axa, LES FEUILLES, IL EST ÉLU (1900).
« Bien avant que les électeurs allemands ne portent Hitler au pouvoir, quand Bonaparte (Napoléon III) eut assassiné la république, il proclama le suffrage universel. Quand le comte de Bismarck eut assuré la victoire des hobereaux prussiens, il proclama le suffrage universel. Dans les deux cas, la proclamation, l’octroi du suffrage universel scella le triomphe du despotisme. Cela seul devrait ouvrir les yeux aux amoureux du suffrage universel. »
Wilhelm Liebknecht
La grève des électeurs
« Une chose m’étonne prodigieusement — j’oserai dire qu’elle me stupéfie — c’est qu’à l’heure scientifique où j’écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n’est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ? Où est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l’électeur moderne ? et le Charcot qui nous expliquera l’anatomie et les mentalités de cet incurable dément ? Nous l’attendons.
Je comprends qu’un escroc trouve toujours des actionnaires, la Censure des défenseurs, l’Opéra-Comique des dilettanti, le Constitutionnel des abonnés, M. Carnot des peintres qui célèbrent sa triomphale et rigide entrée dans une cité languedocienne ; je comprends M. Chantavoine s’obstinant à chercher des rimes ; je comprends tout. Mais qu’un député, ou un sénateur, ou un président de République, ou n’importe lequel parmi tous les étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu’elle soit, trouve un électeur, c’est-à-dire l’être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ces prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n’est pas des coups de fusil dans la poitrine, en vérité, cela dépasse les notions déjà pas mal pessimistes que je m’étais faites jusqu’ici de la sottise humaine, en général, et de la sottise française en particulier, notre chère et immortelle sottise, ô chauvin !
Il est bien entendu que je parle ici de l’électeur averti, convaincu, de l’électeur théoricien, de celui qui s’imagine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer — ô folie admirable et déconcertante — des programmes politiques et des revendications sociales ; et non point de l’électeur « qui la connaît » et qui s’en moque, de celui qui ne voit dans « les résultats de sa toute-puissance » qu’une rigolade à la charcuterie monarchiste, ou une ribote au vin républicain. Sa souveraineté à celui-là, c’est de se pocharder aux frais du suffrage universel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n’a cure du reste. Il sait ce qu’il fait. Mais les autres ?
Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu’ils se regardent et se disent : « Je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la société moderne. Par ma volonté, Floque fait des lois auxquelles sont astreints trente-six millions d’hommes, et Baudry d’Asson aussi, et Pierre Alype également. » Comment y en a‑t-il encore de cet acabit ? Comment, si entêtés, si orgueilleux, si paradoxaux qu’ils soient, n’ont-ils pas été, depuis longtemps, découragés et honteux de leur œuvre ? Comment peut-il arriver qu’il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles cavernes des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l’y oblige, sans qu’on le paye ou sans qu’on le soûle ?
À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d’une volonté, à ce qu’on prétend, et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu’il ait écrit dessus ?… Qu’est-ce qu’il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ?
Qu’est-ce qu’il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l’assomment, il faut qu’il se dise et qu’il espère quelque chose d’extraordinaire que nous ne soupçonnons pas. Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité ; il faut que dans les noms seuls de Barbe et de Baihaut, non moins que dans ceux de Rouvier et de Wilson, il découvre une magie spéciale et qu’il voie, au travers d’un mirage, fleurir et s’épanouir dans Vergoin et dans Hubbard, des promesses de bonheur futur et de soulagement immédiat. Et c’est cela qui est véritablement effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies.
Voilà pourtant de longs siècles que le monde dure, que les sociétés se déroulent et se succèdent, pareilles les unes aux autres, qu’un fait unique domine toutes les histoires : la protection aux grands, l’écrasement aux petits. Il ne peut arriver à comprendre qu’il n’a qu’une raison d’être historique, c’est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point.
Que lui importe que ce soit Pierre ou Jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puisqu’il est obligé de se dépouiller de l’un, et de donner l’autre ? Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bourreaux, il a des préférences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces. Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.
Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t’arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d’avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d’humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l’envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n’as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.
Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C’est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l’homme à ton rêve, car là où est l’homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t’imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd’hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c’est-à-dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n’as rien à y perdre, je t’en réponds ; et cela pourra t’amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d’aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe.
Et s’il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t’aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n’accordes jamais qu’à l’audace cynique, à l’insulte et au mensonge.
Je te l’ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève. »
Octave Mirbeau, Le Figaro, 28 novembre 1888.
« Toute société qui conserve l’idée de gouvernement, qui comporte une législation et consacre le droit de commander pour les uns, l’obligation de se soumettre pour les autres, suppose nécessairement l’esprit religieux.
La devise de Blanqui Ni Dieu ni Maître ne peut être scindée ; elle est à accepter toute entière ou à rejeter en bloc.
Qu’il soit patron, député, conseiller municipal ou autre chose de ce genre, le Maître ne peut tenir son autorité que d’un principe supérieur et celui-ci : gouvernement, patrie, propriété, suffrage universel, délégation, n’est qu’un dogme nouveau, une nouvelle religion… »
Sébastien Faure (1858−1942)
« Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S’il ne l’est pas en fait, c’est seulement parce que ceux qui l’entourent ne le sont pas moins que lui. »
Simone Weil, « Note sur la suppression générale des partis politiques » 1940.
« Les partis sont un merveilleux mécanisme, par la vertu duquel, dans toute l’étendue d’un pays, pas un esprit ne donne son attention à l’effort de discerner, dans les affaires publiques, le bien, la justice, la vérité. »
Simone Weil, « Note sur la suppression générale des partis politiques » 1940.
« Rousseau partait de deux évidences. L’une, que la raison discerne et choisit la justice et l’utilité innocente, et que tout crime a pour mobile la passion. L’autre, que la raison est identique chez tous les hommes, au lieu que les passions, le plus souvent, diffèrent. Par suite si, sur un problème général, chacun réfléchit tout seul et exprime une opinion, et si ensuite les opinions sont comparées entre elles, probablement elles coïncideront par la partie juste et raisonnable de chacune et différeront par les injustices et les erreurs.
C’est uniquement en vertu d’un raisonnement de ce genre qu’on admet que le consensus universel indique la vérité.
La vérité est une. La justice est une. Les erreurs, les injustices sont indéfiniment variables. Ainsi les hommes convergent dans le juste et le vrai, au lieu que le mensonge et le crime les font indéfiniment diverger. L’union étant une force matérielle, on peut espérer trouver là une ressource pour rendre ici-bas la vérité et la justice matériellement plus fortes que le crime et l’erreur.
Il y faut un mécanisme convenable. Si la démocratie constitue un tel mécanisme, elle est bonne. Autrement non.
Un vouloir injuste commun à toute la nation n’était aucunement supérieur aux yeux de Rousseau — et il était dans le vrai — au vouloir injuste d’un homme.
Rousseau pensait seulement que le plus souvent un vouloir commun à tout un peuple est en fait conforme à la justice, par la neutralisation mutuelle et la compensation des passions particulières. C’était là pour lui l’unique motif de préférer le vouloir du peuple à un vouloir particulier.
C’est ainsi qu’une certaine masse d’eau, quoique composée de particules qui se meuvent et se heurtent sans cesse, est dans un équilibre et un repos parfaits. Elle renvoie aux objets leurs images avec une vérité irréprochable. Elle indique parfaitement le plan horizontal. Elle dit sans erreur la densité des objets qu’on y plonge.
Si des individus passionnés, enclins par la passion au crime et au mensonge, se composent de la même manière en un peuple véridique et juste, alors il est bon que le peuple soit souverain. Une constitution démocratique est bonne si d’abord elle accomplit dans le peuple cet état d’équilibre, et si ensuite seulement elle fait en sorte que les vouloirs du peuple soient exécutés.
Le véritable esprit de 1789 consiste à penser, non pas qu’une chose est juste parce que le peuple la veut, mais qu’à certaines con ditions le vouloir du peuple a plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la justice.
Il y a plusieurs conditions indispensables pour pouvoir appliquer la notion de volonté générale. Deux doivent particulièrement retenir l’attention.
L’une est qu’au moment où le peuple prend conscience d’un de ses vouloirs et l’exprime, il n’y ait aucune espèce de passion collective.
Il est tout à fait évident que le raisonnement de Rousseau tombe dès qu’il y a passion collective. Rousseau le savait bien. La passion collective est une impulsion de crime et de mensonge infiniment plus puissante qu’aucune passion individuelle. Les impulsions mauvaises, en ce cas, loin de se neutraliser, se portent mutuellement à la millième puissance. La pression est presque irrésistible, sinon pour les saints authentiques.
Une eau mise en mouvement par un courant violent, impétueux, ne reflète plus les objets, n’a plus une surface horizontale, n’indique plus les densités.
Et il importe très peu qu’elle soit mue par un seul courant ou par cinq ou six courants qui se heurtent et font des remous. Elle est également troublée dans les deux cas.
Si une seule passion collective saisit tout un pays, le pays entier est unanime dans le crime. Si deux ou quatre ou cinq ou dix passions collectives le partagent, il est divisé en plusieurs bandes de criminels. Les passions divergentes ne se neutralisent pas, comme c’est le cas pour une poussière de passions individuelles fondues dans une masse ; le nombre est bien trop petit, la force de chacune est bien trop grande, pour qu’il puisse y avoir neutralisation. La lutte les exaspère. Elles se heurtent avec un bruit vraiment infernal, et qui rend impossible d’entendre même une seconde la voix de la justice et de la vérité, toujours presque imperceptible.
Quand il y a passion collective dans un pays, il y a probabilité pour que n’importe quelle volonté particulière soit plus proche de la justice et de la raison que la volonté générale, ou plutôt que ce qui en constitue la caricature.
La seconde condition est que le peuple ait à exprimer son vouloir à l’égard des problèmes de la vie publique, et non pas à faire seulement un choix de personnes. Encore moins un choix de collectivités irresponsables. Car la volonté générale est sans aucune relation avec un tel choix.
S’il y a eu en 1789 une certaine expression de la volonté générale, bien qu’on eût adopté le système représentatif faute de savoir en imaginer un autre, c’est qu’il y avait eu bien autre chose que des élections. Tout ce qu’il y avait de vivant à travers tout le pays — et le pays débordait alors de vie — avait cherché à exprimer une pensée par l’organe des cahiers de revendications. Les représentants s’étaient en grande partie fait connaître au cours de cette coopération dans la pensée ; ils en gardaient l’a chaleur ; ils sentaient le pays attentif à leurs paroles, jaloux de surveiller si elles traduisaient exactement ses aspirations. Pendant quelque temps — peu de temps — ils furent vraiment de simples organes d’expression pour la pensée publique.
Pareille chose ne se produisit jamais plus.
Le seul énoncé de ces deux conditions montre que nous n’avons jamais rien connu qui ressemble même de loin à une démocratie. Dans ce que nous nommons de ce nom, jamais le peuple n’a l’occasion ni le moyen d’exprimer un avis sur aucun problème de la vie publique ; et tout ce qui échappe aux intérêts particuliers est livré aux passions collectives, lesquelles sont systématiquement, officiellement encouragées. »
Simone Weil, « Note sur la suppression générale des partis politiques » 1940.
« Le parti se trouve en fait, par l’effet de l’absence de pensée, dans un état continuel d’impuissance qu’il attribue toujours à l’insuffisance du pouvoir dont il dispose. Serait-il maître absolu du pays, les nécessités internationales imposent des limites étroites.
Ainsi la tendance essentielle des partis est totalitaire, non seulement relativement à une nation, mais relativement au globe terrestre. C’est précisément parce que la conception du bien public propre à tel ou tel parti est une fiction, une chose vide, sans réalité, qu’elle impose la recherche de la puissance totale. »
Simone Weil, « Note sur la suppression générale des partis politiques » 1940.
« Dans les États qui juxtaposent à la puissance législative des Chambres la possibilité de demandes populaires de référendums, c’est le peuple qui monte au rang suprême par l’acquisition du pouvoir de prononcer le rejet ou l’adoption définitive des décisions parlementaires.
Du coup le Parlement se trouve ramené au rang de simple autorité : il ne représente plus la volonté générale que pour chercher et proposer l’expression qu’il convient de donner à celle-ci ; il ne remplit ainsi qu’office de fonctionnaire.
Le véritable souverain c’est alors le peuple. »
Carré de Malberg, dans un article de 1931 « Référendum Initiative populaire », cité Dans « La démocratie locale et le référendum » de Marion Paoletti, chez l’Harmattan page 89.
« L’élection n’est pas le meilleur moyen de désignation des magistrats dans les autres cas (qui n’exigent pas des compétences particulières) pour des raisons que S. Khilnani résume excellemment : c’est qu’elle crée une division du travail politique.
La politique à affaire avec le pouvoir, et la division du travail en politique ne signifie et ne peut signifier rien d’autre que la division entre gouvernants et gouvernés, dominants et dominés.
Une démocratie acceptera évidemment la division des tâches politiques, non pas une division du travail politique, à savoir la division fixe et stable de la société politique entre dirigeants et exécutants, l’existence d’une catégorie d’individus, dont le rôle, le métier, l’intérêt, est de diriger les autres. »
C. Castoriadis, Fait et à faire, Les carrefours du labyrinthe 5, p 66.
« Tout a déjà été pensé. L’important est d’y penser à nouveau. »
Goethe.
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Une idée neuve :
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Des myriades d’autres précieuses pépites :
https://old.chouard.org/Europe/precieuses_pepites.pdf
Fil Facebook correspondant à ce billet :
https://www.facebook.com/etienne.chouard/posts/10154365450177317
Osons Causer : Pourquoi les multinationales achètent nos dirigeants ?
httpv://youtu.be/BKMzVYAs_6I
Le « pantouflage » est une honte, une trahison indigne, et cette suprême corruption serait évidemment considéré comme un crime dans une Constitution d’origine citoyenne.
Benjamin Lemoine interroge Eric Toussaint sur les origine du CADTM et de la lutte contre les dettes illégitimes :
http://www.cadtm.org/spip.php?page=imprimer&id_article=13763
Le niveau monte.
#educationpopulaire
La répression gouvernementale commence à se servir de vigiles privés armés
https://reporterre.net/La-repression-gouvernementale-commence-a-se-servir-de-vigiles-prives-armes
Source : reporterre.net Hervé Kempf
Grève du vote !
Ils gouvernerons légalement mais sans légitimité.
ET
Les incrédules de la pseudo-démocratie se compterons.
Le site les-crises est devenu incontournable pour qui veut s’informer sans les enfumages habituels des médias dépendants des actionnaires. Je crois que sa réussite est est due au passage du site purement individuel vers un site collaboratif adossé à une association de soutien. Bien qu’il sache s’entourer et déléguer, je me demande quel temps disponible reste à Olivier Berruyer pour accomplir les autres tâches indispensables et simplement vivre.
Très sympa tous ces extraits de citation. J’en connaissais pas mal, mais je vais compléter mes lectures des ouvrages que j’ignorais.
J’aurais juste voulu en ajouter quelques autres pour sortir des sentiers battus, peut-être les découvrez-vous :
- Du plus ancien texte de philosophie politique européen dont on ait conservé la trace, pour montrer que nous n’avons finalement pas tellement progressé sur ces problèmes depuis lors :
« Il ne fallait pas, dira-t-on, autoriser tout le monde indistinctement à haranguer et à donner des conseils, mais seulement ceux qui ont le plus de talent et de vertu. Cependant c’est une mesure fort sage que de permettre même aux mauvais citoyens de parler. Car si les bons tout seuls parlent et conseillent, ce sera un bien pour ceux de leur classe, mais non pas pour les plébéiens, au lieu qu’un mauvais homme étant libre de se lever et de parler, il trouve ce qui est bon pour lui et ceux de son espèce. Mais, dira-t-on encore, quel bon avis un pareil homme donnera-t-il au peuple ? Nous répondons à cela que l’ignorance et la perversité d’un pareil homme, voulant le bien, sont plus la vertu et la sagesse d’un riche voulant le mal. Peut-être un gouvernement fondé sur ces principes ne sera-t-il pas le meilleur de tous, mais il assurera solidement la démocratie. Car le peuple ne veut pas une république dont la bonne constitution le ferait esclave ; il veut être libre et gouverner ; et, si la constitution est mauvaise, c’est le moindre de ses soucis. Ce qui vous parait une mauvaise constitution, est précisément ce qui fait la force du peuple et sa liberté. Si vous cherchez une bonne constitution, vous verrez d’abord les plus habiles donner des lois, puis les bons réprimer les méchants, délibérer sur les intérêts de l’État, sans permettre à des fous de dire leur avis, de haranguer, de convoquer l’assemblée ; mais cependant, avec ces excellentes mesures, le peuple ne tardera pas à tomber dans l’esclavage. » (Pseudo-Xenophon, Constitution des Athéniens)
- D’un des rares auteurs (anglais) du siècle des Lumières, proto-anarchiste, qui défendait la démocratie. Son intuition semble confirmée par les expérimentation de jurys citoyens :
« Dans l’évaluation qui est généralement faite de la démocratie, une des sources de notre jugement erroné découle de ce que nous prenons l’humanité telle que la monarchie et l’aristocratie l’ont fait et que nous en déduisons un jugement sur sa capacité à se diriger elle-même. La monarchie et l’aristocratie ne seraient pas des calamités si elles n’avaient pas tendance à saper les vertus et l’intelligence de leurs sujets. Le plus nécessaire est d’enlever toutes les contraintes qui empêchent l’esprit humain d’atteindre sa force authentique. Une foi absolue, une soumission aveugle à l’autorité, une appréhension craintive, un manque de confiance en nos capacités et le peu d’attention portée à notre propre importance et aux projets bénéfiques que nous sommes capables de mener à bien, tels sont les principaux obstacles à l’amélioration de l’humanité. La démocratie restaure en l’homme la conscience de sa valeur, lui enseigne, par la suppression de l’autorité et de l’oppression, à n’écouter que ce que lui suggère la raison, lui donne la confiance qui lui permet de traiter tous les autres hommes avec franchise et simplicité et les incite à ne plus les considérer comme des ennemis contre lesquels il faut toujours être en garde, mais comme des frères qu’il lui incombe d’assister » (William Godwin, Enquête sur la justice politique)
- Ce qui fait une bonne citation : succincte, spirituelle, et emportant immédiatement la conviction :
« J’avoue que je n’ai jamais pu réfléchir sur ce système de représentation sans m’étonner de la crédulité, je dirais presque la stupidité avec laquelle l’esprit humain avale les absurdités les plus palpables. Si un homme proposait sérieusement que la nation pissât par procuration, on le traiterait de fou ; et cependant penser par procuration est une proposition que l’on entend, non seulement sans s’étonner, mais qu’on reçoit avec enthousiasme. » (John Oswald, Le Gouvernement du peuple)
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- Et enfin, parmi les extraits des fondateurs du gouvernement représentatif, il faut absolument citer Hegel. Tous les Etats actuels sont basés sur ses principes. Prenez n’importe quel intervenant politique passant sur les médias, il est certain que sa conviction intime ne sera pas très éloignée du passage qui suit. Étrangement, un tel propos ne pourrait cependant absolument pas être exposé de nos jours tel que sans être ridicule.
Merci Ronald, pour ce magnifique cadeau 🙂
Ma page ‘Précieuses pépites’ va s’enrichir, dès que j’aurai retrouvé les dates des docs. Si vous les aviez sous la main, ça me ferait gagner quelques minutes. Mais de toutes façons, je vais passer un peu de temps à chercher les originaux et leur contexte, pour bien les mémoriser, le situer, et bien les relier au reste 🙂
J’adore notre cerveau collectif, je m’y sens bien, j’y grandis, avec mes frères humains 🙂
Merci beaucoup.
PS : la citation du théoricien oligarchique, aussi abscons que prétentieux et dominant — et qui a beaucoup inspiré Marx, d’ailleurs, si j’ai bien compris — est un cas d’école, pour ceux qui s’intéressent à répertorier les pires ennemis du peuple. Merci.
Les dates de ces textes ?
Pour La Constitution des Athéniens, tant la date que l’auteur ont longtemps été discutés. L’hypothèse actuelle serait que le texte daterait de la Guerre du Pélopponèse (fin Vè siècle av JC), et aurait été écrit par Critias, le futur leader de la Tyrannie des Trente.
Le texte complet est ici :
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/xenophon/atheniens.htm
« Enquiry concerning Political Justice, and its Influence on General Virtue and Happiness » écrit par William Godwin est publié en 1793. Il a été remis à l’honneur par Michel Onfray, dans sa Contre-Histoire, et traduit en Français semble-t-il avec son aide en 2005 sous le titre « Enquête sur la justice politique et son influence sur la morale et le bonheur d’aujourd’hui ». Il n’est pas disponible en traduction sur le net, mais il est facile à commander dans le commerce. Intéressant, avec quelques bonnes idées, mais bon, il ne faut pas s’attendre à ce qu’un auteur du XVIIIè ait toutes ses idées toujours en adéquation avec les nôtres.
L’éditeur :
http://www.atelierdecreationlibertaire.com/Enquete-sur-la-justice-politique.html?var_recherche=godwin
The Government of the People, or a Sketch of a Constitution for the Universal Common-Wealth (Le Gouvernement du peuple, ou Plan de constitution pour la république universelle), de John Oswald, date de 1793. Je ne sais plus par quel cheminement je suis tombé sur ce pamphlet. Il est ici :
http://www.athene.antenna.nl/ARCHIEF/NR03-Parijs/OSWALD%20-%20Gouvernement.htm
Les Grundlinien der Philosophie des Rechts (Principes de la philosophie du droit), l’un des rares ouvrages de Hegel qui soit en partie lisible, datent eux de 1820. Il faut se rendre compte qu’il enseigne à l’Université de Berlin dans la Prusse de Frédéric-Guillaume III. On ne rigolait pas à cette époque-là (c’était pire que sous Manuel Valls), et il était impossible à quiconque de tenir un autre discours que celui-là à la place où il était. Même Marx reconnaissait que la liberté d’expression en France ou en Angleterre était sans commune mesure avec ce qui pouvait être dit en Prusse. L’aspect ridicule du propos, à mon avis, vient du fait qu’Hegel est encore de ceux pour qui le Droit se fonde sur la Raison (qui certes doit sans cesse se développer, s’améliorer). Alors que les idéologies qui ont fondé le monde contemporain – le libéralisme, le communisme et le fascisme – si elles divergent sur beaucoup de choses, sont d’accord sur un point : le Droit se fonde sur la Force. Alors, je n’ai jamais creusé le fond du débat, je ne suis pas spécialiste de la philosophie du droit, mais je crois que nous les modernes ne pensons plus du tout dans les mêmes cadres que Hegel, aussi son discours nous semble au mieux – pour être indulgent – bien naïf.
Le texte est chez Garnier Flammarion entre autres, mais il est aussi disponible librement ici :
http://www.elfege.com/bibliotheque/HEGEL/HEGEL%20-%20Principes%20de%20la%20philosophie%20du%20droit.pdf
[tyrannie européenne] Le spectre de l’AECG et de la dictature des entreprises hante le Canada et l’UE
« Un coup sans gloire en faveur de la démocratie a été remporté cette semaine, lorsque le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a fait volte-face et a déclaré que tout compte fait, les Parlements des États membres de l’UE voteraient sur l’accord de libre-échange avec le Canada. Une semaine plus tôt, le président Juncker avait rejeté l’idée de tout débat démocratique, insistant sur le fait que l’accord serait approuvé unilatéralement par les ministres de l’Union européenne.
La décision prévue plus tôt n’était pas une aberration, et l’inversion hâtive est beaucoup plus un exercice cosmétique de relations publiques, qu’une nouvelle marque de respect pour l’opinion publique. La population a été exclue depuis le début de l’Accord économique et commercial global (AECG, CETA dans son sigle anglais) entre le Canada et l’Union. Il y a des raisons à cela, le centrage sur l’AECG étant impossible à distinguer des divers accords de libre-échange en cours, tels que l’Accord de partenariat trans-pacifique, qui va même au-delà de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Le président Juncker a d’abord dit le 28 juin qu’une ratification par les Parlements européens n’était pas nécessaire – bien qu’il ait gracieusement concédé que les gouvernements de l’UE pourraient examiner le texte de l’AECG. Le problème, a‑t-il dit, était que « permettre aux Parlements nationaux d’avoir leur mot à dire sur l’accord paralysera le processus et mettra la crédibilité du bloc en jeu », a rapporté Deutsche Welle. Eh bien, nous ne pouvons pas permettre à une démocratie compliquée de se mettre en travers des listes de vœux des entreprises, n’est-ce pas ?
Bruxelles, 13 juillet 2016 : l’opposition aux traités dits de libre-échange ne lâche rien.
Deutsche Welle a rapporté le 5 juillet que l’Allemagne et la France avaient insisté pour que des votes aient lieu dans les Parlements, le ministre allemand de l’Économie, Sigmar Gabriel, disant publiquement que le commentaire du président Juncker était « incroyablement stupide » et « nourrirait l’opposition à d’autres accords de libre-échange. » Pas d’opposition à l’AECG ici ; à peine un peu d’inconfort que le manque de démocratie soit devenu trop flagrant. Il serait donc irréaliste d’attendre que le Bundestag ou quelque autre organe parlementaire vote dans l’intérêt de leurs citoyens, sans qu’une pression populaire beaucoup plus forte ne soit exercée. » […]
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http://lesakerfrancophone.fr/le-spectre-de-laecg-et-de-la-dictature-des-entreprises-hante-le-canada-et-lue
Source : le Saker Francophone
Segolene Royal parodie de démocratie non participative
httpv://www.youtube.com/watch?v=jUu8e4t6g3I
La définition de la démocratie selon Ségolène Royal !
https://youtu.be/XGPgjq4j4Kk&feature=youtu.be
[Pourriture politicienne, suite]
[Humour] Chirac sur l’Europe : constance et cohérence
httpv://youtu.be/qYYbE4iPK_M
Sur la chaîne « Du goudron, des plumes et des archives » 🙂
Informée par un autre Olivier (Demeulenaere) et par hasard de cette vidéo ou l’on découvre une Marie-Ségolène aussi hors-sol que son ex. J’ai pour ma part intégrée cette vidéo en lien et dans le mot « urne » d’un paragraphe de ce billet = https://jbl1960blog.wordpress.com/2016/07/20/6‑mois-de-plus/
Je suis impressionnée, toujours, par votre capacité à résister et j’avoue que pour ma part, je suis souvent envahie par le doute, et même si je me raccroche à la sagesse et la pertinence d’un Reclus, d’un Kropotkine, d’un Laundauer pour affûter ma réflexion sur la nécessité pressante de créer la société des sociétés et d’enclencher un nouveau paradigme. JBL