#OnVautMieuxQueCa : les jeunes vont-ils arriver à bouger les syndicats ?

28/02/2016 | 39 commentaires

#OnVaut­Mieux­Que­Ca

Les jeunes vont-ils arri­ver à bou­ger ces fichus syndicats ?

« Youtubeurs/Youtubeuses, vidéastes, blogueurs/blogueuses, face au pro­jet abject et absurde de réforme du code du tra­vail, nous pen­sons qu’il est temps de ne plus res­ter dans notre coin. Nous avons déci­dé de nous retrou­ver, d’en par­ler et de vous pro­po­ser de nous rejoindre pour mon­trer à ceux qui pré­tendent nous gou­ver­ner que, nous tous, #OnVaut­Mieux­Que­Ca . »

httpv://youtu.be/E3EbLui2B2k

• Retrou­vez-les ici en groupe :
Face­book : https://​www​.face​book​.com/​O​n​V​a​u​t​M​i​e​ux/
Twit­ter : https://​twit​ter​.com/​o​n​v​a​u​t​m​i​eux
Dia­spo­ra : OnVautMieuxQueCa
Mail : onvautmieuxqueca@gmail.com

• Retrou­vez-les ici un à un :

La péti­tion Loi tra­vail : non, merci !
https://​www​.change​.org/​p​/​l​o​i​-​t​r​a​v​a​i​l​-​n​o​n​-​m​e​r​c​i​-​m​y​r​i​a​m​e​l​k​h​o​m​r​i​-​l​o​i​t​r​a​v​a​i​l​n​o​n​m​e​rci

• Rap­pel : appel à la grève géné­rale le 9 mars : 
https://​www​.face​book​.com/​e​v​e​n​t​s​/​7​8​4​0​5​9​0​6​1​7​2​4​1​00/

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Je rap­pelle que tout pou­voir va jus­qu’à ce qu’il trouve une limite, impla­ca­ble­ment, méca­ni­que­ment. Or, démo­cra­ti­que­ment incultes que nous sommes, incroya­ble­ment confiants par rap­port aux pou­voirs, nous n’im­po­sons plus aucune limite aux abus de pou­voirs de nos maîtres

Je rap­pelle aus­si que ce n’est pas du tout l’é­lec­tion (du Front Popu­laire) qui, en 1936, a conduit la Banque de France à deman­der à Blum de lâcher les congés payés, le salaire mini­mum, la semaine de 40 heures…, car Auriol, comme ses pré­dé­ces­seurs, avait pro­mis au Gou­ver­neur de la Banque de France (le vrai chef d’É­tat de l’é­poque) de « bien tenir les salaires »… Non, ce qui a ouvert la voie de grands pro­grès sociaux, c’est la grève géné­rale (et illi­mi­tée) dans tout le pays.

Je rap­pelle enfin que la révo­lu­tion ne suf­fit pas à chan­ger le monde, la contre-révo­lu­tion reprend tou­jours le des­sus (jus­qu’i­ci) : je suis en train de dévo­rer l’his­toire de la Guerre d’Es­pagne, révo­lu­tion et contre-révo­lu­tion, de Bur­nett Bol­lo­ten (Agone 2014), un livre bou­le­ver­sant et pas­sion­nant, incroya­ble­ment d’ac­tua­li­té et utile aujourd’­hui, et la leçon que j’en tire (là où j’en suis) est qu’il nous faut abso­lu­ment une culture démo­cra­tique géné­ra­li­sée et préa­lable : si la mul­ti­tude ne se méfie pas fon­da­men­ta­le­ment, natu­rel­le­ment, des pou­voirs ins­ti­tués, la contre-révo­lu­tion (la réac­tion vio­lente des pri­vi­lé­giés qui veulent le pou­voir à tout prix) ne fait rapi­de­ment qu’une bou­chée des révo­lu­tion­naires, en infil­trant leurs orga­ni­sa­tions, en les dévoyant, en les cor­rom­pant et fina­le­ment en les massacrant.

Avant de nous insur­ger, nous devons apprendre, entre nous, à nous et à nos enfants, à ins­ti­tuer nous-mêmes des limites dras­tiques et durables à toute forme de pouvoir.

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​3​9​9​5​6​8​7​2​6​7​317

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[Edit] J’ai vu pas­ser cette vidéo cri­tique, que je trouve intéressante : 

« #Onvaut­mieux­que­ça ? Code du Tra­vail (Ter­rene Trash 33) »
par Franck Brusset
httpv://youtu.be/vxJXJbnWKhE

C’est vrai que ces jeunes gens, au lieu de récol­ter sur une pla­te­forme inter­net des his­toires per­son­nelles de mal­trai­tance au tra­vail MALGRÉ le Code du tra­vail (preuve que ce Code ne sert pas bien de pro­tec­tion), feraient mieux de récol­ter des his­toires per­son­nelles où une mal­trai­tance au tra­vail a été ÉVITÉE GRÂCE au Code du tra­vail (preuve que ce Code sert effec­ti­ve­ment et qu’il faut donc le protéger).
Ce serait plus cohé­rent pour défendre le Code du tra­vail attaqué.

Ceci dit, ils peuvent faire évo­luer leur pro­jet, et c’est un essai d’ac­croche des endor­mis (un de plus) => 1) on ne peut pas savoir à l’a­vance si ça va fonc­tion­ner ou pas, et 2) si ça fonc­tionne (au moins un peu), on peut espé­rer que les réveillés vont dépas­ser le stade du # 🙂

Donc, ne pas décou­ra­ger ceux qui essaient des pistes 🙂

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Voir aus­si ce que dit Gérard Filoche​ de la « loi-tra­vail » sur Là-bas si j’y suis :
http://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/9‑mars-greve-generale-contre-la-loi-travail

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39 Commentaires

  1. binnemaya

    l’es­poir fait vivre.
    Toute les révo­lu­tions ont leur genèse dans l’ar­ro­gance et l’a­vi­di­té sans fin des puis­sants du moment qui a un ins­tant T de l’his­toire humaine devient insou­te­nable pour le peuple qui sou­dai­ne­ment ouvre les yeux sur la réa­li­té de son sort.
    En 1789, la révo­lu­tion bour­geoise des com­mer­çants qui ne sup­por­tant plus l’ar­ro­gance des nobles alors qu’eux avaient l’argent déci­da de prendre le pou­voir et pour ce faire ins­tru­men­ta­li­sa a son propre pro­fit la belle idée de « démo­cra­tie » en ins­tal­lant une répu­blique qui n’a­vait de répu­bli­cain que le nom car pour prendre le pou­voir il faut le sou­tient popu­laire sans lequel il ne tien­drai pas dans la durée. Et quoi de mieux que la fable de la démo­cra­tie pour enfu­mer le peuple.
    En 1871, un nou­veau risque poin­tait c’é­tait le com­mu­nisme théo­ri­sé par Marx etc et pre­nant corps dans la com­mune de paris il fal­lut inven­ter une nou­velle fable pour ne pas perdre le pou­voir ce fut la « sociale démo­cra­tie » qui per­mit a nou­veau de reprendre la main sur le dis­cours poli­tique en cédant quelques miettes qu’on nom­me­ra plus tard « acquis sociaux » et que depuis ils (les pos­sé­dants) n’ont de cesse de vou­loir reprendre au peuple.
    En 1945, les com­mu­nistes ayant for­cer le res­pect en orga­ni­sant la résis­tance et se sacri­fiant pour la liber­té du peuple face a la bar­ba­rie nazi orga­ni­sé et ren­du pos­sible par le capi­tal tou­jours a la recherche du Saint Graal du ren­de­ment sans fin et sans limite ont crée une brèche pré-révo­lu­tion­naire en créant la Sécu­ri­té Sociale qui devait a l’é­poque per­mettre de sor­tir du capi­ta­lisme res­pon­sable de deux guerres mon­diales mais ce fut de courte durée car a peine remit du chaos engen­dré par la guerre le Capi­tal reprit le com­bat idéo­lo­gique en inven­tant une nou­velle fable « la liber­té » enfin sur­tout la sienne.
    Mal­heu­reu­se­ment le pou­voir ren­dant fou et la chute du concur­rent au fas­cisme nazi faus­se­ment nom­mé « com­mu­nisme » l’ai­dant, libé­ra sur­tout la folie du capi­tal qui porte en elle celle des Hommes.
    Mais la par­tie n’est pas ter­mi­né et l’es­poir renait de ses cendres a tra­vers Ber­nard Friot et son « salaire à vie » (a ne pas confondre avec reve­nu de base)qui si nous savons mener la bataille idéo­lo­gique actuelle nous per­met­tra de sor­tir de l’a­lié­na­tion du capi­tal sinon nous retom­be­rons dans une période où l’es­cla­va­gisme nous sera pré­sen­té comme l’est le capi­ta­lisme aujourd’­hui non négo­ciable car sacralisé.
    Le capi­ta­lisme c’est l’URSS avec Zucker­berg a la place de Sta­line vive le salaire à vie avec la pro­prié­té d’u­sage et le blo­ck­chain (comme outil non fal­si­fiable et qui per­met une rela­tion mar­chande ou non mar­chande sans intermédiaires).
    C’est là qu’est la moder­ni­té dis­rup­tive la seule pos­sible sinon on aura le tota­li­ta­risme bureau­cra­tique mar­chand dans toute sa splendeur.

    Réponse
  2. binnemaya

    Pour­quoi Hol­lande a choi­sit Badin­ter pour faire un xième rap­port qui sert de sup­port a la loi sur le tra­vail, parce qu’il a tou­jours une aura posi­tive sur l’a­bo­li­tion de la peine de mort (ce qui est bien) mais n’ou­blier pas qui il est ce Badin­ter : un héri­tier enfin sur­tout sa femme qui trouve « qu’il ne faut pas avoir honte d’ex­pri­mer son isla­mo­pho­bie » .…ce qui donne : un ren­tier super riche pré­fère un esclave vivant pour conti­nuer a l’ex­ploi­ter plu­tôt qu’un esclave mort donc j’a­bo­lis la peine de mort et je me fais pas­ser pour un Saint tout en étant esclavagiste…magnifique non ?

    Réponse
  3. etienne

    J’ai vu pas­ser cette vidéo cri­tique, que je trouve intéressante : 

    « #Onvaut­mieux­que­ça ? Code du Tra­vail (Ter­rene Trash 33) »
    par Franck Brusset

    httpv://youtu.be/vxJXJbnWKhE

    C’est vrai que ces jeunes gens, au lieu de récol­ter sur une pla­te­forme inter­net des his­toires per­son­nelles de mal­trai­tance au tra­vail MALGRÉ le Code du tra­vail (preuve que ce Code ne sert pas bien de pro­tec­tion), feraient mieux de récol­ter des his­toires per­son­nelles où une mal­trai­tance au tra­vail a été ÉVITÉE GRÂCE au Code du tra­vail (preuve que ce Code sert effec­ti­ve­ment et qu’il faut donc le protéger).
    Ce serait plus cohé­rent pour défendre le Code du tra­vail attaqué.

    Ceci dit, ils peuvent faire évo­luer leur pro­jet, et c’est un essai d’ac­croche des endor­mis (un de plus) => 1) on ne peut pas savoir à l’a­vance si ça va fonc­tion­ner ou pas, et 2) si ça fonc­tionne (au moins un peu), on peut espé­rer que les réveillés vont dépas­ser le stade du # 🙂

    Donc, ne pas décou­ra­ger ceux qui essaient des pistes 🙂

    Réponse
  4. etienne

    Ana, sur Facebook : 

    « Bien­tôt le 9 mars
    _______________________________________________________

    La révo­lu­tion de 1848 se déroule à Paris du 22 au 25 février.

    Le 22 février au matin, des cen­taines d’é­tu­diants se rassemblent …

    Le 24, le roi abdique.

    Le même jour, un gou­ver­ne­ment pro­vi­soire répu­bli­cain est éta­bli. Aïe 🙁
    ________________________________________________________

    Un peuple qui se libère mais accepte un gou­ver­ne­ment pro­vi­soire perd dans l’ins­tant sa liber­té neuve, si chè­re­ment acquise.

    Les voleurs de révo­lu­tion sont l’en­ne­mi sour­nois qui tou­jours fait échouer la liber­té collective.

    La reven­di­ca­tion pre­mière est la démo­cra­tie directe, vraie, inté­grale, universelle.

    El pue­blo uni­do jamas sera vencido »

    Réponse
  5. etienne

    Des étu­diants de 15 pays lancent un appel à l’ONU pour pour­suivre l’administration US (vidéo fr)
    Des étu­diants des éta­blis­se­ments d’enseignement supé­rieur de 15 pays ont enre­gis­tré un mes­sage vidéo adres­sé au Secré­taire géné­ral de l’ONU lui deman­dant de pour­suivre le pré­sident amé­ri­cain Barack Oba­ma pour son ingé­rence constante dans les affaires des États souverains.
    httpv://youtu.be/r7XlIohHth0

    Réponse
  6. etienne

    Incroyable…
    Il faut cacher aux Fran­çais les dépenses fara­mi­neuses du Sénat
    httpv://youtu.be/wR_0FliDtyc
    (rap­pel)

    Réponse
  7. etienne

    Jacques Tes­tart : Com­ment les citoyens peuvent s’emparer des choix de société ? 
    httpv://youtu.be/wCAVBxcxnAI

    Réponse
    • Ronald

      Je suis bien d’ac­cord que l’or­ga­ni­sa­tion de ces Confé­rences Citoyennes est une très bonne idée, et don­ne­rait des sug­ges­tions excel­lentes. Mais comme le terme de « Démo­cra­tie » a déjà été volé jadis par le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif, on a ici un autre détour­ne­ment du terme. Com­ment peut-on dire que « quinze per­sonnes tirées au sort », « volon­taires », « assis­tant à des for­ma­tions », et « tra­vaillant sur un sujet pen­dant six mois », et qui en outre aux dires de Tes­tard ont « un com­por­te­ment qui change », com­ment peut-on dire que c’est « le peuple ». Et si leur déci­sion s’ap­plique d’of­fice, com­ment peut-on dire que c’est la Démo­cra­tie ? C’est très clai­re­ment ce qu’on conçoit au contraire comme l’A­ris­to­cra­tie. D’ailleurs, très rapi­de­ment, on ver­ra que de telle déci­sions vont à l’en­contre des son­dages dans la popu­la­tion (et là ça va coin­cer). Il serait temps que tout le monde arrête de sacra­li­ser le mot Démo­cra­tie et des gens comme Tes­tard admettent qu’ils ne sont pas favo­rables à la démo­cra­tie. Moi non plus d’ailleurs. En fait, très clai­re­ment, si on part sur ce genre de dis­po­si­tif pour déci­der des grandes orien­ta­tions scien­ti­fiques, il fau­drait que le pro­po­si­tions de ces Confé­rences Citoyennes soient par après vali­dées par réfé­ren­dum. On serait alors dans un régime ‘mixte’.

      Réponse
  8. etienne

    Le « génie » de l’en­det­te­ment mutuel dans l’UE : 
    httpv://m.youtube.com/watch?v=a5_N7S6Vfp8

    Réponse
  9. etienne

    L’in­jus­tice en système : 
    Crise du monde agri­cole : « En 2008, on a sau­vé les banques, et si en 2016, on sau­vait les agriculteurs ? »
    http://​www​.bas​ta​mag​.net/​A​g​r​i​c​u​l​t​u​r​e​-​d​e​r​r​i​e​r​e​-​l​e​-​d​e​s​a​r​r​o​i​-​u​n​-​m​o​d​e​l​e​-​e​c​o​n​o​m​i​q​u​e​-​a​-​b​o​u​t​-​d​e​-​s​o​u​f​fle

    Il fau­drait que le peuple veuille voter lui-même ses lois, au lieu de se rési­gner à élire ses maîtres.

    Réponse
  10. etienne
  11. etienne

    « Jean-Vincent Pla­cé sou­tient « tota­le­ment » la loi El Khomri »
    http://​www​.ouest​-france​.fr/​p​o​l​i​t​i​q​u​e​/​j​e​a​n​-​v​i​n​c​e​n​t​-​p​l​a​c​e​-​s​o​u​t​i​e​n​t​-​t​o​t​a​l​e​m​e​n​t​-​l​a​-​l​o​i​-​e​l​-​k​h​o​m​r​i​-​4​0​5​8​114

    Comme disait l’autre, qui savait de quoi il par­lait : « c’é­tait un arri­viste, un par­ve­nu qui était prompt à toutes les bas­sesses envers ses supé­rieurs pour avoir de l’avancement… »

    Réponse
  12. etienne
  13. etienne

    [Fil d’Ac­tu #19] Loi Tra­vail, Brexit et école :
    httpv://youtu.be/m_CRoFBkN64

    Réponse
  14. etienne

    Faux « jour­na­listes » aux manettes de notre intoxi­ca­tion médiatique : 
    httpv://youtu.be/s‑c-FJPXsAA

    Réponse
  15. etienne

    TTIP : trans­pa­rence 210, débat démo­cra­tique 010
    http://www.levif.be/actualite/international/ttip-transparence‑2–10-debat-democratique‑0–10/article-opinion-471155.html

    « Un coffre-fort, une minus­cule pièce sans fenêtre, une fonc­tion­naire pour sur­veiller cha­cun de mes gestes et l’o­bli­ga­tion de lais­ser toutes mes affaires au ves­tiaire. Voi­là mon expé­rience vécue de la  » trans­pa­rence  » concer­nant le Trai­té trans­at­lan­tique (TTIP).  » […]

    Réponse
    • Bèrbère

      L’ALECA avec l’UE : Un appro­fon­dis­se­ment des mêmes poli­tiques pré­ju­di­ciables aux droits des deux peuples et une atteinte à la sou­ve­rai­ne­té nationale

      http://cadtm.org/L‑ALECA-avec-l-UE-Un

      Réponse
  16. J-Stéphane

    On vaut mieux que ça, cer­tai­ne­ment, mais pour­quoi on agit moins que l’on réagit ?

    Réac­tion ; plus de 700 000 milles signa­tures en quelques jours pour contes­ter la des­truc­tion de lois pro­tec­trices, c’est for­mi­dable (https://​www​.change​.org/​p​/​l​o​i​-​t​r​a​v​a​i​l​-​n​o​n​-​m​e​r​c​i​-​m​y​r​i​a​m​e​l​k​h​o​m​r​i​-​l​o​i​t​r​a​v​a​i​l​n​o​n​m​e​r​c​i​?​s​o​u​r​c​e​_​l​o​c​a​t​i​o​n​=​t​r​e​n​d​i​n​g​_​p​e​t​i​t​i​o​n​s​_​h​o​m​e​_​p​a​g​e​&​a​l​g​o​r​i​t​h​m​=​c​u​r​a​t​e​d​_​t​r​e​n​d​ing).

    Action ; seule­ment 19 000 milles signa­tures en plu­sieurs mois pour signi­fier notre désac­cord avec ceux qui légi­fèrent (https://​lapri​maire​.org/)…

    Je ne par­le­rais même pas des réac­tions après les atten­tats, et le peu d’ac­tion avant, quand les mélanges explo­sifs étaient en cours…

    Aus­si, je pense que de comp­ter sur nos poli­tiques et le sys­tème ça nous condamne à la léthar­gie. Une manif, une péti­tion, ou toute autre expres­sion ne doit pas être aban­don­née sous pré­texte qu’elle est sans effet sur les politiques. 

    Il faut s’é­man­ci­per oui ou non ? Donc on s’en fout de ce qu’ils pensent, nous le savons bien ; l’o­pi­nion publique a de la valeur tant qu’elle leur est favo­rable, sinon ça ne vaut plus rien.

    Non, nous fai­sons ces manifs, ces péti­tions… entre nous et pour nous, et, à la méthode des pubs et autres matra­quages média­tiques, ça nous forme et ça nous forge un esprit col­lec­tif. Alors, conti­nuons et redou­blons d’ex­pres­sion et de moyen d’expression.

    « Rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue. » Et pour la démo­cra­tie, il faut la semer à grande échelle.

    Réponse
  17. joss

    L’HÉGÉMONIE CULTURELLE SELON GRAMSCI
    http://www.agirparlaculture.be/index.php/theorie-de-la-culture/4‑lhegemonie-culturelle-selon-gramsci

    extrait :
    « Consta­tant que les révo­lu­tions com­mu­nistes pro­mises par la théo­rie de Marx n’avaient pas eu lieu dans les socié­tés indus­trielles de son époque, Gram­sci for­mule une hypo­thèse. Si le pou­voir bour­geois tient, ce n’est pas uni­que­ment par la main de fer par laquelle il tient le pro­lé­ta­riat, mais essen­tiel­le­ment grâce à son emprise sur les repré­sen­ta­tions cultu­relles de la masse des tra­vailleurs. Cette hégé­mo­nie cultu­relle ame­nant même les domi­nés à adop­ter la vision du monde des domi­nants et à l’accepter comme « allant de soi ».

    Cette domi­na­tion se consti­tue et se main­tient à tra­vers la dif­fu­sion de valeurs au sein de l’É­cole, l’É­glise, les par­tis, les orga­ni­sa­tions de tra­vailleurs, l’ins­ti­tu­tion scien­ti­fique, uni­ver­si­taire, artis­tique, les moyens de com­mu­ni­ca­tion de masse… Autant de foyers cultu­rels pro­pa­geant des repré­sen­ta­tions qui conquièrent peu à peu les esprits et per­mettent d’obtenir le consen­te­ment du plus grand nombre.

    Pour ren­ver­ser la vapeur, toute conquête du pou­voir doit d’abord pas­ser par un long tra­vail idéo­lo­gique, une lente pré­pa­ra­tion du ter­rain au sein de la socié­té civile. Il faut, peu à peu, sub­ver­tir les esprits, ins­tal­ler les valeurs que l’on défend dans le domaine public afin de s’assurer d’une hégé­mo­nie cultu­relle avant et dans le but de prendre le pouvoir. »

    Réponse
    • claude saint-jarre

      Les gen­tils virus en politique ?

      Réponse
  18. etienne

    Non à la loi EL KHOMRI

    En 20 minutes Gérard Filoche détaille tous les effets néfastes de cette loi inique ! Non à la loi EL KHOMRI qui met à bas toutes les luttes des salarié(e)s !

    Réponse
  19. etienne
  20. etienne

    Gérard Filoche explique pourquoi
    il faut tous se lever contre cette loi scélérate,
    avant qu’il ne soit trop tard :

    httpv://youtu.be/mlkfNu_NSKE

    Gérard Filoche :
    « Tout est dans l’article 1 : ne serait-ce qu’à cause de ce seul article, tout le pro­jet de loi El Khom­ri doit être reti­ré. C’est la remise en cause his­to­rique, théo­rique, juri­dique fon­da­men­tale d’un siècle entier de code du travail.

    Pour le com­prendre il faut savoir que le code du tra­vail est né en 1910 après la catas­trophe de Cour­rières de 1906 dans le Pas-de-Calais. Lors de cette tra­gé­die, 1099 mineurs avaient per­du la vie au fond des puits. Le patron avait exi­gé que le tra­vail reprenne en ces­sant la recherche des sur­vi­vants, car sinon le char­bon polo­nais allait arri­ver et il allait mettre la clef sous la porte. Une dou­zaine de jours plus tard, 13 puis 1 sur­vi­vants étaient ré appa­rus. Le choc émo­tion­nel avait été tel qu’on avait déci­dé de créer le Minis­tère du tra­vail pour qu’il échappe aux exi­gences du Minis­tère de l’économie.

    Le choix fon­da­men­tal a été d’adapter le tra­vail aux humains et non pas les humains au tra­vail. Si nous avons exi­gé les 3 X 8 : 8 h de tra­vail, 8 h de loi­sir, 8h de repos, ce n’est pas pour plaire aux patrons des entre­prises, c’est pour plaire aux humains, pour qu’ils puissent vivre avec leur travail.

    Aus­si lorsque le Pré­sident Hol­lande annonce qu’il allait « adap­ter le droit au tra­vail aux besoins des entre­prises », c’est une contre-révo­lu­tion concep­tuelle. Elle n’a rien de « moderne » et rien à voir avec la « crise » : c’est le retour au 19° siècle, bien avant 1906, aux débuts du sala­riat post escla­vage quand il n’y avait ni lois ni coti­sa­tions sociales.

    Ca n’a rien à voir non plus avec l’emploi : Fran­çois Hol­lande l’avoue le 21 février 2016 en pré­ci­sant que cette loi « n’aura pas d’effets en termes d’emploi avant plu­sieurs mois. Mais il s’agit d’installer un nou­veau modèle social » Il ne pou­vait mieux recon­naitre que le chô­mage était un pré­texte, et qu’il visait sur­tout à rompre avec le droit du tra­vail exis­tant. » […]

    Réponse
  21. etienne

    « Je serais tel­le­ment plus utile au chômage »
    Un remar­quable témoi­gnage (pour don­ner du sens au tra­vail), de Jérôme Choain (sur Bas­ta !, le 5 novembre 2013) :

    « Notre socié­té marche sur la tête. Un seul objec­tif : le plein emploi. Sans se deman­der si les acti­vi­tés créées sont utiles à la socié­té, ou si elles sont nui­sibles. Être ren­table et « boos­ter la Sainte Crois­sance » est deve­nu plus impor­tant que de don­ner du sens au tra­vail. « A chaque fois que je pen­sais à quelque chose d’utile à la socié­té, c’était impos­sible de pou­voir en vivre », explique Jérôme Choain. Témoi­gnage de cet ingé­nieur qui a déci­dé de vivre et tra­vailler autrement.

    Je suis exas­pé­ré. Si, si.

    Je n’entends par­ler que d’emploi. C’est deve­nu l’étalon or, la jus­ti­fi­ca­tion abso­lue, le fourre tout. Pas une émis­sion, pas un dis­cours poli­tique sans que cela ne dirige les débats. On se moque de l’intérêt des choses, on ne compte que les emplois. Et en plus on compte mal, sou­vent on ment.

    J’ai 45 ans, je suis né en 68, année de cer­tains rêves. Je suis à peine plus vieux que le pre­mier choc pétro­lier, je n’ai enten­du au cours de ma vie que des encra­va­tés me dire qu’ils se battent pour la crois­sance et l’emploi. Et je n’ai jamais connu que le chô­mage de masse et la décrois­sance de mon environnement.

    Recon­nais­sance sociale

    On a besoin d’argent pour vivre, soit. On a besoin de faire des choses pour s’épanouir, je le pense. Mais quel rap­port avec l’emploi ? Pour­quoi est-il si pro­fon­dé­ment ancré en nous que c’est une valeur ? J’ai bien une idée, mais on va tom­ber dans le sub­jec­tif et je vou­drais être consen­suel aujourd’hui.

    Res­tons-en donc aux faits. Qui pour­rait dire qu’un employé de nos armu­riers qui tra­vaille pour un gras salaire sur les mines anti-per­son­nelles ou les armes bio­lo­giques est plus utile à la socié­té que M. René, chô­meur senior sans espoir de retour à l’emploi et qui passe son temps a don­ner du sou­tien sco­laire à nos enfants ?

    Notre socié­té nous éduque à lui nuire

    Je suis ingé­nieur. On m’a don­né un diplôme qui, sans me pro­té­ger de tout, me donne toutes les chances. Et je m’en suis ser­vi : j’ai tout. En tout cas, j’ai tout ce qui pour moi fait une vie bien pri­vi­lé­giée, je ne sou­haite rien de plus. Quand je regarde mes amis ingé­nieurs, l’immense majo­ri­té tra­vaille, comme moi il y a peu, pour des grosses boites et mettent leur « génie » au ser­vice d’empires éco­no­miques sans avoir la moindre maî­trise de ce qu’ils font et pour­quoi ils le font. Quand tu penses que des ingé­nieurs tra­vaillent à l’obsolescence pro­gram­mée, et on nous dira qu’il n’y a pas de sot métier.

    Il y a deux ans ma femme et moi avons pris une déci­sion un peu folle : tout lar­guer pour aller s’installer au bord de la mer. La chance a été de la par­tie : un ami m’a offert un emploi de rêve, je tra­vaille de chez moi sur des choses que j’aime. Le pied absolu.

    Cela n’empêche que je me suis posé beau­coup de ques­tions à cette époque sur ce que j’allais faire de ma vie. Je débar­quais dans un envi­ron­ne­ment de rêve, mais quit­ter un bou­lot stable de cadre en région pari­sienne pour aller s’enterrer au fond du Mor­bi­han, ce n’était pas très res­pon­sable en terme de carrière…

    J’ai encore des proches qui croient que j’ai fait ça pour faire plai­sir à ma Dame. Ils n’imaginent pas que c’est moi qui ai eu l’envie, celle de chan­ger d’air, de quit­ter ce cirque insen­sé où je fanais.

    Lorsque je suis arri­vé, tout à mon émer­veille­ment, j’étais plein d’envies, de volon­té de faire quelque chose de bien. J’ai pen­sé à 10 000 trucs pour mettre mes modestes connais­sances au ser­vice de la com­mune, de l’école, du col­lège, des vieux… Et le constat est simple : à chaque fois que je pen­sais à quelque chose d’utile à la socié­té, c’était impos­sible de pou­voir en vivre. Et tous les trucs qui me sem­blaient avoir une chance de mar­cher étaient au mieux inutiles, plus sou­vent nui­sibles. Donc hors de question.

    Pour­tant, il y en a des choses à faire pour boos­ter la socié­té. Pour ne par­ler que de mon domaine, les déve­lop­peurs pleins d’envies et de géné­ro­si­té sont légions. Ils sont capables de grandes choses. Ceux qui ne connaissent pas ce monde n’imaginent peut-être pas à quel point ils sont capables d’aider la com­mu­nau­té dans tous les aspects de la vie quotidienne.

    Mais toute cette éner­gie, toute cette puis­sance est mise au ser­vice de la marge à deux chiffres. L’immense majo­ri­té de ces arti­sans du futur fini­ront dans de tristes gratte-ciels à déve­lop­per une tech­no­lo­gie ren­table pour les action­naires, par­fois nui­sible, en tout cas éloi­gnée de toute consi­dé­ra­tion pour l’intérêt géné­ral. Un seul cou­pable : l’emploi et donc la sou­mis­sion comme unique pers­pec­tive de reve­nus. Je sais, il existe aus­si des entre­pre­neurs. On en par­le­ra peut-être une autre fois.

    Tant qu’on nous édu­que­ra dans l’espoir d’avoir « une belle situa­tion » (enten­dez « gras­se­ment payée », pas « noble métier »), ça ne risque pas de bouger.

    Être ingé­nieur, ce pour­rait être beau. Inno­ver, inven­ter pour libé­rer les hommes du tra­vail abru­tis­sant, ce serait grand. Le faire pour pous­ser mas­si­ve­ment les gens au chô­mage, c’est une honte. J’entendais récem­ment Fleur Pel­le­rin décla­rer tous sou­rires numé­riques déployés que « les petits emplois c’est fini, on ne peut pas riva­li­ser avec les pays émer­gents, il faut déve­lop­per les hautes tech­no­lo­gies et les emplois hau­te­ment qua­li­fiés ». Ah oui ? C’est une ministre socia­liste qui nous chante ça ? Et on fait quoi des gens « non qua­li­fiés » ? Tout le monde à la pou­belle ? Concrè­te­ment oui, c’est bien ce que nous fai­sons. Et comme les diri­geants sortent exclu­si­ve­ment des zones « qua­li­fiées », on conti­nue le mas­sacre dans des rêves illu­soires de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle qui vont éle­ver le bon peuple.

    Éman­ci­pa­tion

    J’ai tra­vaillé 17 ans dans l’automatisation de tri pos­tal. De mer­veilleuses machines qui mettent tel­le­ment de pos­tiers au chô­mage. J’ai tou­jours eu l’utopie de la machine qui libère l’homme. Mais le temps a pas­sé et j’ai bien dû me rendre compte que tout mon tra­vail ne par­ti­ci­pait qu’au béné­fice exclu­sif de mes patrons. Et au mien, bien sûr. J’ai vrai­ment cru que ça chan­ge­rait, que la révo­lu­tion numé­rique met­trait un peu de temps à être com­prise. Mais après toutes ces années, pas l’ombre d’un début de prise en compte de cette nou­velle réa­li­té : l’emploi disparaît.

    Tout ceci n’empêche que le bilan que je tire modes­te­ment de ma petite expé­rience de vieux (j’ai appris récem­ment qu’à 45 ans, je pas­sais pro­fes­sion­nel­le­ment dans la rubrique senior) est raide : nous mar­chons sur la tête. Au pré­texte de boos­ter la Sainte Crois­sance qui seule sau­ra appor­ter le bon­heur aux petites gens, nous avons appris à être ren­tables. Méri­tants, dit-on dans le jar­gon poli­tique, ultime hypo­cri­sie. Tout ça pour qu’au final des jeunes rêvent de deve­nir foot­bal­leur ou rock star de la télé réa­li­té. Tu parles d’un mérite.

    Il faut se libé­rer de l’emploi, je ne sais pas si c’est par le Reve­nu de Base, le Salaire à vie, ou d’autres pro­po­si­tions, mais il existe des pistes de réflexion dont on n’entend jamais par­ler chez Puja­das. On conti­nue de gas­piller des mil­liards à sub­ven­tion­ner des pans entiers de l’économie dont l’activité est in fine nui­sible à la socié­té, tout cela soi-disant pour l’emploi.

    Si les bon­nets rouges pou­vaient vivre sans être « obli­gés » de nuire à l’environnement bre­ton, il n’y aurait plus de bon­nets rouges. Mais faut bouf­fer, et donc l’intérêt géné­ral se sera pour plus tard, encore une fois.

    Jerome Choain
    Source : http://​www​.bas​ta​mag​.net/​J​e​-​s​e​r​a​i​s​-​t​e​l​l​e​m​e​n​t​-​p​l​u​s​-​u​t​i​l​e​-au

    Voir le blog de l’auteur
    http://​jcfrog​.com/​b​l​og/

    Réponse
  22. etienne

    Témoi­gnage poi­gnant, sur la condi­tion ouvrière moderne, à lire :
    « Cas­ser du sucre à la pioche »
    http://​labrique​.net/​i​n​d​e​x​.​p​h​p​/​t​h​e​m​a​t​i​q​u​e​s​/​l​u​t​t​e​-​d​e​s​-​c​l​a​s​s​e​s​/​7​7​4​-​c​a​s​s​e​r​-​d​u​-​s​u​c​r​e​-​a​-​l​a​-​p​i​o​che

    Casser du sucre à la pioche

    DessinCorde2

    Dans la boîte mail de La Brique, un texte de six pages nous est parvenu. 

    Celui d’É­ric, cor­diste. Tra­vaillant dans des endroits dif­fi­ci­le­ment acces­sibles, il nous livre un témoi­gnage édi­fiant sur le bou­lot auquel il est encordé.

    Nous avons publié un extrait de son texte dans La brique n°46, voi­ci l’in­té­gra­li­té de son texte.

    « La vie d’un entre­pre­neur est sou­vent plus dure que celle d’un sala­rié ».
    Emma­nuel Mac®on, huma­niste du début du XXIe siècle.

    « Fin de la pause ! »

    Est-ce que j’ai enten­du ces mots ? J’ouvre les yeux. J’é­merge dou­ce­ment. Tout ce blanc. La réa­li­té revient à moi. Revient en moi. Un coup d’œil à droite. Un coup d’œil à gauche. Sor­tant comme moi de leur léthar­gie, les autres s’a­niment. L’un est assis et regarde autour de lui, l’air hagard. Un autre se relève en mau­gréant. Un troi­sième boit à sa gourde de métal.

    Est-ce que j’ai enten­du ces mots ? Je ne sais pas. D’ha­bi­tude, je les entends c’est sûr, je ne dors pas. Aujourd’­hui, pour la pre­mière fois j’ai som­bré dans le som­meil. Trente secondes ? Dix minutes ? J’en sais rien. Peu importe, faut s’y remettre.

    Nous sommes dix, res­sem­blants, indif­fé­ren­ciés. Dix fan­tômes, com­bi­nai­sons blanches, bottes blanches, casques blancs, fon­dus dans le blanc de ces mon­tagnes de sucre. Fan­tômes silen­cieux. Les bruits sont étouf­fés. Les coups de pioche dans les blocs de sucre font un ploc mat et loin­tain. Le mec à côté, s’il parle nor­ma­le­ment, j’en­tends pas. Au reste, per­sonne ne parle, ou si peu. De loin en loin, spo­ra­di­que­ment, des paroles défor­mées, des mots incom­pré­hen­sibles m’ar­rivent. Mais d’où ? Les sons tournent et courent le long des épais murs de béton. Pres­qu’au­tant que le bou­lot, c’est s’ar­ra­cher à cette atmo­sphère coton­neuse, étouf­fée, étouf­fante, qui est dur.

    Je suis à l’in­té­rieur d’un cylindre de 30 mètres de dia­mètre sur 54 mètres de hau­teur. En plein milieu, une colonne d’en­vi­ron 4 mètres d’é­pais­seur qui monte là-haut sou­te­nir le toit. Le tout en béton peint de cou­leur bleu pâle. La lumière bla­farde de deux énormes lampes achève de lis­ser les vel­léi­tés de contrastes. Au fond de ce cylindre, sur une hau­teur variant de 10 à 15 mètres, res­tent 5000 tonnes de sucre. Il est sen­sé s’é­cou­ler par gra­vi­té, au gré des besoins du condi­tion­ne­ment. Devrait sage­ment glis­ser par les tré­mies, sortes d’en­ton­noirs mou­lés dans l’é­pais­seur du sol, pour être emme­né vers son des­tin de sucre. Mais celui-là, il ne veut pas finir en petit mor­ceaux dans ton café, ou fon­du dans une confi­ture de grand-mère, ou com­plice de l’im­pé­ria­lisme amé­ri­cain, délayé dans du coca-cola. Il renâcle. S’a­grège. Col­mate. Résiste. La force de l’inertie.

    Heu­reu­se­ment, les res­pon­sables de la sucre­rie, qui sont des huma­nistes, ne veulent pas te pri­ver de sucre dans ton café. Ne veulent pas empê­cher ta grand-mère de confec­tion­ner ses confi­tures, seul lien qui la retient à ce peu de vie qui lui reste à vivre. Alors ils envoient au fond du silo une poi­gnée de fan­tômes tout blancs mater le sucre récal­ci­trant, à coups de pioche et de pelle.

    Mais com­ment on entre, là-dedans ?

    Il existe bien deux trappes d’ac­cès, per­cées dans les épaisses parois. Seule­ment, elles sont situées à 1 mètre et 7 mètres du fond. C’est à dire ense­ve­lies par le sucre res­tant. Ultime solu­tion, pas­ser par le haut. En effet, au som­met du silo, dis­po­sées en cercle, se trouvent une ving­taine d’ou­ver­tures, pour le rem­plis­sage. Ce sont des trous d’une cin­quan­taine de cen­ti­mètres de dia­mètre. Ils devien­dront « trous d’homme ».

    L’af­faire est simple.

    On attache deux cordes, une de tra­vail, une de sécu, aux fixa­tions scel­lées dans le mur, on fait pas­ser les cordes dans le trou d’homme, on veille à ce qu’elles des­cendent bien jus­qu’en bas. Cor­diste, c’est notre bou­lot. On a le bau­drier. Mous­que­ton­né au bau­drier, le des­cen­deur. Une fois la corde cor­rec­te­ment enfi­lée dans le des­cen­deur, y a plus qu’à se lais­ser glis­ser jus­qu’en bas. Un matin, à ce moment pré­cis, un ancien me regar­dant opé­rer me dit : « Une année j’é­tais là à regar­der un gars prêt à des­cendre, il avait mal fer­mé son des­cen­deur. J’ai eu juste le temps de le rat­tra­per par le bau­drier. »

    D’ins­tinct, je véri­fie mon des­cen­deur, mon sys­tème anti-chute sur la corde de sécu, puis les 50 mètres de vide sur les­quels je suis assis. Le sys­tème anti-chute empê­che­rait certes le vol pla­né fatal.

    N’en res­te­rait que le choc du « plomb », car on est arrê­té net après quelques mètres, et le trau­ma­tisme d’a­voir évi­té de peu de finir en crêpe. Bon, ceci dit, des­cendre ça va. C’est le côté fête foraine, spé­léo, loi­sir. La remon­tée, j’y reviendrai.

    D’en haut, par le trou, déjà, le spec­tacle est éton­nant. La hau­teur équi­vaut à un immeuble d’une ving­taine d’é­tages. On dis­tingue mal ce qui nous attend. Du blanc. Se laissent devi­ner quelques creux, des bosses.

    Arri­vé en bas, c’est sim­ple­ment sur­réa­liste. Là, les reliefs se maté­ria­lisent. Et quels reliefs ! Devant nous, des mon­tagnes de sucre. Il s’ac­cu­mule davan­tage contre les parois humides, for­mant des pentes abruptes. On est écra­sés par le volume for­mi­dable de ces 5000 tonnes. Éblouis par cette blan­cheur imma­cu­lée. Un temps débous­so­lés par le silence entê­tant du lieu. Les cris­taux brillent à la lumière pour­tant loin­taine des deux halo­gènes. On est au pôle Nord, en pleine Champagne !

    Sur les parois, il reste des croûtes de sucre au formes aléa­toires. On dirait vrai­ment des nuages blancs, sur le fond bleu. C’est dans ces nuages que je me perds, pen­dant les pauses. Allon­gé, bien calé sur ma dune, repo­sant pour un quart d’heure mes lom­baires mal­me­nées. Par­fois, j’y vois une pla­ni­sphère concave aux conti­nents redes­si­nés. Et je m’en­dors, hébé­té par la besogne.

    Tu fabriques des cordes ?
    C’est géné­ra­le­ment la ques­tion qui suis ma réponse quand on me demande ce que je fais dans la vie. Sous-enten­du, comme bou­lot. Non, je ne fabrique pas de cordes. Je les uti­lise. Pour le cor­diste, la corde n’est pas une fina­li­té, ce n’est qu’un moyen d’ac­cès. Pour aller tra­vailler dans les endroits dif­fi­ci­le­ment ou peu acces­sibles. Cela quand les moyens tra­di­tion­nels ne peuvent être mis en place, comme les écha­fau­dages ou les nacelles. Selon les cas, on des­cend, pour tra­vailler debout sur nos pieds, ou alors, le plus sou­vent, on bosse sus­pen­dus, quand la confi­gu­ra­tion l’impose.

    C’est fou ce qu’il est pos­sible de faire, au bout d’une corde d’un cen­ti­mètre de dia­mètre. J’ai déca­la­mi­né des fours d’in­ci­né­ra­teurs à la barre à mine, pas­sé le net­toyeur haute pres­sion à l’in­té­rieur d’une che­mi­née de 80 mètres sur 1,5 mètre de dia­mètre (la plus grosse douche de ma vie), posé des adhé­sifs de signa­li­sa­tion sur des cuves de sto­ckage, rem­pla­cé une des­cente de gout­tière sur un bâti­ment agri­cole, tapé au mar­teau piqueur, dé-join­toyé à la dis­queuse, dépous­sié­ré des silos à grain, rem­pla­cé des vérins, posé des filets anti-pigeons sur une mai­son en ruine…

    Pour moi, le plus inté­res­sant, c’est la maçon­ne­rie. Là, y a un savoir faire. Un avant, un après. Un résul­tat. Arri­ver sur l’im­meuble, éva­luer, opti­mi­ser les des­centes, pur­ger les épau­frures, les cof­frer, maçon­ner, et pour finir, remettre en pein­ture. Voir un pignon ou une che­mi­née en briques pour­ris, faire sau­ter ce qui reste de joints, et les refaire à neuf. Même si les condi­tions de tra­vail sont un peu sen­sibles. Faut faire gaffe de ne rien lais­ser tom­ber sur les ver­rières, sur les voi­tures en sta­tion­ne­ment, sur les gens. On se trim­balle une tonne de matos accro­ché au cul. Per­fo­ra­teur, mar­teau, planches, pied de biche, seau d’eau, seau de mor­tier, truelles, taloche…

    En fai­sant atten­tion de ne pas bous­cu­ler les jar­di­nières de géra­nium sus­pen­dues aux bal­cons, de mettre les pieds sur les vitres, de na pas cou­per la corde sur une arête vive en béton.

    En indus­trie, les exi­gences sont autres. Com­bien de temps fau­dra bos­ser dans ces fours d’in­ci­né­ra­tion de pro­duits ultimes (sol­vants, graisses, huiles…) avant de cho­per un can­cer ? Et de quoi ? Qui va me rem­bour­ser mes godasses qui ont fon­du sur les parois de cet inci­né­ra­teur mesu­rées à 220° ? Com­ment je des­cends de cette char­pente chauf­fée à 50° par la cani­cule, à 20 mètres du sol, sans corde, puisque je suis accro­ché par des sangles (on appelle ça de l’ar­tif) et que je suis dans un état de déshy­dra­ta­tion tel que le moindre geste se trans­forme en crampe ?

    C’est un bou­lot où on s’en­nuie rarement.

    Ambiance.

    Avant d’ar­ri­ver dans le fond idyl­lique du silo, il est des pay­sages moins enchan­teurs à tra­ver­ser. La grosse indus­trie ne réserve que très peu de paren­thèses buco­liques. Ce chan­tier de dés­ilage ayant lieu en avril, l’embauche se fai­sant à 5 heures (du matin), les débuts de jour­nées sont froids et rêches. Dans les envi­rons de Reims le gel est mor­dant pour qui vient de sor­tir du « lit » (sur ça aus­si, je revien­drai). Oh la belle pro­ces­sion de gilets jaunes fluo et de casques qui ser­pente le long des 300 mètres qui séparent le par­king de la sucre­rie ! Des dos cour­bés, des mâchoires cris­pées, les mains dans les poches. La file se rétré­cit au pas­sage du tour­ni­quet. Pre­mier coup de badge. On est qu’à mi-par­cours. Dans le noir, de hautes bâtisses à lon­ger, de bar­bares struc­tures métal­liques au des­sus de nos têtes. Et puis on entre dans un bâti­ment rem­pli de machines hos­tiles, de cuves pan­sues. Par terre, des flaques. D’eau ? Plus loin, s’é­coulent et vont se perdre dans des grilles d’é­gout, des ruis­seaux aux reflets inquié­tants. Accom­pa­gnant un jet de vapeur, un sif­fle­ment sur­ai­gu enfle à mesure qu’on avance. C’est inte­nable, je me bouche les oreilles. Au moins, ça réveille !

    Après un der­nier virage à droite, on sort du bâtiment.

    Et tout à coup, il est là, le silo numé­ro 4.

    Mas­sif. Sombre. Menaçant.

    Sinistre dans l’aube qui peine à venir. Ses vingt et quelques étages fiè­re­ment dres­sés. Gris de béton brut, de béton nu. Triste comme la tour Per­ret, comme Le Havre, comme tout ces lieux défi­gu­rés par la volon­té d’une recons­truc­tion hâtive, rapide, et bon marché.

    On passe la porte métal­lique. Deuxième coup de badge. On est dans le ventre de la bête. J’ins­cris mon nom dans le registre. Pen­dant ces cinq semaines j’au­rai le loi­sir de goû­ter à une vie de man­ne­quin. Ça com­mence au rez de chaus­sée, où il faut enfi­ler blouse, char­lotte et sur-chaussures.

    Après quelques secondes de monte-charge, on enlève le tout arri­vés en haut. Puis faut se des­sa­per, et y en a à enle­ver, c’est qu’il gèle sec dehors, pour enfi­ler la tenue de tra­vail. Vir­gi­nale la tenue : com­bi­nai­son, bottes, char­lotte, casque, le tout d’un blanc imma­cu­lé. Fau­dra tout enle­ver dans 3 heures à la cou­pure. Et remettre blouse, char­lotte propre et sur-chaus­sures qu’on enlè­ve­ra une fois en bas. Et qu’on remet­tra une heure et demie plus tard en reve­nant du par­king. Et qu’on enlè­ve­ra une fois par­ve­nus en haut, pour enfi­ler la tenue de tra­vail… et rebe­lote 3 heures après pour la fin de jour­née. Moi qui ai du mal à chan­ger de fringues une fois par semaine…

    Mais bon, c’est une ques­tion d’hy­giène. Je me suis lais­sé dire que le sucre est un pro­duit alimentaire.

    Et que si jamais tu trou­vais un petit bout de salo­pe­rie dans ton sucrier, tu serais capable de récla­mer un rem­bour­se­ment, rapiat. D’ailleurs la pro­chaine fois que tu me croises, au lieu de faire la gueule, remer­cie-moi de consom­mer du sucre sain et propre. Exempt de tout corps étran­ger, à part peut-être un peu de sueur et de morve. T’in­quiète, contrai­re­ment à du Mac-do, ça ne te tue­ra pas.

    A la véri­té, le sucre qu’on extrait part à la refonte. C’est à dire qu’il est trans­for­mé en sirop, et passe dans un car­bo, grande cuve dans laquelle les impu­re­tés res­tent en sur­face, et peuvent ain­si être sépa­rées de la pré­cieuse matière. Par ailleurs, les condi­tions d’ac­cès sont assez dras­tiques : pas de montre, de bijou, d’ob­jet en verre, de pier­cing, d’au­to­col­lant. Pas la moindre sorte d’adhé­sif sus­cep­tible de se déta­cher. On nous fait même enle­ver pré­ven­ti­ve­ment les éti­quettes col­lées à l’in­té­rieur des combinaisons.

    Ras­su­ré ?

    Après l’ef­fort, l’effort.

    Le temps est rigou­reu­se­ment décou­pé. Deux ses­sions de trois heures cha­cune, le maxi­mum de temps auto­ri­sé en milieu confi­né. Une pause d’un quart d’heure, au fond du silo nous est octroyée au milieu de chaque ses­sion. Durant ces trois heures, pas de pipi, pas de caca. Que de la pelle et de la pioche.

    Le sucre, ça paraît sym­pa, à l’aune du kilo qu’on achète, sans y pen­ser. Le sucre par paquets de 5000 tonnes, com­pac­té, col­ma­té, ren­du dur comme du ciment par l’hu­mi­di­té, ça devient hos­tile. La quan­ti­té en elle même est déses­pé­rante. Com­ment croire qu’on va réus­sir, à dix ou douze bon­hommes, à faire sor­tir tout ça, à la force des bras ? Après des heures de pioche et de pelle, j’ai l’im­pres­sion de n’a­voir rien fait. La masse est tou­jours aus­si inno­cem­ment blanche, aus­si mons­trueu­se­ment volu­mi­neuse, devant comme der­rière, comme par­tout. Je n’ai pas l’im­pres­sion d’a­voir avan­cé. Je me demande si j’ai tra­vaillé. Vou­loir vider la mer, avec une petite cuillère, ou avec un seau, c’est une entre­prise qui rend fou.

    Pour­tant, dans ma vie, j’ai pio­ché, j’ai creu­sé. Pour construire ma mai­son, j’en ai enle­vé des tonnes de terre, de glaise bien col­lante. Me suis achar­né sur les blocs rétifs d’an­ciennes fon­da­tions. Pei­né à mon­ter la brouette lourde comme un che­val mort, en équi­libre sur un bas­taing, pour la vider dans une remorque agri­cole. Aus­si bien sous la pluie que dans le froid, quel­que­fois les deux. Tou­te­fois, après des heures d’ef­fort, des jours entiers d’a­char­ne­ment, la fon­da­tion appa­rais­sait, creu­sée, des­si­née comme pré­vu, féraillée, tan­gible. La récom­pense vien­drait un de ces jours pro­chains, avec la dalle fraî­che­ment cou­lée. Plane et lui­sante comme une mer d’huile. Puis sur ce socle, bien­tôt les pre­miers rangs de par­paings, etc, jus­qu’au jour venu du repos bien méri­té au coin de la che­mi­née… quelques années plus tard.

    Là, point d’es­poir sem­blable. A cer­tains endroits, chaque coup de pioche har­gneux ne détache qu’un petit éclat déses­pé­rant. Chaque heure est infi­ni­ment iden­tique à l’heure pré­cé­dente. Chaque jour res­sem­blant au jour d’a­vant. Sisyphe les pieds dans le glucose.

    Si dehors il fait froid, ce n’est pas le cas dedans. Une heure ne s’est pas écou­lée depuis la pre­mière pel­le­tée qu’on est trem­pés de trans­pi­ra­tion. L’eau, seule et unique bois­son auto­ri­sée, de la gourde en alu ne fait pas long feu. D’au­tant que la pous­sière de sucre que l’on libère à chaque coup pioche achève de nous assoif­fer. Sa deuxième fonc­tion est de venir se col­ler sur toutes les par­ties mouillées par la sueur.

    DessinCorde2

    La douche, ça se mérite.

    Ah, la pioche ! C’est un peu grâce à moi que cha­cun en tient une dans les mains. Pour ma pre­mière des­cente, il m’a­vait été confié une houe. Outil léger et maniable, certes, mais tout juste bon à grat­touiller de la terre meuble. Des­ti­née à la masse com­pacte qui nous nargue sous nos pieds, elle est un crime contre l’hu­ma­ni­té ouvrière. En remon­tant j’in­ter­pelle le chef d’é­quipe : « Je veux bien taper du sucre tant que tu veux, mais va me fal­loir une pioche. La houe c’est de la bran­lette, dans six mois on est encore là ». Y en n’a­vait que trois, pour dix bon­hommes. Léger. Deux jour après, un paquet de pioches flam­bant neuves nous atten­daient, même pas encore emman­chées. On allait pou­voir bos­ser. Sauf que pour la majo­ri­té des gars, âgés 20 à 26 ans, un tel outil, c’est l’in­con­nu pesant et hos­tile. J’ai bien vu qu’à leur façon de s’en ser­vir, ils n’al­laient pas résis­ter long­temps. A chaque remon­tée, les plaintes s’ad­di­tion­naient. Mal au dos, aux reins, dans les épaules, les poi­gnets, les bras, les mains engour­dies. A l’é­cole, on leur avait appris à conju­guer le verbe pio­cher à tous les temps, mais pas à se ser­vir de l’ins­tru­ment. Moi qui pour­rait être leur père, j’ai ten­té de leur expli­quer un peu, pris de pitié de les voir se mas­sa­crer les abat­tis et les ver­tèbres si jeunes. Gestes à l’ap­pui je me lance : « C’est simple, tout le temps que tu sou­lèves ta pioche, tu la gardes le plus près du corps. Un poids de dix kilos contre ta poi­trine, puis à bout de bras ten­dus devant toi, quand est-ce qu’il est le plus lourd ? Ben voi­là, t’as com­pris. Tu places une main au plus près du fer, pour la même rai­son. Tu sou­lèves à la ver­ti­cale loin au des­sus de ta tête, en fai­sant glis­ser tes mains en bout de manche. Tu donnes une petite impul­sion, et là tu l’a­bats. Le plus loin de toi pos­sible, pour gagner du couple et de la vitesse. Une demie seconde après l’im­pact tu tires vers toi, en pro­fi­tant de l’é­lan, et tu recom­mences. Du coup, c’est pas toi qui bosse, c’est ton outil ».

    Je ne dois pas être un bon péda­gogue, parce que dans le tas, il n’y a guère que Maxime qui ait appli­qué la méthode. Mais bon, il s’en est don­né à coeur joie. Fal­lait le voir taper. Ça fait plaisir.

    Il n’en reste pas moins que bonne uti­li­sa­tion ou pas, pio­cher des heures, ça crève. D’au­tant que ce que tu as cas­sé, il faut le pel­le­ter pour le balan­cer plus bas. Et là, chaque kilo, tu le portes.

    C’est pour cette rai­son que la phrase « c’est la pause » devient une déli­vrance. Comme un seul, les dix corps en sur­chauffe s’af­falent dans le sucre. Pen­dant quinze minutes, pas un bruit, pas un geste.

    Il n’y même pas de bruits de fond, iso­lés que nous sommes dans notre car­can de béton.

    Ce ter­ras­se­ment inces­sant, c’est l’effort.
    Le pur­ga­toire, c’est la cou­pure de la mi-jour­née. A huit heures !

    Le para­dis c’est la fin de jour­née, à midi trente. Afin d’at­teindre l’un et l’autre, sub­siste un léger détail à sur­mon­ter. Au des­sus de nos têtes, tout le long de la corde qui remonte jus­qu’au trou d’homme, les cin­quante mètres de vide. Qu’il va bien fal­loir lais­ser en des­sous de nous.

    Cette remon­tée inévi­table, c’est encore l’effort.

    Au signal, c’est par­ti. Ne rien lais­ser traî­ner. Les trappes de vidage vont s’ou­vrir durant notre absence. Vite, atta­cher pelle et pioche au bau­drier. Défaire le des­cen­deur, pas­ser la corde dans le blo­queur ven­tral, mettre en place le blo­queur de poi­gnée, lui adjoindre la pédale reliée au pied. Une fois l’é­las­ti­ci­té de la corde ava­lée, on décolle du sol. Mon­ter bien haut la poi­gnée, pous­ser sur les pieds pour ame­ner le blo­queur ven­tral au plus haut, et puis… recom­men­cer. Par à‑coups de 50, 60 cen­ti­mètres, ça va être long. Mal­gré la fatigue, et celle qui s’a­joute au fil de la remon­tée, je force. Le temps de pause en dépend. Le gars qui pas­se­rait une heure sur sa corde, ver­rait sa cou­pure gri­gno­tée d’au­tant. Alors on en met tous un coup. Cha­cun à sa manière. Cer­tains enta­mant des rushes effré­nés pour pau­ser un peu plus haut, anéan­tis, avant de repar­tir. Moi plu­tôt en mode métro­nome, pas rapide mais régu­lier, sans arrêt. Mais que les der­nier mètres sont durs ! Arri­vés au bord du trou, avec juste les épaules qui dépassent au niveau du sol, la trans­pi­ra­tion gout­tant dans les yeux, les bras téta­ni­sés, les qua­dri­ceps en feu, hale­tant comme une vieille loco­mo­tive, il faut don­ner un ultime coup de rein, pour retrou­ver le béton ferme.

    Un peu chan­ce­lant, aus­si brillant de sueur qu’à l’ar­ri­vée d’un semi-mara­thon, je me débar­rasse de cette putain de com­bi, de ces putains de bottes, je pose mon tee-shirt détrem­pé et fumant sur la bar­rière de bali­sage (fau­drait pas que quel­qu’un tombe dans le trou).

    Il faut avoir vu une dizaine de cor­distes, en cale­çon, le muscle encore pal­pi­tant d’ef­fort sous la peau, écu­mants de trans­pi­ra­tion, tendre vers le Graal de la pause et son corol­laire de bouffe répa­ra­trice et de bois­sons recons­ti­tuantes. Célia, la res­pon­sable hygiène et sécu­ri­té, qui nous a accueillis le pre­mier jour, ne s’y trompe pas. Elle choi­sit ce moment où nous émer­geons hagards, pour une petite visite tout en haut du silo, entraî­nant dans son sillage sa sta­giaire. Peut-être vient-elle faire le plein d’i­mages, de sen­sa­tions, de frô­le­ments, en vue d’en­tre­te­nir sa libi­do. Si c’est le cas, je ne serai pas dans ses rêve­ries éro­tiques. Mes 45 balais ont fait glis­ser son regard vers des chairs plus fermes et plus fraîches.

    Dans le monte-charge, qui des­cend cette fois, on s’en­tasse à quatre dans un mètre car­ré. Cette pro­mis­cui­té ne laisse pas la moindre chance aux faux-sem­blants. Des traits tirés, des yeux vides. Nos silences qui se mélangent, qui s’ad­di­tionnent, pour n’en faire plus qu’un seul. Je prends la mesure de l’étymologie du mot tra­vail, ins­tru­ment de torture.

    « Ce poste n’est pas à risques selon articles du code tra­vail en vigueur (dont L.4154–2) »
    Sur chaque contrat que je reçois de ma boite d’in­té­rim, cette phrase revient, leit­mo­tiv entê­tant des­ti­né à éteindre toute vel­léi­té de demande de prime de risques, selon moi. L’ar­ticle L.4154–2 dit ceci : « Lors­qu’il est fait appel, en vue de l’exé­cu­tion de tra­vaux urgents néces­si­tés par des mesures de sécu­ri­té, à des sala­riés tem­po­raires déjà dotés de la qua­li­fi­ca­tion néces­saire à cette inter­ven­tion, le chef de l’en­tre­prise uti­li­sa­trice leur donne toutes les infor­ma­tions néces­saires sur les par­ti­cu­la­ri­tés de l’en­tre­prise et de son envi­ron­ne­ment sus­cep­tibles d’a­voir une inci­dence sur leur sécu­ri­té ». Ouais.

    En gros, puis­qu’on est for­més aux risques, et qu’on est cou­rant qu’il existe des risques, ben y a plus de risques.

    Le com­por­te­ment des res­pon­sables et des agents de pro­duc­tion de la sucre­rie, ain­si que cer­taines paroles attra­pées de-ci de-là m’ont mis la puce à l’o­reille. Alors, un après-midi, j’ai cher­ché sur inter­net, à la média­thèque de Bazan­court. Je n’ai pas été déçu.

    En 2012, deux cor­distes sont morts dans le silo où nous offi­cions. Quel­que­fois une couche de sucre dur­ci forme un dôme, au des­sus d’un vide, dû à l’é­cou­le­ment, effec­tué par en des­sous. Les deux gars étaient posés sur un de ces dômes, jus­qu’à ce qu’il s’ef­fondre, les entraî­nant dans sa chute. Le fait d’être encor­dés ne les a pas sau­vés. Avant de se tendre, l’élasticité de la corde les a fait des­cendre de quelques mètres. Des tonnes de sucre les ont ensevelis.

    En 2010, sur un autre site pas loin de là, un cor­diste de la même entre­prise s’est griè­ve­ment bles­sé en tom­bant de quinze mètres en chute libre. Son noeud d’a­mar­rage se serait défait.

    En 2010 encore, un sai­son­nier est tom­bé du haut de notre silo 4, cette fois à l’ex­té­rieur. En l’occurrence, rien à voir avec le tra­vail de cor­diste. Acci­dent ou sui­cide ? Je n’ai pas réus­si à en savoir plus.

    Les der­nières sta­tis­tiques dis­po­nibles de l’Ins­ti­tut Natio­nal de Recherche et de Sécu­ri­té indiquent un total de 530 morts au tra­vail pour l’an­née 2014. Ont-ils eu droit à des hom­mages natio­naux, des céré­mo­nies offi­cielles, des bat­tages média­tiques, des légions d’hon­neur à titre post­hume ? À des « je suis tra­vailleur » ? Aux flammes de bou­gies vacillantes sur le pavé mouillé ?

    Tra­vailler tue, dans l’indifférence.

    Le par­king.

    C’est le point de ral­lie­ment. Le point de ren­dez-vous avant d’en­trer dans la sucre­rie. Il consti­tue éga­le­ment le point de repli pour la pause de la mi-jour­née, et la fin de jour­née. La plu­part de mes col­lègues n’y passent que quelques minutes en ces deux occa­sions. Ils ont loué col­lec­ti­ve­ment un gîte rural à quelques kilo­mètres de là. La boite qui nous emploie pour ce chan­tier est basée dans le nord. Deux cent kilo­mètres les séparent de chez eux. C’est à peu près mon cas éga­le­ment. Mais d’autres viennent de plus loin, beau­coup plus loin. Les plaques miné­ra­lo­giques de leurs véhi­cules, ali­gnés sur le par­king témoignent de cet exo­tisme : 35, 72, 24, 13… Pour ma part, je ne vis et ne dors sur ce par­king que durant la semaine. J’ai la chance de pou­voir ren­trer pour le week-end en mes foyers. J’ai aus­si le pri­vi­lège de vivre rela­ti­ve­ment confor­ta­ble­ment. Je pos­sède une camion­nette que j’ai som­mai­re­ment amé­na­gée. Une ancienne porte en guise de lit, un mate­las Emmaüs, un réchaud de cam­ping, une gla­cière et quelques gamelles. Mon iso­la­tion est à ce point suc­cincte que le ther­mo­mètre inté­rieur affiche arro­gam­ment ‑2° cer­tains matins. Les autres, par­mi ceux qui viennent de loin, pas­se­ront 5, 6 ou 7 semaines à vivo­ter dans leur voi­ture. Que ce soit dans une 306 break, un Jum­py ou un Nis­san Ter­ra­no, ce n’est pas le grand luxe. Faut voir le caphar­naüm dans les bagnoles !

    Comme moi, les gaillards veulent pro­fi­ter à plein de la prime jour­na­lière de grand dépla­ce­ment. 55 euros qu’il serait dom­mage d’en­ta­mer pour des conne­ries subal­ternes comme un héber­ge­ment. On est donc cinq ou six, la plu­part du temps, à squat­ter ce bout de maca­dam, avec les bâti­ments aus­tères de l’u­sine pour unique hori­zon, le ron­ron­ne­ment conti­nu de son refroi­dis­seur pour unique chanson.

    À la pause de huit heures, cha­cun retourne à son véhi­cule pour se poser, se res­tau­rer après le bou­lot de galé­rien du matin. Une fois recons­ti­tués, on fait quelques pas, une rou­lée à la main. Des paquets de tabac conci­liants dépannent les impré­voyants. Ceux-ci ren­dront la pareille la semaine prochaine.

    On échange quelques mots. Banals. Des mots de besogneux.

    Abat­tus par la besogne.
    Je fais du thé. Avec la menthe fraîche du jar­din. J’en pro­pose, ils acceptent. Une fois. Deux fois. Dès lors, le rituel devien­dra immuable. Désor­mais, une fois ras­sa­siés, les copains s’ap­prochent de mon bahut, un mug à la main. Au fil des jours et des semaines, les conver­sa­tions s’é­loignent du bou­lot et de l’usine.

    Erwann, ancien mili­taire, avait ache­té un res­to, dans son coin de Bre­tagne. Il nous raconte la faillite, entraî­nant le divorce. Qu’il vit sans adresse fixe, pour échap­per aux rapaces. Nous raconte son chien qu’il a fal­lu don­ner. Mais comme le nou­veau maître n’a pas encore fait les papiers à son nom, c’est lui, Erwann, qui reçoit les coup de fil quand le clebs se sauve et fait des conne­ries. Avec ses 40 ans, il est le seul « vieux » (à part moi) dans le fond du silo. On ne le ver­ra pas long­temps. Il aura tenu 5 jours.

    Rémi a 21 ans. Il vient du côté du Mans. On ne sau­ra pas grand-chose de lui. Il ne se joint qu’é­pi­so­di­que­ment au rituel du thé. Ne parle pas beaucoup.

    Qu’à cela ne tienne, Mat­téo le Mar­seillais parle pour lui ! Il bosse afin de mettre suf­fi­sam­ment de fric de côté pour par­tir. Une fois c’est au Cos­ta Rica, une autre au Vene­zue­la. Nous parle de son petit frère. Des fois il a 8 ans. Des fois 11.

    Il y a Maxime aus­si. Il vit, quand il n’est pas pas coin­cé sur un par­king à Bazan­court, dans un bus amé­na­gé du côté de Ber­ge­rac, sur un ter­rain en vague col­lec­ti­vi­té. Il cherche un autre ter­rain, pour lui et son bus, afin d’y lan­cer son grand pro­jet : la per­ma­cul­ture. Avant ça il va fal­loir qu’il résolve les pro­blèmes de sa copine, vic­time d’une agres­sion sexuelle, avant de le rencontrer.

    Appa­rem­ment, la vie n’est facile pour personne.

    Au fil des semaines, la météo se fait plus conci­liante. Le soleil s’im­pose sur le gel cas­sant du petit matin. Quand on revient de l’u­sine, après la douche, les ser­viettes sèchent sur les por­tières ouvertes. Les tee-shirts, les cale­çons, les chaus­settes imbi­bés de sueur, sur les capots. Les réchauds sont posés à même le bitume. Mal­gré l’a­vril, on se découvre d’un fil. Mat­téo détient la palme en se pro­me­nant torse-nu, pieds-nus, avec un joli cal­but à fleurs sur le cul. Et pen­dant ce temps, devant ce camp de manouches, passent dans un sens et dans l’autre, les per­son­nels per­ma­nents de la sucre­rie. Par­mi eux, les employés de main­te­nance et de pro­duc­tion, le peu qu’il reste, nous saluent. La plu­part des autres ne daignent seule­ment pas tour­ner la tête. Frac­ture entre le ter­rain et les bureaux. Entre le cadre et le labo­rieux. Cha­cun repro­chant à l’autre de n’être que ce qu’il est. Frac­ture béante sur laquelle s’é­cha­faudent les cal­culs poli­tiques, par­don, élec­to­ra­listes, des poli­ti­cards qui n’ont comme seul hori­zon que le scru­tin à venir. Il faut les excu­ser, ils en vivent.

    Voi­là, ma petite his­toire ordi­naire arrive à son terme.

    Pas de conclu­sion, Pas de morale. Je ne suis pas jour­na­liste ni sociologue.

    Je suis ouvrier.

    Demain, je retourne bosser.

    Eric Louis

    Source : http://​labrique​.net/​i​n​d​e​x​.​p​h​p​/​t​h​e​m​a​t​i​q​u​e​s​/​l​u​t​t​e​-​d​e​s​-​c​l​a​s​s​e​s​/​7​7​4​-​c​a​s​s​e​r​-​d​u​-​s​u​c​r​e​-​a​-​l​a​-​p​i​o​che

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  23. etienne

    Un Minis­tère Amer – « Je vais bien »
    httpv://youtu.be/WIrOavt9CiM

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