Faut-il fixer des limites géographiques de l’Europe ? Si OUI, lesquelles ?
Pour répondre à ces questions, il peut être utile de révéler la crainte sous-jacente : l’élargissement peut être un frein puissant à l’appronfidissement si toujours plus de protagonistes ayant des conceptions toujours plus incompatibles essayent de cohabiter dans la même maison commune.
La question est à l’assurance fondamentale. La réponse parait un peu trop simple. S’il suffit de stopper l’élargissement pour procéder à l’approfondissement, pourquoi celui-ci n’est il pas intervenu plus tôt ? Qui fixe une règle selon laquelle l’Angleterre ou la France sont définitivements des pays europhiles et dignes d’accéder à l’Union tandis que la République Tchèque ou la Turquie ne le seraient pas ? La question est difficile. Mais au fait, qu’en pensaient les pères fondateurs ? Pour le savoir, plongeons nous dans la déclaration Monnet/Schuman du 9 mai 1950 :
Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne. [...] Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe. [...] L'établissement de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer
C’est tout à fait intentionellement que l’Europe qu’espère construire Jean Monnet ne se fixe pas de frontières, concept hérité de l’État-Nation et qui via le nationalisme, déviance malheureusement fréquente de l’idéal national, l’histoire l’a prouvé, a été un facteur déclencheur de tant de guerres.
Cette conception est également frappante dans la symbolique du drapeau européen qui comme le précise Wikipédia, est un cercle, symbole entre autres d’unité, de solidarité et d’harmonie. Les pointes des étoiles ne se touchent pas, le cercle reste donc ouvert, ce qui signifie que l’Europe ne constitue pas une société close, mais s’ouvre au contraire sur le monde.
La solution simpliste et impraticable de fixer des frontières définitives à l’Europe apparait donc comme une erreur historique et une négation de l’histoire de la construction européenne. En revanche la question sous-jacente (éviter la dilution dans un ventre mou indéfini) est très pertinente.
Pour la traiter convenablement, il suffit de combiner deux principes :
- ne pas élaborer une Constitution à minima, mais oser au contraire d’affirmer clairement une orientation fédéraliste et un socle de valeurs suffisant pour assurer la cohérence de l’ensemble, quel que soit sa taille ;
- s’en remettre au sage conseil de Monnet/Schuman, et déclarer l’Europe ouverte à tous les pays qui voudront y participer
Discussion : ces deux points sont liés entre eux et sont également liés à la question de la ratification et notamment au non-maintien de la règle de ratification à l’unanimité, qui pour conserver coûte que coûte dans l’Union des pays qui ne veulent plus réellement participer à cette aventure commune, produit nécessairement un accord à minima qui par nature contente très peu de monde et pêche par un manque d’ambitions structurel. Il importe de briser ce tabou. Par exemple, avec un Référendum pan-européen tel que le décrit cet article qui ne requiererait plus qu’une ratification à la majorité tout en permettant aux pays soucieux de conserver une souveraineté nationale absolue de se retirer en douceur et sans pleurs de l’Europe dans le cadre d’un partenériat privilégié.
Bref, laissons les peuples décider s’ils se sentent réellement prêts à partager une aventure commune et alors peu importe que l’Europe compte 10,20 ou 30 membres.