Articles du blog

Les derniers articles du blog

Pour Ainsi Dire – 39 – Conversation avec Étienne Chouard : 5. Monnaie

Nos dis­cus­sions conti­nuent, éton­nantes, enri­chis­santes (à mon goût), entre un liber­ta­rien anar-capi­ta­liste et un démo­crate key­né­sien Cette fois-ci, on s’empaille (sans mal­veillance) sur le sujet cen­tral de la mon­naie. Vos com­men­taires sont sou­vent très inté­res­sants (sur la chaine You­Tube, sur le blog, sur Twit­ter X et ailleurs), mer­ci à tous pour votre intel­li­gence construc­tive, sou­vent dévouée à la jus­tice et à la paix, avec cha­cun son chemin…

lire plus

Interdit d’interdire – Le référendum d’initiative citoyenne en débat [Vidéo supprimée ou censurée]

Cette vidéo impor­tante (de jan­vier 2019) ayant com­plè­te­ment dis­pa­ru du web, je la repu­blie ici, sur ma propre chaîne You­tube : https://www.youtube.com/watch?v=o‑wi2AxMod4 Aus­si­tôt recen­su­rée par You­Tube 🙄, il fau­dra aller sur Ody­see pour la voir : Sur le Blog, je l’an­non­çais ici : https://​www​.chouard​.org/​2​0​1​9​/​0​1​/​0​6​/in… Invi­té chez Tad­déï, sur RT France (Inter­dit d’Interdire en direct de 19 h à 20 h), pour défendre le RIC et les #Gilets­Jau­nes­Cons­ti­tuants, face à une per­son­na­li­té (prof…

lire plus

Pour Ainsi Dire – 39 – Conversation avec Étienne Chouard : 4. Propriété Privée

Chers amis, Je viens de pas­ser un bon moment, à nou­veau, avec deux per­sonnes (Laurent et Domi­nique) qui pensent presque tout dif­fé­rem­ment de moi (tous les deux sont farou­che­ment oppo­sés à l’i­dée d’un État char­gé de défendre l’in­té­rêt géné­ral, concept dont ils réfutent même l’exis­tence) mais sans mal­veillance, ce qui nous per­met à tous de pro­gres­ser. Cette fois, on essaie de se concen­trer sur LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE : Peut-elle ou même doit-elle être…

lire plus

Tous les articles du blog

For­mat grille – For­mat articles complets

[Vidéo censurée partout. À enregistrer] Inutile de discuter des lois si vous négligez de reprendre la souveraineté monétaire aux banques commerciales

Pas de souveraineté politique sans souveraineté monétaire.

Thèse sui­vie de quelques expli­ca­tions sur l’im­por­tance de cette réflexion contre toutes les formes de fascisme.
Bon cou­rage à tous contre la cen­sure qui vient.
Étienne.
Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :

https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​8​6​7​7​0​2​6​4​5​2​317

Etienne Chouard avec les Gilets Jaunes « canal historique », au péage du Pont-de‑l’Etoile, 9 déc. 2018.

https://​you​tu​.be/​v​a​y​9​D​Z​_​c​E​i​s​&​f​e​a​t​u​r​e​=​y​o​u​t​u​.be
Cette (impor­tante) vidéo a été cen­su­rée à peu près par­tout, sur You­tube et sur Face­book notamment.
J’es­saie de la repu­blier sur ma chaîne You­tube (qua­si en som­meil jus­qu’i­ci), mais sans me faire trop d’illu­sions : en même temps que le couvre-feu, la cen­sure se déchaîne dans le régime Macron.
Les vrais résis­tants vont sans doute devoir migrer en urgence sur des sites pro­té­gés de la censure.
On retrouve ici (dans l’am­biance for­mi­dable des klaxons joyeux qui a régné sur tous les péages libé­rés pen­dant des mois) les enjeux essen­tiels de ce qui s’est joué avec le mou­ve­ment des gilets jaunes.
Mer­ci à tous pour vos mes­sages, très émouvants.
Étienne.
PS : « canal his­to­rique » signi­fie « résis­tance d’o­ri­gine, pas encore pol­luée par les politiciens ».
Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :

https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​8​6​7​5​1​9​2​2​3​7​317

Réfléchissez : QUI a institué notre impuissance populaire en présence d’un président arbitraire et cruel ?


Cher­chez la cause des causes.
QUI a écrit l’ab­sence de limites pour un « pré­sident » qui pré­ten­drait nous impo­ser un couvre-feu sans rai­son valable ?
QUI a ins­ti­tué notre impuis­sance popu­laire devant un pré­sident arbi­traire et cruel ?
C’EST LE PRÉSIDENT DE L’ÉPOQUE.
En 1958, de Gaulle s’est fait écrire (par ses hommes de main, Debré notam­ment) une « consti­tu­tion » sur mesure, pour ne craindre à l’a­ve­nir aucune limite sérieuse.
Réfléchissez.
Est-ce que ce fait (l’au­teur de la toute-puis­­sance d’un pré­sident est le pré­sident lui-même, avec ses com­plices) n’explique pas par­fai­te­ment notre impuis­sance actuelle devant l’arbitraire ?
CE N’EST PAS AUX HOMMES AU POUVOIR D’ÉCRIRE LES RÈGLES DU POUVOIR.
Des citoyens dignes de ce nom ne lais­se­raient pas écrire les règles de leur repré­sen­ta­tion par des représentants.

Par ailleurs, si nous les lais­sons faire, ils iront pro­gres­si­ve­ment jusqu’au pire, jusqu’à l’inconcevable. Mais c’est sur­tout de NOTRE FAUTE, nous qui res­tons là sans oppo­ser AUCUNE RÉSISTANCE SÉRIEUSE.
• Anselme Bel­le­gar­rigue : « Vous avez cru jusqu’à ce jour qu’il y avait des tyrans ? Eh bien ! Vous vous êtes trom­pés, il n’y a que des esclaves : là où nul n’obéit, per­sonne ne commande. »

https://​www​.chouard​.org/​b​l​o​g​/​2​0​1​4​/​1​0​/​2​0​/​a​n​s​e​l​m​e​–​b​e​l​l​e​g​a​r​r​i​g​u​e​–​v​o​u​s​–​a​v​e​z​–​c​r​u​–​j​u​s​q​u​a​–​c​e​–​j​o​u​r​–​q​u​i​l​–​y​–​a​v​a​i​t​–​d​e​s​–​t​y​r​a​n​s​–​e​h​–​b​i​e​n​–​v​o​u​s​–​v​o​u​s​–​e​t​e​s​–​t​r​o​m​p​e​s​–​i​l​–​n​y​–​a​–​q​u​e​–​d​e​s​–​e​s​c​l​a​v​e​s​–​l​a​–​o​u​–​n​u​l​–​n​o​b​e​i​t​–​p​e​r​s​o​n​n​e​–​n​e​–​c​o​m​m​a​nde


Et à tous ceux qui pro­testent ce matin contre une « erreur gros­sière » de la macro­nie, je rap­pelle ceci :
Les poli­ti­ciens ne sont pas incom­pé­tents : ils sont intel­li­gents ET CORROMPUS ; ils font leur job, par­fai­te­ment, contre l’intérêt géné­ral et pour les riches, qui les ont por­tés au pou­voir pré­ci­sé­ment pour ça. Dire qu’ils sont « incom­pé­tents » empêche de diag­nos­ti­quer la TRAHISON.

• Napo­léon Bona­parte. : « Lors­qu’un gou­ver­ne­ment est dépen­dant des ban­quiers pour l’argent, ce sont ces der­niers, et non les diri­geants du gou­ver­ne­ment qui contrôlent la situa­tion, puisque la main qui donne est au-des­­sus de la main qui reçoit. L’argent n’a pas de patrie ; les finan­ciers n’ont pas de patrio­tisme et n’ont pas de décence ; leur unique objec­tif est le gain. »
En effet, LES RICHES N’ONT PAS DE PATRIE. Leur patrie c’est l’argent. Les riches ven­draient tous les biens publics à des puis­sances étran­gères mal­veillantes pour accu­mu­ler encore plus d’argent. On a des preuves de ces tra­hi­sons tous les jours.
Une socié­té bien orga­ni­sée devrait empê­cher qui­conque de deve­nir trop riche. Il est rai­son­nable de consi­dé­rer les ultra-riches comme des étran­gers hos­tiles, des acca­pa­reurs, des colons, des tyrans, des voleurs, des enne­mis du peuple.
Il est plus que temps de se mettre au tra­vail pour apprendre à ins­ti­tuer nous-mêmes notre puis­sance poli­tique durable, pour nous défendre contre les tyrans, non ?
Étienne.
Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :

https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​8​6​7​2​2​6​6​4​3​7​317

[Film formidable mais ultra-censuré] DÉDALE, UN FIL VERS LA DÉMOCRATIE (2013)

Ce matin, je vois pas­ser, sur une pla­te­forme que je ne connais pas, un film for­mi­dable, impor­tant, datant de 2013 et com­plè­te­ment CENSURÉ depuis.

Son titre est DÉDALE, UN FIL VERS LA DÉMOCRATIE.

Je ne sais pas com­bien de temps il res­te­ra visible ici, mais vous devriez en pro­fi­ter pour le voir (et l’en­re­gis­trer si c’est pos­sible ?) avant qu’il ne dis­pa­raisse à nouveau.

C’est une enquête pas­sion­nante sur le car­nage de la Grèce par l’UE, le FMI et la BM pour le compte des ban­quiers (ce car­nage est notre futur à nous aus­si si nous res­tons inac­tifs), avec un assem­blage inédit, très effi­cace, d’en­quêtes de ter­rain et d’a­na­lyses ins­ti­tu­tion­nelles des causes pre­mières du carnage.

À connaître et à faire connaître.

Étienne.

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://​face​book​.com/​s​t​o​r​y​.​p​h​p​?​s​t​o​r​y​_​f​b​i​d​=​1​0​1​5​8​6​1​7​2​9​7​8​5​2​3​1​7​&​i​d​=​6​0​0​9​2​2​316

[Remarquable synthèse de l’horreur que nous acceptons en restant silencieux] Le désastre de l’ingénierie de l’utopie – par Chris Hedges [Ceci dit, toutes les utopies ne se valent pas]

Le désastre de l’ingénierie de l’utopie – par Chris Hedges

Source : Tru­th­dig, Chris Hedges

Karl Pop­per, dans « The Open Socie­ty and Its Ene­mies », met en garde contre l’ingénierie uto­pique, les trans­for­ma­tions sociales mas­sives menées par ceux qui croient avoir trou­vé une véri­té révé­lée. Ces ingé­nieurs uto­pistes pro­cèdent à la des­truc­tion mas­sive de sys­tèmes, d’institutions et de struc­tures sociales et cultu­relles dans un vain effort pour réa­li­ser leur vision. Ce fai­sant, ils déman­tèlent les méca­nismes auto­ré­gu­la­teurs des réformes pro­gres­sives et frag­men­taires qui font obs­tacle à cette vision. L’histoire regorge d’utopistes désas­treux – les Jaco­bins, les mar­xistes, les fas­cistes et main­te­nant, à notre époque, les mon­dia­listes ou les impé­ria­listes néolibéraux.

L’idéologie du néo­li­bé­ra­lisme, qui n’a aucun sens éco­no­mique et qui exige une igno­rance déli­bé­rée de l’histoire sociale et éco­no­mique, est la der­nière ité­ra­tion de pro­jets uto­piques. Elle pos­tule que la socié­té humaine atteint son apo­gée lorsque les actions entre­pre­neu­riales indi­vi­duelles sont libé­rées des contraintes gou­ver­ne­men­tales. La socié­té et la culture devraient être dic­tées par la pri­mau­té des droits de pro­prié­té, l’ouverture du com­merce – qui envoie des emplois manu­fac­tu­riers dans des ate­liers clan­des­tins en Chine et dans le Sud et per­met la cir­cu­la­tion de l’argent à tra­vers les fron­tières – et des mar­chés mon­diaux sans entraves. Les mar­chés du tra­vail et des pro­duits devraient être déré­gle­men­tés et libé­rés de la sur­veillance gou­ver­ne­men­tale. Les finan­ciers mon­diaux devraient se voir confier le contrôle des éco­no­mies des États-nations. Le rôle de l’État devrait être réduit à garan­tir la qua­li­té et l’intégrité de l’argent, ain­si que la sécu­ri­té inté­rieure et exté­rieure, et à pri­va­ti­ser le contrôle des terres, de l’eau, des ser­vices publics, de l’éducation et des ser­vices gou­ver­ne­men­taux tels que les ser­vices de ren­sei­gne­ments et sou­vent l’armée, les pri­sons, les soins de san­té et la ges­tion des res­sources natu­relles. Le néo­li­bé­ra­lisme conver­tit le capi­ta­lisme en une idole religieuse.

Cette vision uto­pique du mar­ché, bien sûr, n’a aucun rap­port avec sa réa­li­té. Les capi­ta­listes détestent les mar­chés libres. Ils cherchent à contrô­ler les mar­chés par le biais de fusions et d’acquisitions, en rache­tant la concur­rence. Ils saturent la culture avec de la publi­ci­té pour mani­pu­ler les goûts et la consom­ma­tion du public. Ils se livrent à la fixa­tion des prix. Ils construisent des mono­poles inat­ta­quables. Ils mettent en place, sans contrôle ni sur­veillance, des sys­tèmes de spé­cu­la­tion sau­vage, de pré­da­tion, de fraude et de vol. Ils s’enrichissent par le rachat d’actions, les com­bines à la Pon­zi, la des­truc­tion struc­tu­rée des actifs par l’inflation, le démem­bre­ment des actifs et l’imposition au public d’une dette acca­blante. Aux États-Unis, ils saturent le pro­ces­sus élec­to­ral d’argent, ache­tant l’allégeance des élus des deux par­tis au pou­voir pour légi­fé­rer sur les boy­cotts fis­caux, démo­lir les règle­ments et conso­li­der encore plus leur richesse et leur pouvoir.

Ces capi­ta­listes d’entreprise dépensent des cen­taines de mil­lions de dol­lars pour finan­cer des orga­ni­sa­tions telles que la Busi­ness Round­table et la Chambre de com­merce et des groupes de réflexion comme la Heri­tage Foun­da­tion pour vendre l’idéologie au public. Ils font des dons aux uni­ver­si­tés, à condi­tion que ces der­nières soient fidèles à l’idéologie domi­nante. Ils uti­lisent leur influence et leur richesse, ain­si que leur pro­prié­té des pla­te­formes média­tiques, pour trans­for­mer la presse en leur porte-parole. Et ils font taire les héré­tiques ou leur rendent la tâche dif­fi­cile pour trou­ver un emploi. La flam­bée des valeurs bour­sières, plu­tôt que la pro­duc­tion, devient la nou­velle mesure de l’économie. Tout est finan­cia­ri­sé et marchandisé.

Ces uto­pistes mutilent le tis­su social par la dés­in­dus­tria­li­sa­tion, trans­for­mant des centres de pro­duc­tion autre­fois gigan­tesques en friches, et la classe moyenne et ouvrière, rem­part de toute démo­cra­tie, en un pré­ca­riat frus­tré et enra­gé. Ils tra­vaillent « à l’étranger », pro­cèdent à des licen­cie­ments mas­sifs et font bais­ser les salaires. Ils détruisent les syn­di­cats. Le néo­li­bé­ra­lisme – parce qu’il a tou­jours été un pro­jet de classe et que c’était son but – redis­tri­bue la richesse vers le haut. « Pri­vés de la pro­tec­tion des ins­ti­tu­tions cultu­relles », écrit Karl Pola­nyi dans son livre « La Grande Trans­for­ma­tion », les êtres humains « péris­sent des effets de l’exposition sociale » et meurent comme « vic­times d’une dis­lo­ca­tion sociale aiguë ».

Le néo­li­bé­ra­lisme, en tant que pro­jet de classe, est une brillante réus­site. Huit familles détiennent aujourd’hui autant de richesses que 50% de la popu­la­tion mon­diale. Les 500 per­sonnes les plus riches du monde en 2019 ont aug­men­té leurs avoirs de 12 000 mil­liards de dol­lars, tan­dis que près de la moi­tié des Amé­ri­cains n’avaient pas d’économies et que près de 70 % n’auraient pas pu trou­ver 1 000 dol­lars en cas d’urgence sans s’endetter. David Har­vey appelle cela « l’accumulation par dépos­ses­sion ». Cet assaut néo­li­bé­ral, anta­go­niste de toutes les formes de soli­da­ri­té sociale qui freinent l’accumulation de capi­tal, a fait dis­pa­raître les méca­nismes démo­cra­tiques auto­ré­gu­la­teurs qui ren­daient autre­fois pos­sible une réforme pro­gres­sive et frag­men­taire. Il a trans­for­mé les êtres humains et le monde natu­rel en mar­chan­dises à exploi­ter jusqu’à épui­se­ment ou effon­dre­ment. La dévo­tion ser­vile des élites diri­geantes pour le pro­fit des entre­prises et l’accumulation de richesses par l’oligarchie mon­diale signi­fie qu’elles ne veulent pas ou ne peuvent pas faire face à la plus grande crise exis­ten­tielle à laquelle l’espèce humaine est peut-être confron­tée : l’urgence climatique.

Tous les centres de pou­voir en concur­rence, y com­pris le gou­ver­ne­ment, ont main­te­nant été acca­pa­rés par le pou­voir des entre­prises, et cor­rom­pus ou détruits. Nous avons subi ce que John Ral­ston Saul appelle un coup d’État au ralen­ti. Il est ter­mi­né. Ils ont gagné.

Dans le même temps, ces uto­pistes, qui tentent de pro­je­ter la puis­sance amé­ri­caine et la domi­na­tion mon­diale, ont lan­cé des inva­sions et des occu­pa­tions dans tout le Moyen-Orient qui sont tom­bées dans des bour­biers futiles coû­tant aux États-Unis entre 5000 et 7000 mil­liards de dol­lars. Ce pro­jet uto­pique en Afgha­nis­tan, en Irak, en Libye, en Syrie et, par pro­cu­ra­tion, au Yémen, a tué des cen­taines de mil­liers de per­sonnes, dépla­cé ou fait fuir des mil­lions de per­sonnes, détruit des villes et des nations, créé des États en faillite qui couvent des groupes dji­ha­distes radi­caux et affai­bli fata­le­ment la puis­sance amé­ri­caine. En effet, ces guerres, dont cer­taines sont main­te­nant dans leur 18e année, consti­tuent la plus grande bévue stra­té­gique de l’histoire amé­ri­caine. Les uto­pistes – igno­rant cultu­rel­le­ment, lin­guis­ti­que­ment et his­to­ri­que­ment les pays qu’ils occu­paient – croyaient dans leur naï­ve­té qu’ils pou­vaient implan­ter la démo­cra­tie dans des endroits comme Bag­dad et la voir se pro­pa­ger dans tout le Moyen-Orient. Ils nous ont assu­ré que nous serions accueillis comme des libé­ra­teurs, que les reve­nus du pétrole paie­raient la recons­truc­tion et que l’Iran serait inti­mi­dé et désta­bi­li­sé. Ce n’était pas plus réa­li­sable ni plus ancré dans la réa­li­té que le pro­jet uto­pique de libé­rer le mar­ché et de libé­rer la pros­pé­ri­té et la liber­té dans le monde.

Dès qu’une cabale – monar­chique, com­mu­niste, fas­ciste ou néo­li­bé­rale – s’empare du pou­voir, son déman­tè­le­ment des méca­nismes qui rendent la réforme pos­sible ne laisse à ceux qui recherchent une socié­té ouverte d’autre choix que de faire tom­ber le sys­tème. L’État d’entreprise, comme les régimes com­mu­nistes que j’ai cou­verts en Europe de l’Est, n’est pas réfor­mable de l’intérieur. Les échecs qui nous accablent sont des échecs bipar­tites. Sur toutes les grandes ques­tions struc­tu­relles, y com­pris la guerre et l’économie, il y a peu ou pas de diver­gence entre les deux par­tis poli­tiques au pou­voir aux États-Unis. La concen­tra­tion des richesses et du pou­voir entre les mains d’une élite oli­gar­chique, comme l’avait pré­ve­nu Aris­tote, ne laisse que deux pos­si­bi­li­tés : la tyran­nie ou la révo­lu­tion. Et nous sommes en plein sur la voie de la tyrannie.

L’utopie néo­li­bé­rale, parce qu’elle sup­prime les liber­tés d’organisation, de régu­la­tion et de pro­tec­tion du bien com­mun et qu’elle per­met d’exploiter et de conso­li­der la richesse et le pou­voir, est tou­jours vouée, écrit Pola­nyi, à l’autoritarisme ou au fas­cisme pur et simple. Les bonnes liber­tés sont per­dues. Les mau­vaises rem­portent la victoire.

Le néo­li­bé­ra­lisme a don­né nais­sance à la pire forme de capi­ta­lisme mono­po­liste et au plus haut niveau d’inégalité des reve­nus de l’histoire amé­ri­caine. Les banques et les indus­tries agri­coles, ali­men­taires, de l’armement et des com­mu­ni­ca­tions ont détruit les régle­men­ta­tions qui entra­vaient autre­fois leurs mono­poles, leur per­met­tant de fixer les prix, de blo­quer les salaires, de garan­tir les pro­fits, d’abolir les contrôles envi­ron­ne­men­taux et d’abuser de leurs tra­vailleurs. Ils ont fait dis­pa­raître la concur­rence du mar­ché libre.

Le capi­ta­lisme sans entraves, comme l’a sou­li­gné Karl Marx, détruit le soi-disant mar­ché libre. Il est hos­tile aux valeurs et aux tra­di­tions d’une démo­cra­tie capi­ta­liste. La der­nière étape du capi­ta­lisme, a écrit Marx, est mar­quée par le pillage des sys­tèmes et des struc­tures qui rendent le capi­ta­lisme pos­sible. Ce n’est pas du tout du capi­ta­lisme. L’industrie de l’armement, par exemple, avec son pro­jet de loi offi­ciel d’autorisation de dépenses pour la défense de 612 mil­liards de dol­lars – un chiffre qui ignore de nom­breuses autres dépenses mili­taires cachées dans d’autres bud­gets, mas­quant le fait que nos dépenses réelles pour la sécu­ri­té natio­nale dépassent les mille mil­liards de dol­lars par an – a ame­né le gou­ver­ne­ment à s’engager à dépen­ser 348 mil­liards de dol­lars au cours de la pro­chaine décen­nie pour moder­ni­ser nos armes nucléaires et construire 12 nou­veaux sous-marins nucléaires de classe Ohio, esti­més à 8 mil­liards de dol­lars cha­cun. Nous dépen­sons quelque 100 mil­liards de dol­lars par an pour le ren­sei­gne­ment – la sur­veillance de la presse – et 70 % de cet argent va à des entre­pre­neurs pri­vés comme Booz Allen Hamil­ton, qui tire 99 % de ses reve­nus du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain. Nous sommes les plus grands expor­ta­teurs d’armes au monde.

Selon le Fonds moné­taire inter­na­tio­nal, l’industrie des com­bus­tibles fos­siles englou­tit 5300 mil­liards de dol­lars par an dans le monde entier en coûts cachés pour conti­nuer à brû­ler des com­bus­tibles fos­siles. Cet argent, note le FMI, vient s’ajouter aux 492 mil­liards de dol­lars de sub­ven­tions directes offertes par les gou­ver­ne­ments du monde entier par le biais d’amortissements, de dépré­cia­tions et de lacunes dans le droit d’utilisation des terres.

Les sub­ven­tions des contri­buables aux grandes banques – JPMor­gan Chase, Bank of Ame­ri­ca, Citi­group, Wells Far­go et Gold­man Sachs – sont esti­mées à 64 mil­liards de dol­lars par an, un mon­tant à peu près égal à leurs béné­fices annuels habituels.

En 1980, les trains de mar­chan­dises ont été déré­gle­men­tés. Le nombre de che­mins de fer de classe I est pas­sé de 40 à 7. Quatre d’entre eux repré­sentent 90 % des reve­nus du sec­teur. Près d’un tiers de tous les affré­teurs n’ont accès qu’à un seul che­min de fer.

Le Tele­com­mu­ni­ca­tions Act de 1996 du pré­sident Bill Clin­ton a été pré­sen­té comme un moyen d’ouvrir le sec­teur du câble à la concur­rence. Au lieu de cela, il a vu une conso­li­da­tion mas­sive de l’industrie entre les mains d’une demi-dou­­zaine de socié­tés qui contrôlent ce que 90% des Amé­ri­cains regardent ou entendent sur les ondes.

L’industrie aéro­nau­tique, libé­rée de toute régle­men­ta­tion, s’est rapi­de­ment conso­li­dée. Quatre com­pa­gnies aériennes contrôlent 85 % du mar­ché inté­rieur. Elles ont divi­sé le pays en centres régio­naux où elles extorquent des rede­vances, fixent les prix, annulent les vols à volon­té, lais­sant les pas­sa­gers blo­qués sans indem­ni­sa­tion, et four­nissent un ser­vice de mau­vaise qualité.

Les socié­tés phar­ma­ceu­tiques et d’assurance qui gèrent notre indus­trie des soins de san­té à but lucra­tif ont sou­ti­ré 812 mil­liards de dol­lars aux Amé­ri­cains en 2017. Cela repré­sente plus d’un tiers (34,2 %) des dépenses totales pour les visites chez le méde­cin, les hôpi­taux, les soins de longue durée et l’assurance mala­die. Si nous avions un sys­tème de san­té publique, comme au Cana­da, cela nous per­met­trait d’économiser 600 mil­liards de dol­lars en une seule année, selon un rap­port des Méde­cins pour un régime natio­nal de san­té. En 2017, les coûts d’administration de la san­té étaient plus de quatre fois plus éle­vés par habi­tant aux États-Unis qu’au Cana­da (2 479 dol­lars contre 551 dol­lars par per­sonne), note le groupe. Le Cana­da a mis en place un sys­tème à payeur unique « Medi­care for All » en 1962. En 2017, les Amé­ri­cains ont dépen­sé 844 $ par per­sonne pour les frais géné­raux des assu­reurs. Les Cana­diens ont dépen­sé 146 $.

Le néo­li­bé­ra­lisme ne peut être défen­du comme étant plus inno­vant ou plus effi­cace. Il n’a pas répan­du la démo­cra­tie et, en orches­trant des niveaux sans pré­cé­dent d’inégalité des reve­nus et de stag­na­tion poli­tique, il a vomi des déma­gogues et des régimes auto­ri­taires qui pro­mettent men­son­gè­re­ment de se ven­ger des élites diri­geantes qui ont tra­hi le peuple. Notre démo­cra­tie, sou­mise à cet assaut, a été rem­pla­cée par un théâtre poli­tique dénué de sens.

Comme l’ont détaillé les uni­ver­si­taires Ben­ja­min Page et Mar­tin Gilens dans leur étude exhaus­tive de 2017 « Demo­cra­cy in Ame­ri­ca ? » :

« les meilleures preuves indiquent que les sou­haits des Amé­ri­cains ordi­naires n’ont que peu ou pas d’impact sur l’élaboration de la poli­tique du gou­ver­ne­ment fédé­ral. Les par­ti­cu­liers for­tu­nés et les groupes d’intérêt orga­ni­sés, en par­ti­cu­lier les socié­tés com­mer­ciales, ont … beau­coup plus de poids poli­tique. … [L]e grand public [est] … pra­ti­que­ment impuis­sant. … La volon­té des majo­ri­tés est … contre­car­rée par les riches et les per­sonnes bien orga­ni­sées, qui bloquent les pro­po­si­tions poli­tiques popu­laires et s’accordent des pri­vi­lèges par­ti­cu­liers. … La majo­ri­té des Amé­ri­cains sont favo­rables à des poli­tiques spé­ci­fiques conçues pour faire face à des pro­blèmes tels que le chan­ge­ment cli­ma­tique, la vio­lence armée, un sys­tème d’immigration inte­nable, des écoles publiques inadap­tées et des ponts et des auto­routes en ruine. … De larges majo­ri­tés d’Américains sont favo­rables à divers pro­grammes visant à four­nir des emplois, à aug­men­ter les salaires, à aider les chô­meurs, à four­nir une assu­rance médi­cale uni­ver­selle, à assu­rer des pen­sions de retraite décentes et à payer ces pro­grammes avec des impôts pro­gres­sifs. La plu­part des Amé­ri­cains veulent éga­le­ment sup­pri­mer les « la pro­tec­tion sociale gérée par les entre­prises ». Pour­tant, ce sont sur­tout les riches, les groupes d’entreprises et les blo­cages struc­tu­rels qui ont empê­ché ces nou­velles politiques. … »

Il ne devrait pas y avoir de débat sur la manière d’apporter des chan­ge­ments. Une réforme frag­men­taire et pro­gres­sive est tou­jours pré­fé­rable à l’anarchie inévi­table que crée tout vide de pou­voir. Le pro­blème est que nos ingé­nieurs uto­pistes, dans leur déman­tè­le­ment ver­ti­gi­neux d’un sys­tème éco­no­mique et démo­cra­tique, ain­si que dans l’épuisement des res­sources de l’État dans les guerres qu’il mène à l’étranger, ont dyna­mi­té les outils qui pour­raient nous sau­ver. Ils ne nous ont lais­sé d’autre choix que de nous révol­ter et de les chas­ser du pouvoir.

Nous mène­rons des actions sou­te­nues de déso­béis­sance civile pour faire tom­ber ces oli­garques cor­po­ra­tifs ou bien nous vivrons dans une tyran­nie orwel­lienne, au moins jusqu’à ce que l’urgence cli­ma­tique fasse dis­pa­raître l’espèce humaine. Les règle­ments, les lois, la pla­ni­fi­ca­tion et le contrôle ne sont pas les enne­mis de la liber­té. Ils empêchent les capi­ta­listes de détruire la liber­té, de nier la jus­tice et d’abolir le bien com­mun. La liber­té de la classe capi­ta­liste d’exploiter les êtres humains et le milieu natu­rel sans res­tric­tion trans­forme la liber­té du plus grand nombre en liber­té du plus petit nombre. Cela a tou­jours été ainsi.

Chris Hedges.

Source : Tru­th­dig, Chris Hedges

Tra­duit par les lec­teurs du site www​.les​-crises​.fr. Tra­duc­tion libre­ment repro­duc­tible en inté­gra­li­té, en citant la source.
https://​www​.les​-crises​.fr/​le-desastre-de-l-inge­­nie­­rie-de-l-uto­­pie-par-chris-hed­­ges/

POURQUOI UN MOUVEMENT CONSTITUANT POPULAIRE PERMANENT (MCP) ?

Source : http://​mou​ve​ment​-consti​tuant​-popu​laire​.fr/​2​0​2​0​/​a​n​n​o​n​c​e​s​/​p​o​u​r​q​u​o​i​–​l​e​–​m​c​p​–​e​t​i​e​n​n​e​–​c​h​o​u​a​rd/

Tous les êtres humains espèrent un monde meilleur.
Tous ont une opi­nion sur « ce qu’il fau­drait faire ».
Tous savent bien les lois qu’il fau­drait voter — et celles qu’il fau­drait abroger.
Tous rêvent de révo­quer des poli­ti­ciens qu’ils estiment (très) mau­vais pour la collectivité.

Tous aime­raient par­ti­ci­per aux déci­sions com­munes, mais tous se contentent de dis­cu­ter sans jamais rien chan­ger puisqu’aucun pou­voir de déci­der ne leur est jamais accordé.

Les hommes qui se contentent de par­ler sans rien chan­ger ne doivent pas se plaindre que tout va de plus en plus mal : d’une cer­taine manière, ceux qui acceptent leur ser­vi­tude la méritent.

Alors, pour aller vers un monde meilleur, qu’est-ce qu’on peut faire ?

Nous devrions ces­ser de par­ler de sujets légis­la­tifs (« quelles lois fau­­drait-il voter ? »), et nous devrions plu­tôt concen­trer notre atten­tion et nos dis­cus­sions sur les sujets consti­tuants (« com­ment devrait-on voter les lois ? »).

Les sujets légis­la­tifs nous divisent — pour rien, abso­lu­ment pour rien puisque ce n’est pas nous qui déci­dons, de toutes façons —, alors que les sujets consti­tuants nous ras­semblent en nous fai­sant per­ce­voir notre cause com­mune, prio­ri­taire : ins­ti­tuer nous-mêmes les règles de notre repré­sen­ta­tion, les moda­li­tés de notre pou­voir populaire.

Les sujets légis­la­tifs sont dépri­mants (parce que nous sen­tons bien que nous bavar­dons en vain, comme desenfants poli­tiques), alors que les sujets consti­tuants sont enthou­sias­mants (parce que nous sen­tons bien que cette façon de faire de la poli­tique, en adulte, est capable, un jour, de tout changer).

Les « élus » ne sont grands que parce que nous sommes à genoux, nous qui ado­rons l’élection comme une vache sacrée alors que l’élection est LA pro­cé­dure de notre dépos­ses­sion poli­tique : quand j’élis, je renonce à voter ; quand j’accepte qu’un autre décide tout à ma place (selon les règles que lui et ceux de sa caste ont écrites eux-mêmes), j’abdique toute sou­ve­rai­ne­té. Pen­ser les sujets consti­tuants revient à me rele­ver, deve­nir adulte, pen­ser en souverain.

Quelle est la cause de notre impuis­sance politique ?
Qui a écrit l’affreux texte (la consti­tu­tion) où est pro­gram­mée l’infantilisation des citoyens ?

Si rigou­reu­se­ment aucun pou­voir — ni celui de déci­der, ni même celui de contrô­ler — n’est accor­dé au simple citoyen, tou­jours et par­tout, c’est parce qu’aucun simple citoyen n’a jamais été invi­té — ou ne s’est impo­sé — dans le pro­ces­sus consti­tuant (ce moment où l’on écrit qui a le pou­voir de déci­der pour la socié­té et sous quels contrôles). Actuel­le­ment, depuis envi­ron 200 ans qu’existe ce qu’on appelle (trom­peu­se­ment) le « gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif », ce sont les poli­ti­ciens qui, en s’imposant dans « l’Assemblée consti­tuante », sans que per­sonne ne se mette en tra­vers de leur che­min, se sont arro­gé le droit d’écrire leur propre contrat de tra­vail (la consti­tu­tion), et le résul­tat (qui était bien pré­vi­sible) est que, tou­jours et par­tout, les repré­sen­tants ont ain­si ins­ti­tué leur propre puis­sance et l’impuissance des repré­sen­tés : ils ont fait des citoyens des inca­pables politiques.

Logi­que­ment, donc, plu­tôt que de dis­cu­tailler inuti­le­ment sur les lois que nous ne vote­rons jamais, nous devrions apprendre à ins­ti­tuer notre propre puis­sance poli­tique, celle qui nous manque pour chan­ger le monde (en bien).

D’où les ate­liers consti­tuants popu­laires que j’anime depuis 2005 par­tout en France et dans les pays fran­co­phones. Une idée neuve gran­dit, grâce à de nom­breux col­lec­tifs qui se mul­ti­plient depuis quinze ans et qui défendent tous cette thèse, à leur façon :
– ce n’est pas aux hommes au pou­voir d’écrire les règles du pouvoir,
– c’est aux repré­sen­tés d’écrire et d’améliorer (en per­ma­nence) les règles de leur propre représentation,
– et les repré­sen­tants doivent être soi­gneu­se­ment tenus à l’écart de l’écriture des ins­ti­tu­tions (au lieu d’en avoir scan­da­leu­se­ment le monopole…).

Alors, pour­quoi un nou­veau Mou­ve­ment Consti­tuant Popu­laire, MCP ?

Pour mon­trer l’unité fon­da­men­tale de tous ces col­lec­tifs : seuls les citoyens sont légi­times à se consti­tuer en peuple.
Pour don­ner du cou­rage à ceux dont le moral faiblit.
Pour don­ner de l’ampleur géo­gra­phique — et plus d’harmonie — à nos actions.
Pour nous ins­pi­rer les uns les autres avec nos initiatives.
Pour mettre en pra­tique l’idée que l’union fait la force.
Pour inciter/conduire les (nom­breux) par­ti­sans de cette idée à deve­nir (tous) actifs.
Pour res­ter concen­trés sur l’essentiel, et reca­drer (fra­ter­nel­le­ment) ceux qui dérivent vers des sujets légis­la­tifs ou des objec­tifs politiciens.
Pour défendre l’idée déri­vée cen­trale que c’est la pro­cé­dure du RIC consti­tuant qui semble devoir être LA moda­li­té simple et déci­sive qui peut être défen­due par des mil­lions d’électeurs pour s’émanciper de leurs maîtres « élus ».

Quand les jeunes gens qui ont eu l’idée de ce MCP m’ont deman­dé si je vou­lais bien les aider, il ne m’a pas fal­lu long­temps pour y recon­naître une belle plante qui vient des mil­liers de graines que je sème depuis 2005, et j’ai évi­dem­ment déci­dé de les aider autant que je le peux.

À condi­tion tou­te­fois que l’objectif reste un pro­ces­sus consti­tuant popu­laire. Ce point, à mon sens, n’est pas négo­ciable, et le risque est grand de le perdre en route : si le mou­ve­ment se met­tait à défendre « un pro­ces­sus consti­tuant » (qu’il soit popu­laire ou pas), je m’en écar­te­rais aus­si­tôt car l’essentiel de l’essentiel, ce qui va tout chan­ger sur terre, la condi­tion sine qua non de la grande évo­lu­tion qui vient, c’est que ce soit les repré­sen­tés qui pensent et déter­minent les règles de leur repré­sen­ta­tion et sur­tout pas les représentants.

Si on accep­tait l’idée qu’une Assem­blée consti­tuante soit élue, on pour­rait dire qu’on recom­mence à perdre son temps et que le mou­ve­ment est per­du : en effet, la plu­part des for­ma­tions consti­tuantes du monde ont tou­jours été élues, et toutes leurs « consti­tu­tions » ont tou­jours été votées par réfé­ren­dum ; et pour­tant, cha­cun peut consta­ter que toutes ces assem­blées élues ont ins­ti­tué une redou­table impuis­sance popu­laire, mal­gré le réfé­ren­dum. Donc, ce n’est pas une Assem­blée consti­tuante élue, ni un réfé­ren­dum, qui pour­ra chan­ger les choses, pas du tout.

Ce qui compte, ce n’est pas qui vote la consti­tu­tion : ce qui compte, c’est qui écrit d’abord et qui contrôle ensuite la consti­tu­tion.

Ce qui doit chan­ger, ce sont les rédac­teurs de la consti­tu­tion, qui doivent être les citoyens eux-mêmes.

Par ailleurs, au moment de voter par réfé­ren­dum leur pro­po­si­tion de consti­tu­tion, l’ensemble des citoyens doit pou­voir voter (déci­der) article par article (ou groupe d’articles par groupe d’articles), et pas du tout voter toute la consti­tu­tion en bloc « à prendre ou à lais­ser ».

Ce qui doit chan­ger, c’est la pos­si­bi­li­té offerte en per­ma­nence aux simples citoyens de révi­ser leur consti­tu­tion, parce que c’est la leur.

Dans l’ambiance actuelle de tyran­nie qui vient, où les gou­ver­ne­ments du monde entier s’autonomisent, s’affranchissent de tout contrôle et s’en prennent bru­ta­le­ment à nos liber­tés fon­da­men­tales sous le pré­texte de notre sécu­ri­té (ce qu’ont tou­jours fait tous les tyrans et tous les chefs de gangs mafieux), j’espère que le MCP, ce mou­ve­ment démo­cra­tique d’inspiration confé­dé­rale — unir des groupes en res­pec­tant leur sou­ve­rai­ne­té et leur liber­té —, réus­si­ra à ren­for­cer et à sti­mu­ler les dif­fé­rents col­lec­tifs qui le composent.

Je ferai ce que je peux pour les aider.

Bon cou­rage à tous.

Étienne.
11 sep­tembre 2020.
https://​old​.chouard​.org/​E​u​r​o​pe/
https://​www​.chouard​.org/

Le tout nou­veau site du MCP :

http://​mou​ve​ment​-consti​tuant​-popu​laire​.fr/

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :

https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​8​6​0​0​0​6​8​6​8​2​317

Comment fonctionnerait une vraie démocratie ?

Une démo­cra­tie digne de ce nom, ça s’institue.

Et jamais des élus ne le feront. Jamais. À cause du conflit d’intérêts.

Ce n’est pas aux hommes au pou­voir d’é­crire les règles du pouvoir.

Seuls les citoyens eux-mêmes sont légi­times et aptes à écrire une vraie constitution.

Quand les poli­ti­ciens modi­fient la consti­tu­tion, c’est un crime : ils volent la sou­ve­rai­ne­té qui ne leur appar­tient pas.

#Grè­ve­Gé­né­ra­le­CONS­TI­TUANTE

FRANCE : Les Gilets Jaunes défilent le 5 septembre pour demander la destitution d’Emmanuel Macron (source : Afrique Éducation)

Gj
https://​www​.afri​quee​du​ca​tion​.com/​p​o​l​i​t​i​q​u​e​/​f​r​a​n​c​e​_​l​e​s​_​g​i​l​e​t​s​_​j​a​u​n​e​s​_​d​_​f​i​l​e​n​t​_​l​e​_​5​_​s​e​p​t​e​m​b​r​e​_​p​o​u​r​_​d​e​m​a​n​d​e​r​_​l​a​_​d​e​s​t​i​t​u​t​i​o​n​_​d​_​e​m​m​a​n​uel

« Après avoir ébran­lé le pou­voir d’Em­ma­nuel Macron en 2018, les Gilets Jaunes reviennent en force. Ils s’an­noncent en pleine ren­trée per­tur­bée par le regain du coro­na­vi­rus par une pre­mière mani­fes­ta­tion, qui leur don­ne­ra l’oc­ca­sion de deman­der ni plus ni moins la démis­sion d’Em­ma­nuel Macron.

Une série de ras­sem­ble­ments et cor­tèges, se dérou­le­ront le same­di, 5 sep­tembre 2020, à par­tir de 14 h, depuis la Mai­son de la Radio en pas­sant par TF1, C8, France 24, Altice Media et se ter­mi­ne­ront devant le siège de France Télé­vi­sions, espla­nade Hen­ri de France à Paris, afin de por­ter les reven­di­ca­tions suivantes :

1) Exi­ger que Macron soit des­ti­tué en rai­son d’un cer­tain nombre de crimes que les Gilets Jaunes vont expli­quer aux Fran­çais. Notam­ment, s’agissant de l’affaire Alstom qui relève de l’article 411–3 du Code Pénal, ain­si que, des frappes mili­taires qu’il a ordon­nées sur le ter­ri­toire syrien en avril 2018, qua­li­fiées de crime d’agression par l’article 8 bis des Sta­tuts de Rome sur la CPI.

2) Exi­ger que le Réfé­ren­dum d’Initiative Citoyenne à voca­tion légis­la­tive et révo­ca­toire, soit intro­duit dans la Consti­tu­tion afin d’assurer un contre-pou­­voir démo­cra­tique réel pour le peuple, que ce soit pour voter des lois ou mieux contrô­ler la repré­sen­ta­tion politique.

3) Dénon­cer tous les régimes de sujé­tion éco­no­miques que subit la France, que ce soit par son rat­ta­che­ment illé­gi­time à l’UE et l’euro, mais aus­si, l’ingérence claire d’intérêts finan­ciers et indus­triels dans les poli­tiques publiques de la France dont Emma­nuel Macron n’est à ce titre qu’un vul­gaire char­gé de mission.

4) Exi­ger une remise en cause majeure du trai­te­ment de l’information poli­tique par les grands médias (sous enten­du ils sont cor­rom­pus par des pou­voirs d’argent).  » Nous consi­dé­rons que la cen­sure de cer­taines per­son­na­li­tés ou opi­nions poli­tiques et la pro­pa­gande (comme celle que nous subis­sons à pro­pos du Covid-19) pour ser­vir les inté­rêts poli­tiques ou finan­ciers d’un petit nombre de per­sonnes, n’est pas admis­sible dans un pays qui se dit démo­cra­tique », expliquent les Gilets Jaunes.

Et d’a­jou­ter : « Nous savons que les jour­na­listes sont plei­ne­ment conscients que les Fran­çais ne font plus confiance en leur indé­pen­dance et leur objec­ti­vi­té dans leur tra­vail, et qu’une grande par­tie d’entre-vous sou­haite enrayer cette crise de confiance. A ce titre, nous pen­sons que le pre­mier pas consiste à nous ren­con­trer et dis­cu­ter pour savoir quelles sont nos attentes et quelles sont les dif­fi­cul­tés que vous ren­con­trez pour amé­lio­rer le trai­te­ment de l’information en France ».

Le ton est don­né. Les Gilets Jaunes sont de retour. Pour deman­der la des­ti­tu­tion du pré­sident de la Répu­blique. Ce retour conju­gué à la catas­tro­phique situa­tion éco­no­mique pro­vo­quée par le coro­na­vi­rus, qui, par ailleurs, reprend de l’am­pleur, est de nature à don­ner de grosses insom­nies au loca­taire de l’Elysée. »

Source : Afrique Édu­ca­tion, 28 août 2020.

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10158562224882317&id=600922316

[La tyrannie qui vient, sous prétexte sanitaire] Big Brother is masking you

Sur l’i­nef­fi­ca­ci­té des masques, prou­vée par de nom­breux scien­ti­fiques, signa­lés ici par le très offi­ciel CDC (aux USA : Cen­ter for Disease Control and Protection) :

• Mesures non pharmaceutiques pour la grippe pandémique dans les milieux non sanitaires – Mesures de protection individuelle et environnementales

https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/26/5/19–0994_article

Abs­tract : Il y a eu 3 pan­dé­mies de grippe au 20e siècle, et il y en a eu une jus­qu’à pré­sent au 21e siècle. Les auto­ri­tés sani­taires locales, natio­nales et inter­na­tio­nales mettent régu­liè­re­ment à jour leurs plans pour atté­nuer la pro­chaine pan­dé­mie de grippe à la lumière des der­nières don­nées dis­po­nibles sur l’ef­fi­ca­ci­té des diverses mesures de contrôle pour réduire la trans­mis­sion. Ici, nous pas­sons en revue la base de preuves sur l’ef­fi­ca­ci­té des mesures de pro­tec­tion indi­vi­duelle non phar­ma­ceu­tiques et des mesures d’hy­giène envi­ron­ne­men­tale dans les milieux non sani­taires et dis­cu­tons de leur inclu­sion poten­tielle dans les plans de pan­dé­mie. Bien que les études méca­nistes sou­tiennent l’ef­fet poten­tiel de l’hy­giène des mains ou des masques faciaux, les preuves de 14 essais contrô­lés ran­do­mi­sés de ces mesures n’ont pas mon­tré un effet sub­stan­tiel sur la trans­mis­sion de la grippe confir­mée en labo­ra­toire. Nous avons éga­le­ment trou­vé des preuves limi­tées sur l’ef­fi­ca­ci­té de l’a­mé­lio­ra­tion de l’hy­giène et du net­toyage envi­ron­ne­men­tal. Nous avons iden­ti­fié plu­sieurs lacunes majeures dans les connais­sances, impo­sant des recherches plus appro­fon­dies, et plus fon­da­men­ta­le­ment une meilleure carac­té­ri­sa­tion des modes de trans­mis­sion de per­sonne à personne.

Lire la suite…

• Covid19 : « La mascarade a assez duré, comment la combattre ? » par le Docteur Nicole Delépine

https://​putsch​.media/​2​0​2​0​0​8​2​0​/​t​r​i​b​u​n​e​s​/​l​a​–​c​u​l​t​u​r​e​–​d​u​–​d​e​b​a​t​/​c​o​v​i​d​1​9​–​l​a​–​m​a​s​c​a​r​a​d​e​–​a​–​a​s​s​e​z​–​d​u​r​e​–​c​o​m​m​e​n​t​–​l​a​–​c​o​m​b​a​t​t​r​e​–​p​a​r​–​l​e​–​d​o​c​t​e​u​r​–​n​i​c​o​l​e​–​d​e​l​e​p​i​ne/

• Même David Pujadas est agacé en voyant « les cartes du Covid »…

https://​you​tu​.be/​O​l​C​O​1​U​G​C​qgM

• J.-F. Toussaint : « Il n’y a pas d’argument scientifique qui recommande le port du masque partout »

#Tout­Pou­voir­Va­Jus­quÀ­Ce­Quil­Ren­con­treU­ne­Li­mite

#Quand­Les­Ci­toyens­Von­tIl­sEn­fin­Se­Dé­ci­derÀ­Ré­flé­chi­rEux­Mê­me­sAux­Né­ces­sai­res­Li­mi­tes­De­Leurs­Re­pré­sen­tants

MÊME SIEYES LE DIT (en 1789) : « AUCUNE SORTE DE POUVOIR DÉLÉGUÉ NE PEUT RIEN CHANGER AUX CONDITIONS DE SA DÉLÉGATION »

« Ce n’est pas aux hommes au pou­voir d’é­crire les règles du pouvoir ».

Sieyes lui-même (l’o­dieux qui a ensuite impo­sé l’i­dée que « dans un pays qui n’est pas une démo­cra­tie, — et la France ne sau­rait l’être —, le peuple ne peut par­ler ne peut agir que par ses repré­sen­tants »…) Sieyes lui-même cla­mait aus­si (tel­le­ment c’est évident) que seuls les repré­sen­tés peuvent fixer les règles de leur repré­sen­ta­tion, et au grand jamais les représentants !

« Mais qu’on nous dise d’après quelles vues, d’après quel inté­rêt on aurait pu don­ner une consti­tu­tion à la nation elle-même. La nation existe avant tout, elle est l’origine de tout. Sa volon­té est tou­jours légale, elle est la loi elle-même. Avant elle et au-des­­sus d’elle il n’y a que le droit natu­rel. Si nous vou­lons nous for­mer une idée juste de la suite des lois posi­tives qui ne peuvent éma­ner que de sa volon­té, nous voyons en pre­mière ligne les lois consti­tu­tion­nelles, qui se divisent en deux par­ties : les unes règlent l’organisation et les fonc­tions du corps légis­la­tif : les autres déter­minent l’organisation et les fonc­tions des dif­fé­rents corps actifs. Ces lois sont dites fon­da­men­tales, non pas en ce sens qu’elles puissent deve­nir indé­pen­dantes de la volon­té natio­nale, mais parce que les corps qui existent et agissent par elles ne peuvent point y tou­cher. Dans chaque par­tie, la consti­tu­tion n’est pas l’ouvrage du pou­voir consti­tué, mais du pou­voir consti­tuant. Aucune sorte de pou­voir délé­gué ne peut rien chan­ger aux condi­tions de sa délé­ga­tion. » (Sieyes, « Qu’est-ce que le Tiers état ? » (1789))

https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​8​5​5​0​2​3​7​6​5​2​317

Bon cou­rage pour vos ate­liers consti­tuants quo­ti­diens 🙂 avec vos voi­sins, vos cou­sins, vos copains, vos frangins…

Étienne.

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet : 

https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​8​5​5​0​2​3​7​6​5​2​317

Le texte inté­gral du pam­phlet de Sieyes : Qu’est-ce que le Tiers état ? 

Sieyes_­­Qu_est-ce_que_le_­­tiers_etat_1789

[Corruption de l’action publique en matière de santé] Cancer : l’art de ne pas regarder une épidémie, par Celia Izoard

Source : Ter­restre (1er juillet 2020), http://​www​.ter​restres​.org/​2​0​2​0​/​0​7​/​0​1​/​c​a​n​c​e​r​–​l​a​r​t​–​d​e​–​n​e​–​p​a​s​–​r​e​g​a​r​d​e​r​–​u​n​e​–​e​p​i​d​e​m​ie/

Com­ment se fait-il que, dans une socié­té fon­dée sur le trai­te­ment de l’information et la col­lecte de don­nées, il soit si dif­fi­cile d’ex­pli­quer la mul­ti­pli­ca­tion effré­née de cer­tains can­cers ? Célia Izoard en appelle à une refonte des méthodes épi­dé­mio­lo­giques pour enfin recon­naître l’im­pact de la pol­lu­tion sur la santé.

Article publié dans la revue Z
Numéro 13, Fumées noires et gilets jaunes
(en vente actuellement en librairie)

 

Voi­là un fait éton­nant : on ne sait pas com­bien de can­cers sur­viennent en France chaque année. Ce chiffre n’existe pas, il n’a pas été pro­duit. On ne sait pas exac­te­ment com­bien de can­cers sur­viennent, on ne sait pas où ils sur­viennent. Quand San­té publique France, l’agence de veille sani­taire, annonce, par exemple, 346 000 cas de can­cers pour l’année 2015, il s’agit d’une esti­ma­tion réa­li­sée à par­tir des registres des can­cers, qui couvrent entre 19 et 22 dépar­te­ments selon le can­cer étu­dié, soit 22 % de la popu­la­tion. « Cette métho­do­lo­gie, pré­cise le der­nier bilan publié en 2019, repose sur l’hypothèse que la zone géo­gra­phique consti­tuée par les registres est repré­sen­ta­tive de la France métro­po­li­taine en termes d’incidence des can­cers1. »

Pour­tant, le Tarn, l’Hérault ou le Finis­tère, cou­verts par des registres, sont des dépar­te­ments rela­ti­ve­ment épar­gnés par l’urbanisation et l’industrie. En revanche, les can­cers dans cer­taines des prin­ci­pales métro­poles du pays, comme Paris, Mar­seille et Tou­louse, ne sont pas décomp­tés. Et comme le montre une enquête de Viviane Thivent pour Le Monde, les dépar­te­ments les plus concer­nés par les sites Seve­so ne sont pas non plus cou­verts par les registres : la Moselle (43 sites « Seve­so seuil haut »), la Seine-Mari­­time (47), les Bouches-du-Rhône (44) 2. Un com­plot ? Non. La simple démons­tra­tion du fait que connaître l’impact des pol­lu­tions urbaines et indus­trielles n’a pas figu­ré jusqu’ici au pre­mier rang des pré­oc­cu­pa­tions des épidémiologistes.

« His­to­ri­que­ment, la mise en place des registres des can­cers cor­res­pond à des ini­tia­tives locales iso­lées », jus­ti­fie le pro­fes­seur Gau­tier Defos­sez, res­pon­sable du registre des can­cers du Poi­­tou-Cha­­rentes. « Elles ont ensuite été coor­don­nées par un comi­té natio­nal des registres. La sur­veillance des zones indus­trielles et urba­ni­sées est d’intérêt, seule­ment nous n’en avons pas les moyens. » Ques­tion naïve : étant don­né que la qua­­si-tota­­li­­té des soins liés aux can­cers est prise en charge par l’Assurance-maladie, pour­quoi n’est-il pas pos­sible de tra­vailler à par­tir de ses chiffres ? « Cela néces­si­te­rait de chan­ger la métho­do­lo­gie, car les registres dif­fé­ren­cient plus fine­ment les types de can­cer que les bases de don­nées de l’Assurance-maladie. Sur­tout, ce sont des don­nées sen­sibles aux­quelles nous n’avons pas accès », déplore Gau­tier Defos­sez. Des obs­tacles qui laissent son­geur, dans une socié­té de l’information où l’on donne sa date de nais­sance et son adresse per­son­nelle quand on s’achète une boîte de Doli­prane en phar­ma­cie, où le moindre clic est enre­gis­tré dans des bases de don­nées, absor­bé dans des sta­tis­tiques et mou­li­né par des algo­rithmes, où toutes les conver­sa­tions télé­pho­niques peuvent être loca­li­sées et enre­gis­trées à des fins de sur­veillance policière.

Dans un tel monde, il ne serait pas absurde de sup­po­ser l’existence d’une cel­lule de veille sani­taire dotée des moyens de car­to­gra­phier presque en temps réel les cas de can­cers recen­sés au moyen des fichiers des hôpi­taux, voire même signa­lés par un numé­ro vert. Si un taux anor­mal de telle ou telle tumeur appa­rais­sait dans un lieu don­né, par exemple – à tout hasard – autour d’une usine d’engrais ou d’une cen­trale nucléaire, une zone de la carte se met­trait à cli­gno­ter… Visi­ble­ment, un tel dis­po­si­tif pour­rait inté­res­ser du monde. Entre 2010 et 2015, San­té publique France a reçu une cin­quan­taine de signa­le­ment de taux de can­cers anor­maux dans des zones indus­trielles ou agri­coles, comme dans l’Aube, près de Sou­­laines-Dhuys, où l’on observe une véri­table épi­dé­mie de can­cers du pou­mon, du pan­créas et de leu­cé­mies à proxi­mi­té d’un centre de sto­ckage de déchets nucléaires 3

Sur­tout, les esti­ma­tions des taux de can­cer dont on dis­pose devraient nous inci­ter d’urgence à nous inté­res­ser à l’impact de notre envi­ron­ne­ment dégra­dé. Selon San­té publique France, entre 1990 et 2018, donc en près de trente ans, l’incidence – le nombre de nou­veaux cas de can­cers sur une année – a aug­men­té de 65 % chez l’homme et de 93 % chez la femme. Est-ce uni­que­ment parce que la popu­la­tion aug­mente et vieillit, comme on l’entend sou­vent ? Non ! Pour 6 % chez l’homme et pour 45 % chez la femme, cette ten­dance n’est pas attri­buable à la démo­gra­phie 4. Cer­tains can­cers sont en recul, comme le can­cer de l’estomac, grâce au trai­te­ment de la bac­té­rie Heli­co­bac­ter pylo­ri et, en gros, à la géné­ra­li­sa­tion des fri­gos 5, de même que les can­cers du larynx, du pha­rynx, de la lèvre et de la bouche, en grande par­tie grâce aux cam­pagnes de lutte contre l’alcoolisme et le taba­gisme. En revanche, les can­cers de l’intestin, du pou­mon, du pan­créas aug­mentent chaque année en moyenne de 2 à 5 % depuis trente ans. Chez les hommes, les can­cers de la pros­tate et des tes­ti­cules aug­mentent de plus de 2 % par an. Chez les femmes, les can­cers du foie, de l’anus et du pan­créas ont bon­di de plus de 3 % par an en moyenne depuis 1990. Pour les deux sexes, les can­cers de la thy­roïde ont aug­men­té de 4,4 % par an. Petite pré­ci­sion : 4,4 % par an, c’est beau­coup, puisque cela repré­sente une hausse de 234 % en 28 ans.

POURQUOI LE CANCER DU SEIN A‑T‑IL PROGRESSÉ DE 99 % EN VINGT-TROIS ANS ?

Com­ment expli­quer des pro­gres­sions aus­si spec­ta­cu­laires ? Dans un petit livre péda­go­gique, le toxi­co­logue André Cico­lel­la s’est employé à éclair­cir la ques­tion en s’arrêtant sur le can­cer du sein, dont une Fran­çaise sur huit sera atteinte au cours de sa vie 6. Entre 1990 et 2013, son inci­dence dans le monde a pro­gres­sé de 99 %, dont 38 % seule­ment en rai­son du vieillis­se­ment de la popu­la­tion. Cette hausse serait-elle un simple effet du dépis­tage, lié au fait qu’on détecte mieux les tumeurs ? En France, le dépis­tage géné­ra­li­sé n’a com­men­cé qu’en 2004, alors que la mala­die pro­gresse depuis 1950. Par ailleurs, les pays où le dépis­tage est sys­té­ma­tique (comme la Suède) ne sont pas ceux où l’incidence est la plus haute. Il s’agit donc d’une véri­table épi­dé­mie, au sens ori­gi­nel d’epi-dêmos, une mala­die qui « cir­cule dans la popu­la­tion », quoique non conta­gieuse, et même d’une pan­dé­mie, puisqu’elle s’étend au monde entier. Si l’on s’en tient aux chiffres pro­duits par les États, le pays le plus tou­ché serait la Bel­gique, avec 111,9 cas pour 100 000 femmes par an (contre 89,7 pour la France). Uti­li­sant des taux qui prennent en compte les dis­pa­ri­tés démo­gra­phiques comme celle du vieillis­se­ment, Cico­lel­la com­pare métho­di­que­ment cette situa­tion avec celle du Bhou­tan, un pays de taille com­pa­rable, dont le sys­tème de san­té est gra­tuit et fiable. L’incidence du can­cer du sein y est la plus faible au monde : 4,6 cas pour 100 000 femmes.

Des dif­fé­rences géné­tiques entre popu­la­tions peuvent-elles expli­quer de telles dis­pa­ri­tés ? Non, nous dit le toxi­co­logue. Plu­sieurs études montrent que « les femmes qui migrent d’un pays à l’autre adoptent rapi­de­ment le même taux que celui de leurs nou­velles conci­toyennes ». En une géné­ra­tion, le taux de can­cer du sein des migrantes sud-coréennes aux États-Unis a dou­blé, de même que celui des migrantes ira­niennes au Cana­da rat­trape celui des Cana­diennes, etc.

Bien plu­tôt, conclut Cico­lel­la, le Bhou­tan se dis­tingue de la Bel­gique en ce que ce der­nier, jamais colo­ni­sé, n’a pas connu de « révo­lu­tion indus­trielle, pas de révo­lu­tion verte à base de pes­ti­cides non plus, pas de pol­lu­tion urbaine » et a gar­dé long­temps un mode de vie tra­di­tion­nel. Le can­cer du sein, pour l’immense majo­ri­té des cas, est donc le fruit d’un sys­tème indus­triel. Causes envi­ron­ne­men­tales sus­pec­tées ou avé­rées : les trai­te­ments hor­mo­naux (pilule y com­prise), les champs élec­tro­ma­gné­tiques, la radio­ac­ti­vi­té, les per­tur­ba­teurs endo­cri­niens (pes­ti­cides, addi­tifs, dioxines, bis­phé­nol, tabac, etc.) et d’autres pro­duits issus de la chi­mie (ben­zène, PVC, sol­vants, etc.).

 

LES « MAUVAISES HABITUDES DE VIE »

Vous avez trois minutes devant vous ? Le can­cer vous pré­oc­cupe ? Alors ren­­dez-vous sur le site Inter­net de l’Institut natio­nal du can­cer (Inca) pour faire le quiz « Pré­ven­tion can­cers : 3 minutes pour faire le point ». Bilan per­son­nel : en cli­quant sur les pas­tilles rouges assor­ties d’un point d’exclamation, j’apprends que ma consom­ma­tion d’alcool, asso­ciée à une faible acti­vi­té phy­sique, m’expose à un sur-risque de can­cer du sein. Pour ne pas me décou­ra­ger, l’Inca annonce en gros titre que « 41 % des can­cers peuvent être pré­ve­nus en chan­geant son mode de vie : En 2015, en France, 142 000 nou­veaux cas de can­cer seraient attri­buables à des fac­teurs de risque modi­fiables 7. L’Institut publie l’essentiel des faits et chiffres des can­cers en France, Ins­ti­tut natio­nal du can­cer, 4 février 2019 (e‑cancer.fr). » L’importance res­pec­tive de ces « fac­teurs de risque modi­fiables » est illus­trée par un joli dia­gramme éche­lon­nant divers fac­teurs de risque au pre­mier rang des­quels figurent le tabac (19,8 %), l’alcool (8 %) et la qua­li­té de l’alimentation (consom­ma­tion ou non de viande rouge, fruits, fibres, etc. – 5,4 %). Tout en bas du dia­gramme figurent les « sub­stances chi­miques de l’environnement », qui ne seraient res­pon­sables que de 0,1 % des can­cers. Pour par­ache­ver ce qui a tout l’air d’une démons­tra­tion, suit un autre gros titre : « Croyance : plus de can­cers attri­bués à la pol­lu­tion qu’à l’alcool ». Cette dénon­cia­tion de l’ignorance popu­laire est assor­tie d’un son­dage : « En 2015, plus des deux tiers des Fran­çais pen­saient que “la pol­lu­tion pro­voque plus de can­cers que l’alcool”, alors que […] la pol­lu­tion de l’air exté­rieur est res­pon­sable de moins de 1 % des nou­veaux cas de can­cers dus à des fac­teurs de risque modifiables. »

Tout d’abord, arrê­­tons-nous sur cette for­mule : n’est-il pas éton­nant que la « pol­lu­tion » soit ici résu­mée à « la pol­lu­tion de l’air exté­rieur » ? Qu’en est-il des pes­ti­cides, des nano­par­ti­cules, des per­tur­ba­teurs endo­cri­niens, des phta­lates, des métaux lourds que nous ingur­gi­tons à tra­vers les ali­ments, l’eau, les cos­mé­tiques et les tex­tiles ? des expo­si­tions pro­fes­sion­nelles à toutes sortes de pro­duits can­cé­ri­gènes pro­bables, pos­sibles ou avé­rés dont aucun n’est inter­dit, sauf l’amiante ? Il suf­fit de se repor­ter au dia­gramme pour voir que diverses sources de pol­lu­tions y sont sépa­rées en autant de fac­teurs de risque indui­sant, cha­cune, de très faibles pour­cen­tages de cas de can­cers. Un décou­page pour le moins arbi­traire. En effet, la caté­go­rie « sub­stances chi­miques de l’environnement » pour­rait très faci­le­ment recou­vrir un grand nombre de can­cers attri­bués à l’obésité et au sur­poids, eux-mêmes en par­tie cau­sés par les addi­tifs ali­men­taires, les pes­ti­cides, les per­tur­ba­teurs endo­cri­niens 8… Elle pour­rait aus­si absor­ber en par­tie les cases « expo­si­tions pro­fes­sion­nelles », « radia­tions ioni­santes ». En s’amusant à redé­cou­per ces caté­go­ries, on obtien­drait un taux à deux chiffres, et la pol­lu­tion devien­drait l’une des prin­ci­pales causes de l’épidémie de can­cers actuelle – de quoi démon­trer que la croyance du bas peuple n’est pas tout à fait dénuée de fondement…

D’autres biais impor­tants conduisent les épi­dé­mio­lo­gistes à sous-esti­­mer l’impact de la pol­lu­tion dans l’incidence du can­cer. Ain­si le dia­gramme men­tion­né, est-il pré­ci­sé, ne prend en compte que des fac­teurs de risque et des loca­li­sa­tions de can­cer asso­ciés pour les­quels le lien de cau­sa­li­té est déjà scien­ti­fi­que­ment bien éta­bli, comme le ben­zène pour les leu­cé­mies, l’amiante pour les can­cers du pou­mon. Mais s’il serait déjà impos­sible d’évaluer expé­ri­men­ta­le­ment la noci­vi­té des 248 055 sub­stances chi­miques dûment enre­gis­trées et régle­men­tées à ce jour, et encore moins leurs effets com­bi­nés, que dire des… 35 mil­lions de sub­stances chi­miques dif­fé­rentes qui sont aujourd’hui com­mer­cia­li­sées 9 ?

Par ailleurs, que signi­fie « sub­stance can­cé­ro­gène » ? « Tra­di­tion­nel­le­ment, on ne consi­dère une sub­stance comme can­cé­ro­gène que si elle pro­voque par elle-même des cel­lules can­cé­reuses, explique André Cico­lel­la. Or la bio­lo­gie du can­cer a pro­gres­sé : on sait main­te­nant que de nom­breuses sub­stances inter­viennent dans les très nom­breux méca­nismes du micro-envi­­ron­­ne­­ment de la tumeur. Par exemple, le bis­phé­nol A et cer­tains fon­gi­cides favo­risent la vas­cu­la­ri­sa­tion des cel­lules can­cé­reuses » Cela n’est pas pris en compte dans les esti­ma­tions pré­sen­tées au public.

 

QU’EST-CE QU’UN « CANCER ÉVITABLE » ?

Au-delà d’un pro­blème de déon­to­lo­gie, qui tient au fait de mar­te­ler comme des faits scien­ti­fiques des affir­ma­tions biai­sées, cette approche tra­duit sur­tout une stra­té­gie de san­té publique : lut­ter contre le can­cer en appe­lant cha­cun à modi­fier son com­por­te­ment, ce n’est pas for­cé­ment une mau­vaise idée, comme le montre la baisse d’incidence de cer­tains can­cers liés au taba­gisme chez l’homme. Il est bien légi­time que les poli­tiques de san­té publique incitent les gens à ne pas fumer, boire modé­ré­ment, faire du sport et man­ger des légumes. Le pro­blème vient de cette manière de s’adresser à tout un cha­cun en tant qu’Homo hygie­ni­cus en négli­geant de pen­ser la ques­tion sani­taire en termes de jus­tice sociale. Nous sommes loin d’être égaux et égales face à ces fac­teurs de risque. Man­ger bio coûte plus cher. Une équipe de l’Inserm est même par­ve­nue à mesu­rer que la fré­quen­ta­tion des super­mar­chés dis­count fai­sait gros­sir, compte tenu de la faible qua­li­té de pro­duits bour­rés d’additifs, de sucre, etc. La pos­si­bi­li­té de pra­ti­quer un sport reste un pri­vi­lège pour les familles sur­me­nées par la pré­ca­ri­sa­tion galo­pante de l’emploi. Bref, la notion de « com­por­te­ment » recouvre un fais­ceau de déter­mi­nismes sociaux, ce qui abou­tit à culpa­bi­li­ser les classes popu­laires avec leurs pré­ten­dues « mau­vaises habi­tudes » qui leur sont lar­ge­ment impo­sées – ne serait-ce que par un cadre de vie dans lequel on tombe plus faci­le­ment sur un Bur­ger King que sur un petit mar­ché de pro­duc­teurs bio. Ensuite, la stra­té­gie pré­sen­tant les mau­vaises habi­tudes de vie comme res­pon­sables du can­cer pré­sente l’inconvénient – ou l’avantage, c’est selon – de dédoua­ner les indus­triels des expo­si­tions aux sub­stances can­cé­ri­gènes qu’ils déversent mas­si­ve­ment dans l’environnement depuis plu­sieurs décen­nies. Dans le même temps, elle dédouane les pou­voirs publics de leur inac­tion face à cette pollution.

Le concept de « can­cer évi­table » est emblé­ma­tique de cette approche de san­té publique d’inspiration néo­li­bé­rale. Pour­quoi un can­cer évi­table ne serait-il pas un can­cer que les pou­voirs publics pour­raient évi­ter en pre­nant les mesures les plus directes ? On pour­rait par exemple consi­dé­rer qu’il est plus facile et plus direct d’agir sur l’exposition mas­sive aux pes­ti­cides, qui n’a pas plus de cin­quante ans, que sur la consom­ma­tion d’alcool, une tra­di­tion pas fan­tas­tique sur le plan sani­taire, mais plu­ri­mil­lé­naire et pro­fon­dé­ment ancrée dans les usages. Plus géné­ra­le­ment, n’est-il pas plus effi­cace d’agir sur la pra­tique de quelques dizaines d’industriels – par exemple en inter­di­sant la com­mer­cia­li­sa­tion d’un pro­duit mis en cause par un nombre d’études suf­fi­sant – que sur celle de 67 mil­lions d’individus aux marges de manœuvre très inégales ?

 

« LES ENFANTS ONT LE CANCER, ILS N’ONT NI BU, NI FUMÉ »

En août 2019, dans la salle d’attente du CHU de Rouen où sa fille de 5 ans est soi­gnée pour un neu­ro­blas­tome 10, Char­lène Bache­let a dis­cu­té avec une autre maman, qui vit dans la com­mune d’à côté, en bord de Seine, et dont l’enfant est lui aus­si atteint d’un can­cer. Au fil d’une petite enquête, elles ont dénom­bré, dans un rayon de dix kilo­mètres autour de leur domi­cile res­pec­tif d’Igoville, notam­ment dans la com­mune voi­sine de Pont-de‑l’Arche, en bord de Seine, une dizaine de cas d’enfants atteints, pour la plu­part, de can­cers du sang – soit un taux 100 fois supé­rieur au nombre de cas atten­dus 11. Pen­dant que l’enquête ouverte par l’agence régio­nale de san­té et San­té publique France suit son cours, Char­lène Bache­let, poli­cière muni­ci­pale, a mûri quelques hypo­thèses : « Nous, on n’est vrai­ment pas bio dans la famille, mais cer­tains enfants malades mangent bio depuis leur nais­sance. Nos habi­tudes de vie sont très dif­fé­rentes. Par contre, on a presque tous un petit pota­ger, et dans le voi­si­nage immé­diat, on a une grosse usine de pâte à papier, une usine de métal­lur­gie et une usine de pro­duits vétérinaires. »

Des his­toires sem­blables, il y en a dans toute la France. Dans des com­munes limi­trophes du Haut-Jura, dix enfants de 6 mois à 13 ans ont des can­cers, appre­­nait-on en novembre der­nier 12 ; de même en Loire-Atlan­­tique, dans le voi­si­nage de Sainte-Pazanne, où, depuis 2015, 17 cas ont été recen­sés dans la même zone. Un ques­tion­naire de 47 pages a été sou­mis aux parents, une bat­te­rie de pré­lè­ve­ments a été effec­tuée dans l’école et autour d’un ancien site indus­triel voi­sin. Mais une fois écar­tée la pré­sence d’une source de toxi­ci­té aiguë, l’enquête s’est arrê­tée en novembre 2019. Conclu­sion : il s’agirait d’un « regrou­pe­ment spa­­tio-tem­­po­­rel sans cause com­mune iden­ti­fiée 13 Com­mu­ni­qué de presse, agence régio­nale de san­té, pré­fec­ture de région Pays de la Loire et San­té publique France, 19 novembre 2019. » En d’autres termes, il y a bien un taux anor­mal de can­cers, mais l’agence régio­nale de san­té n’a rien trou­vé pour l’expliquer.

« San­té publique France assure qu’on ne peut pas faire d’études épi­dé­mio­lo­giques à par­tir de regrou­pe­ments de cas à l’échelle des com­munes, pour des rai­sons de métho­do­lo­gie » 14. « Les rai­sons de métho­do­lo­gie sont invo­quées par Jac­que­line Cla­vel, épi­dé­mio­lo­giste à l’Inserm et res­pon­sable du registre des can­cers de l’enfant, contac­tée par télé­phone » s’insurge Marie Thi­baud, mère d’un enfant malade à Sainte-Pazanne et thé­ra­peute fami­liale. « Mais si elle ne peut pas le faire, qui peut ? Ils auraient pu aller voir quels pro­duits sont uti­li­sés dans les cultures agri­coles aux alen­tours, s’intéresser aux effets cock­tail. Les enfants ont le can­cer, ils n’ont ni bu ni fumé, il y a for­cé­ment des causes envi­ron­ne­men­tales. » Face à ce qu’elle résume comme « une volon­té de ne pas cher­cher et de ne pas trou­ver », Marie Thi­baud a créé avec une tren­taine de parents le col­lec­tif Stop aux can­cers de nos enfants. Ils ont lan­cé une col­lecte sur Inter­net pour finan­cer des ana­lyses de l’environnement et des pré­lè­ve­ments sur les che­veux d’une ving­taine d’enfants, afin d’y tes­ter la pré­sence de 1 800 pol­luants orga­niques et 36 métaux toxiques 15.

En Europe, au cours des trente der­nières années, les can­cers de l’enfant ont aug­men­té de 1 à 2 % par an. En France, on recense 2 500 cas chaque année, 500 enfants en meurent. « 500 enfants par an !  Vous ima­gi­nez, si un acci­dent de bus tuait chaque mois qua­rante enfants ? » inter­roge André Cico­lel­la. « Le pro­blème serait pris au sérieux ! » Mais « tout se passe comme si, dans les esprits, la prio­ri­té en termes de gra­vi­té et d’urgence était par prin­cipe liée aux risques infec­tieux, comme si la conta­mi­na­tion chi­mique était par nature incer­taine quant à ses effets sani­taires 16″ On pense à l’émoi que déclenche chaque année l’apparition de foyers de rou­geole, qui donnent lieu à une sur­veillance sys­té­ma­tique dépar­te­ment par dépar­te­ment et à une mobi­li­sa­tion géné­rale des ser­vices de san­té. Depuis 2008, en France, la rou­geole a cau­sé… 17 morts. Pour le toxi­co­logue, l’augmentation des can­cers de l’enfant, preuve acca­blante de la dégra­da­tion de nos milieux de vie, jus­ti­fie d’urgence une vraie refonte des méthodes. « Le sys­tème dys­fonc­tionne, parce qu’on se can­tonne à l’épidémiologie, alors qu’il fau­drait déve­lop­per une vraie “expo­lo­gie”, une science de l’exposition aux pol­luants, croi­sée à une approche toxi­co­lo­gique et épi­dé­mio­lo­gique. Il faut aus­si ces­ser d’aligner l’action publique sur les exi­gences de pro­duc­tion de la véri­té scien­ti­fique. Dans le domaine de la science, il est sain d’entretenir le doute et de ne jamais consi­dé­rer un résul­tat comme défi­ni­tif. Dans le domaine de la san­té publique, c’est désas­treux. Il faut agir à par­tir du moment où on a un cer­tain niveau de pro­ba­bi­li­té. » Dans bien des cas, c’est maintenant.

Celia Izoard.

Interview croisée de Celia Izoard (revue Z), Antoine Klein (Revue Z) et Anne Marchand, chercheuse et membre du Giscop 93 (Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle en Seine-saint-Denis), auteure de “Si vous allez mourir, tapez étoile” (Revue Z n°13) consacré au parcours du combattant de la reconnaissance du cancer comme maladie professionnelle. Émission réalisée par des membres de la librairie Michèle Firk à retrouver sur notre audioblog Les sons des Terrestres :

 

Notes

1. « Esti­ma­tions natio­nales de l’incidence et de la mor­ta­li­té par can­cer en France métro­po­li­taine entre 1990 et 2018 : étude à par­tir des registres des can­cers du réseau Fran­cim – Syn­thèse », Gau­tier Defos­sez et autres, éd. San­té publique France, février 2019.

2. « En France, le décompte des cas de can­cer n’est effec­tué que pour 22 % de la popu­la­tion », Le Monde, 22 jan­vier 2019.

3. « En France, le décompte des cas de can­cer n’est effec­tué que pour 22 % de la popu­la­tion », art. cité. Voir aus­si les vidéos  sur la chaîne You­Tube du col­lec­tif « Trop – Pour­quoi trop de can­cers autour de Sou­laines ? », exemples d’épidémiologie popu­laire qui met en cause l’industrie nucléaire.

4. « Esti­ma­tions natio­nales de l’incidence et de la mor­ta­li­té par can­cer en France métro­po­li­taine entre 1990 et 2018 », étude citée.

5. Les can­cers de l’estomac sont liés à une ali­men­ta­tion fumée et salée, des moyens de conser­va­tion moins uti­li­sés aujourd’hui.

6. Can­cer du sein. En finir avec l’épidémie, éd. Les Petits Matins, 2016.

7. « L’Institut publie l’essentiel des faits et chiffres des can­cers en France », Ins­ti­tut natio­nal du can­cer, 4 février 2019 (e‑cancer.fr).

8. Sur le lien entre pol­lu­tion chi­mique et obé­si­té, voir l’excellente syn­thèse de Fabrice Nico­li­no, Un empoi­son­ne­ment uni­ver­sel, éd. Les liens qui libèrent, 2014, p. 275–280.

9. Ces chiffres très offi­ciels sont cités dans Un empoi­son­ne­ment uni­ver­sel, ouvr. cité, p. 406.

10. Tumeur maligne extracé­ré­brale du sys­tème nerveux.

11. L’affaire est révé­lée dans une série d’articles par Tho­mas Dubois, repor­ter à Paris-Nor­­man­­die, à l’automne 2019.

12. « Can­cers d’enfants anor­ma­le­ment éle­vés dans le Haut-Jura : des com­munes aba­sour­dies par la nou­velle »,  V. Hir­son et autres, 14 novembre 2019 ; et « Can­cers pédia­triques dans le Haut-Jura : “C’est inquié­tant, on se pose plein de ques­tions” », Sophie Cou­ra­geot, 15 novembre 2019, articles dis­po­nibles sur France Info (fran​ce3​-regions​.fran​cet​vin​fo​.fr).

13. « Com­mu­ni­qué de presse », agence régio­nale de san­té, pré­fec­ture de région Pays de la Loire et San­té publique France, 19 novembre 2019.

14. Les rai­sons de métho­do­lo­gie sont invo­quées par Jac­que­line Cla­vel, épi­dé­mio­lo­giste à l’Inserm et res­pon­sable du registre des can­cers de l’enfant, contac­tée par téléphone.

15. « L’introuvable expli­ca­tion des can­cers pédia­triques en France », Patri­cia Jol­ly, Le Monde, 4 février 2020. Voir aus­si la page du col­lec­tif Stop aux can­cers de nos enfants sur Papayoux​-soli​da​rite​.com.

16. Can­cer du sein, ouvr. cité, p. 100.


Mon com­men­taire sera sim­ple­ment de rap­pe­ler cette extra­or­di­naire vidéo (on ne s’en lasse pas – à faire connaître partout) :

Bon cou­rage à tous contre les innom­brables com­plots ds empoi­son­neurs publics.

Étienne.

#CeQui­Per­me­tAuxEm­poi­son­neurs­DAc­ca­pa­rer­Le­Pou­voir­CEst­LÉ­lec­tion

#Pas­De­Sou­ve­rai­ne­té­Po­pu­lai­re­Sans­Ti­ra­geAu­Sort

#Grè­ve­Gé­né­ra­le­Cons­ti­tuante

[Fake constitutions, diviseuses, écrites par des constituants illégitimes et antidémocrates] Frustration Magazine : « UN PROJET SALUTAIRE ! NOS PROPOSITIONS POUR LUTTER CONTRE LE SÉPARATISME »

UN PROJET SALUTAIRE ! NOS PROPOSITIONS POUR LUTTER CONTRE LE SÉPARATISME :


https://​www​.face​book​.com/​F​r​u​s​t​r​a​t​i​o​n​M​a​g​/​p​h​o​t​o​s​/​a​.​1​7​4​1​0​2​1​1​2​7​8​4​4​1​0​/​1​4​3​8​0​3​9​9​0​3​0​5​7​285

Frus­tra­tion Maga­zine : « Nous saluons cette ini­tia­tive du gou­ver­ne­ment. Enfin on ose s’at­ta­quer à un sujet tabou, dont l’am­pleur aug­mente chaque année et qui pour­rit le quo­ti­dien de nom­breux Fran­çais. Le com­mu­nau­ta­risme bour­geois fait de ter­ribles dégâts, en cou­pant une classe sociale du reste de la popu­la­tion et en lui per­met­tant de s’or­ga­ni­ser pour l’ex­ploi­ter et la pré­ca­ri­ser. Ça suf­fit comme ça ! Nous pro­po­sons au pre­mier ministre d’in­té­grer dans son cou­ra­geux pro­jet de loi les mesures suivantes :

- Sup­pres­sion des grandes écoles et attri­bu­tion de leurs moyens à un sys­tème d’en­sei­gne­ment uni­ver­sel et qui abo­lisse la sépa­ra­tion entre for­ma­tions tech­niques, manuelles et intel­lec­tuelles. Les cols blancs imbus d’eux-mêmes cou­pés du ter­rain dans leur tour d’i­voire, nous n’en vou­lons plus, pas plus que l’entre-soi et le petit réseau qu’on cultive dans les écoles de la bour­geoi­sie. Les écoles pri­vées sub­ven­tion­nées, ça suf­fit. Si les bour­geois veulent s’é­du­quer entre eux, qu’ils payent eux-mêmes leurs lieux.

- Inter­dic­tion de la chasse à cour, des quar­tiers rési­den­tiels pri­vés et de l’a­chat d’îles : de plus en plus de nos conci­toyens riches se bar­ri­cadent dans leur propres espaces où ils pra­tiquent des loi­sirs coû­teux et atten­ta­toire à la bio­di­ver­si­té [et au res­pect des êtres sen­sibles]. Il est temps pour eux de se mêler à nou­veau au peuple et de ces­ser de se sépa­rer des autres. Et gra­tui­té pour le péage du Pont de l’Île de Ré : cet endroit est en train de deve­nir une zone de non-droit pour bour­geois, démocratisons-le.

- Fin du mono­pole bour­geois sur la poli­tique : notre Assem­blée natio­nale est pré­emp­tée par des avo­cats, patrons et hauts fonc­tion­naires. Il est temps de mettre fin à ce com­mu­nau­ta­risme poli­tique en impo­sant des quo­tas sociaux à chaque élec­tion. Il y a une moi­tié d’ou­vriers et d’employés dans la popu­la­tion, il nous faut une moi­tié d’ou­vriers et d’employés par­mi nos représentants.

Ce ne sont que quelques mesures d’ur­gences, en sur­face, mais le fond du pro­blème à régler tient évi­de­ment à la façon dont une seule classe sociale tire pro­fit du tra­vail des autres et, accu­mu­lant à chaque géné­ra­tion, se sépare chaque décen­nie un peu plus des lois de la Répu­blique ! La racaille bour­geoise, ça suffit ! »

Signé : Frus­tra­tion magazine

______________________

Mon com­men­taire :

. L’é­lec­tion (par­mi des can­di­dats qu’on peut aider) donne tou­jours le pou­voir aux riches, par construc­tion, méca­ni­que­ment, fata­le­ment, éternellement.

. Le tirage au sort ne donne jamais le pou­voir aux riches, par construc­tion, méca­ni­que­ment, fata­le­ment, éternellement.

. Le choix de la pro­cé­dure – élec­tion ou tirage au sort – incombe aux repré­sen­tés – et sur­tout jamais aux repré­sen­tants, évi­dem­ment. Ce n’est pas aux hommes au pou­voir d’é­crire les règles du pou­voir. C’est aux simples citoyens eux-mêmes, direc­te­ment, d’é­crire et de cor­ri­ger les règles de leur repré­sen­ta­tion. Ils sont les seuls à pou­voir le faire cor­rec­te­ment, struc­tu­rel­le­ment, logiquement.

Le tirage au sort pro­tège la socié­té contre toutes les formes de com­mu­nau­ta­risme (et contre toutes les socié­tés secrètes, d’ailleurs), sans s’en prendre à qui que ce soit en par­ti­cu­lier, sans avoir à dési­gner des boucs émissaires.

Défendre une pro­cé­dure per­met d’é­vi­ter de s’at­ta­quer (vai­ne­ment) à des per­sonnes et de modi­fier (effi­ca­ce­ment) des struc­tures, ce qui per­met de régler –d’un coup et dura­ble­ment – un grand nombre de pro­blèmes qui parais­saient inso­lubles et éternels.

Réflé­chis­sez à ça, on est au niveau des racines de nos tour­ments. Et vous, per­son­nel­le­ment, vous avez un rôle impor­tant à jouer dans le déve­lop­pe­ment de ce plan.

Bon cou­rage à tous.

Étienne.

#Grè­ve­Gé­né­ra­le­Cons­ti­tuante

[Fake suffrage universel : élire n’est pas voter] Les Gilets jaunes, le RIC et Chouard… Et la muselière de la calomnie commode « rouge-brun »

Sou­ve­nir : je vis dans un pays où les vrais oppo­sants poli­tiques sont condam­nés dans les grands médias (et fina­le­ment bâillon­nés) sans jamais leur per­mettre loya­le­ment de se défendre :

Ici, dans cette émis­sion de C dans l’air du 18 jan­vier 2019, les com­men­ta­teurs se trompent : les gilets jaunes et Chouard ne contestent pas « toute forme de repré­sen­ta­tion », ils contestent « toute forme de repré­sen­ta­tion ins­ti­tuée (et ver­rouillée) par les repré­sen­tants », ce qui est tota­le­ment dif­fé­rent : ce n’est pas aux hommes au pou­voir d’é­crire les règles du pou­voir (la consti­tu­tion) ; ce n’est pas aux repré­sen­tants d’é­crire les règles de la repré­sen­ta­tion (la consti­tu­tion) ; ce n’est pas aux élus d’é­crire ou de modi­fier la constitution.

Les repré­sen­tés sont les seuls à être à la fois aptes et légi­times pour écrire et modi­fier la constitution.

Ce que les « élus » appellent men­son­gè­re­ment « le suf­frage uni­ver­sel » est un fake : élire n’est pas voter. Élire, c’est même le contraire de voter : élire, c’est renon­cer à voter.

Ce que les « élus » appellent men­son­gè­re­ment « la démo­cra­tie » est un fake : dans une vraie démo­cra­tie, un homme = une voix pour voter les lois, pas pour dési­gner des maîtres.

Le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif ins­ti­tué par les élus est (depuis le début) un sys­tème de domi­na­tion par­le­men­taire, c’est la néga­tion même de la démo­cra­tie : la répu­blique par­le­men­taire est anti­dé­mo­cra­tique, pen­sée et vou­lue dès son ori­gine, en 1789, comme rem­part contre la démocratie.

La pro­cé­dure de l’é­lec­tion est pro­fon­dé­ment, onto­lo­gi­que­ment (dans son être même), antidémocratique.

La seule pro­cé­dure authen­ti­que­ment démo­cra­tique est le tirage au sort.

La seule élec­tion accep­table en démo­cra­tie est l’é­lec­tion vou­lue et ins­ti­tuée par les élec­teurs eux-mêmes (et évi­dem­ment jamais l’é­lec­tion vou­lue et ins­ti­tuée par les élus).

La consti­tu­tion, c’est le contrat de tra­vail des élus. Ce n’est évi­dem­ment pas aux élus d’é­crire et modi­fier eux-mêmes leur propre contrat de travail

Les médias (tous ven­dus aux riches) ne donnent la parole qu’à l’op­po­si­tion contrô­lée (© 1984, Orwell), celle dont le sys­tème de domi­na­tion n’a rien à craindre. La « Prav­da des mil­liar­daires » (l’en­semble des médias ache­tés par les 9 per­sonnes les plus riches du pays) prive de toute parole les vrais oppo­sants politiques.

Je réclame (mais les tri­cheurs me refu­se­ront) des débats loyaux (démo­cra­tiques, quoi) avec mes contradicteurs.

Mais je doute que des gens comme Rudy Reichs­tadt ou Daniel Schnei­der­mann ou Jean-Michel Apha­tie ou Ali Bad­dou ou Laurent Jauf­frin ou les autres voleurs de droit de parole soient capables (ni aient le cou­rage) d’un tel débat : tout ce dont ils sont capables, appa­rem­ment, c’est de me taper dans le dos, à plu­sieurs, alors que je suis absent, ou atta­ché et bâillon­né… Pas de quoi se vanter.

Mais on lâche rien. Chouard mort ou vif, les Gilets jaunes consti­tuants vaincront 🙂

Étienne.

[Fake tirage au sort, fake démocratie] Sur la Convention Citoyenne pour le Climat, l’analyse de Ronald Mazzoleni

Chers amis,

Ronald Maz­zo­le­ni est un habi­tué du blog dont j’aime les ana­lyses, tou­jours mesu­rées et pertinentes.

Ronald m’a envoyé un tra­vail que je trouve remar­quable sur la récente « conven­tion citoyenne pour le cli­mat », pré­ten­du­ment « tirée au sort » ce qui jus­ti­fie qu’on y réflé­chisse ici.

Je garde de cette lecture :

1) l’i­dée qu’il ne faut jamais tri­po­ter l’é­chan­tillon que pro­duit le tirage au sort, sous peine de perdre com­plè­te­ment les ver­tus du tirage au sort,

2) que l’as­sem­blée tirée au sort doit être sou­ve­raine dans ses tra­vaux, et sur­tout pas liée par un man­dat impé­ra­tif qui fausse gra­ve­ment sa réflexion,

3) que tirer au sort une assem­blée déli­bé­ra­tive sans être tenu le moins du monde par ses conclu­sions est une évi­dente truan­de­rie poli­ti­cienne, une de plus : le tirage au sort doit être ins­ti­tué par les citoyens eux-mêmes, et jamais par des élus (qui sont par essence les pires enne­mis de cette pro­cé­dure pro­fon­dé­ment démocratique).

Mais bon, je recon­nais volon­tiers que je suis plus radi­cal que Ronald 🙂 C’est jus­te­ment ce que j’aime chez lui : il m’aide à me tem­pé­rer (un peu).

Je repro­duis ci-des­­sous son analyse.
Bonne lecture.

Étienne.


Sur la Convention Citoyenne pour le Climat

Chronologie et organisation

La Conven­tion citoyenne pour le cli­mat vient de ter­mi­ner ses tra­vaux et a remis son rap­port au ministre de la Tran­si­tion Écologique.

La pra­tique de la Conven­tion citoyenne des­ti­née à faire des pro­po­si­tions légis­la­tives est déjà connue dans dif­fé­rents pays, mais il s’agit d’une pre­mière en France. Cette Conven­tion, vou­lue par le Pré­sident Macron, a été une ten­ta­tive de réponse au mou­ve­ment des Gilets Jaunes.

Ce mou­ve­ment a eu comme évé­ne­ment déclen­cheur la mise en place de la « taxe car­bone » par le gou­ver­ne­ment en 2018. Celle-ci a été per­çue comme un ins­tru­ment d’ « éco­lo­gie puni­tive » qui pré­ten­dait prendre des mesures envi­ron­ne­men­tales sans se pré­oc­cu­per des consé­quences sociales.

La genèse de la Conven­tion est double. D’une part, le Conseil éco­no­mique, social et envi­ron­ne­men­tal (CESE) a orga­ni­sé un groupe de tra­vail avec un panel de 28 citoyens pour réflé­chir sur l’articulation entre tran­si­tion éco­lo­gique, par­ti­ci­pa­tion citoyenne et jus­tice fis­cale. Il est res­sor­ti de l’avis (« Frac­tures et tran­si­tions ») notam­ment la pro­po­si­tion de jurys citoyens tirés au sort qui pré­pa­re­raient les déci­sions. D’autre part, le col­lec­tif Gilets Citoyens a publié sur le site du Grand Débat Natio­nal une lettre ouverte en jan­vier 2019 pour récla­mer la créa­tion d’une Assem­blée citoyenne tirée au sort pour par­ache­ver ce Grand Débat.

L’idée a été reprise par l’exécutif qui sou­hai­tait béné­fi­cier d’une forme de légi­ti­mi­té popu­laire pour ses mesures en matière d’environnement des repré­sen­tants du col­lec­tif Gilets Citoyens, du CESE et du gou­ver­ne­ment se sont réunis pour pla­ni­fier l’organisation d’une Conven­tion citoyenne sur le cli­mat, qui est annon­cée par Emma­nuel macron dans sa confé­rence de presse du 25 avril.

Suite aux échanges entre le gou­ver­ne­ment, le col­lec­tif Gilets Citoyens et le CESE, il a été conve­nu que :

  • La Conven­tion sera indé­pen­dante du gou­ver­ne­ment, qui n’en pilo­te­ra pas les travaux
  • Les pro­po­si­tions seront reprises « sans filtres », c’est-à-dire que le gou­ver­ne­ment ne les rema­nie­ra pas, avant d’être sou­mise au Par­le­ment ou à refe­ren­dum, ou appli­quées par voie réglementaire
  • Le CESE orga­ni­se­ra la Conven­tion. Un Comi­té de Gou­ver­nance la pilotera.

Les membres du Comi­té de Gou­ver­nance ont été volon­tai­re­ment sélec­tion­nés pour leur spé­cia­li­té tout en équi­li­brant les lob­bys : 3 spé­cia­listes du cli­mat, 3 spé­cia­listes de la démo­cra­tie déli­bé­ra­tive, 4 membres issus du monde éco­no­mique et social, et 2 fonc­tion­naires du minis­tère. On note­ra déjà qu’il n’y a pas de volon­té à ce niveau de repré­sen­ta­ti­vi­té des opi­nions de la popu­la­tion. Par exemple, l’un des membres du comi­té affirme « être prise d’une peur panique en se levant le matin en pen­sant au chan­ge­ment cli­ma­tique », ce qui est une atti­tude très éloi­gnée de celle du Fran­çais moyen.

Le man­dat de la Conven­tion est signi­fié dans une lettre du Pre­mier Ministre Édouard Phi­lippe : « défi­nir les mesures struc­tu­rantes pour par­ve­nir, dans un esprit de jus­tice sociale, à réduire les émis­sions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rap­port à 1990 ». En outre, comme il vien­dra le pré­ci­ser dans son dis­cours d’ouverture, « il n’y a pas d’argent magique », et toutes les mesures qui coûtent doivent avoir un finan­ce­ment qui est pré­ci­sé (dette, impôt ou économies).

Le tirage au sort  a été de manière assez clas­sique effec­tué par un ins­ti­tut de son­dage. 300.000 numé­ros de télé­phone ont été géné­rés auto­ma­ti­que­ment, pour obte­nir à la fin 150 membres et 40 sup­pléants. Il était signi­fié à la per­sonne appe­lée que « La Conven­tion Citoyenne Pour le Cli­mat annon­cée par le Pré­sident Emma­nuel Macron est orga­ni­sée par le Conseil éco­no­mique, social et envi­ron­ne­men­tal. L’objectif de cette conven­tion est d’aller plus loin et plus vite dans la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique et de don­ner davan­tage de place à la par­ti­ci­pa­tion citoyenne dans la déci­sion publique. » et il leur était deman­dé s’ils accep­taient de par­ti­ci­per. L’échantillon a été consti­tué pour être repré­sen­ta­tif de la popu­la­tion en ce qui concerne : le sexe, l’âge, le diplôme, la caté­go­rie socio-pro­­fes­­sion­­nelle, le type de ter­ri­toire, la zone géographique.

Le sou­ci de repré­sen­ta­ti­vi­té de l’échantillon a été très pous­sé. On remar­que­ra la prise en compte du type de ter­ri­toire (urbain/périurbain/rural). On aurait éven­tuel­le­ment aller plus loin en sélec­tion­nant aus­si selon l’orientation politique.

C’est le Comi­té de Gou­ver­nance qui a orga­ni­sé le pro­gramme de la Conven­tion et notam­ment sélec­tion­né les experts et inter­ve­nants. Comme il est d’usage dans ce type d’exercice, les par­ti­ci­pants ont eu le droit de faire recher­cher telle ou telle infor­ma­tion, ou d’ajouter ou de sup­pri­mer des inter­ve­nants. Dans leur ensemble, ces der­niers sont, comme on s’y attend, des per­sonnes enga­gées dans la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. C’est aus­si le Comi­té de Gou­ver­nance qui défi­nit les thèmes à abor­der. Un point inté­res­sant : au début des tra­vaux, des citoyens membres de la conven­tion ont pu pos­tu­ler pour inté­grer le Comi­té. Un tirage au sort a eu lieu pour en sélec­tion­ner deux. Les déci­sions au sein du Comi­té se prennent par consensus.

Trois « garants » nom­més par les pré­si­dents de la chambre, du sénat et du CESE sur­veillaient l’indépendance des travaux.

Une équipe d’animation, char­gé d’organiser les échanges, était com­po­sée de pro­fes­sion­nels de l’accompagnement de débat citoyens (Euro­group Consul­ting, Mis­sions Publiques, Res publica).

Un « groupe d’appui », sélec­tion­né par le Comi­té de Gou­ver­nance ras­sem­blait des « experts ». Ceux-ci étaient char­gés notam­ment d’évaluer si la Conven­tion rem­plit bien l’objectif qui lui a été fixé, à savoir si leurs mesures pré­co­ni­sées per­met­tront bien de réduire les émis­sions de 40 %. Ce sont des « véri­fi­ca­teurs d’impact » (sic).

Des Cher­­cheurs-Obser­­va­­teurs sont des membres de groupes de recherche (CEVIPOF, etc) qui ont pos­tu­lé pour obser­ver et étu­dier le fonc­tion­ne­ment de la conven­tion. On peut donc ima­gi­ner pro­chai­ne­ment des rap­ports inté­res­sants sur son déroulement.

Enfin, un « Comi­té légis­tique » regrou­pait de juristes, enga­gés dans les matières envi­ron­ne­men­tales, char­gés de trans­crire les pro­po­si­tions de la Conven­tion en textes juri­diques qui pour­ront être sou­mis aux ins­tances légitimes.

Les tra­vaux se sont tenus d’octobre 2019 à juin 2020, sur 7 ses­sions de 3 jours. Les membres étaient défrayés (86 euros/jour + 10 euros/heures pour les per­sonnes venant sur leur temps de tra­vail). Loge­ment, tra­jets, repas, garde d’enfants étaient assu­rés. Entre les ses­sions, les membres pou­vaient conti­nuer à être en contact et à tra­vailler via une pla­te­forme en ligne.

Le public a pu aus­si par­ti­ci­per en ligne aux pro­po­si­tions. Il y a eu plu­sieurs mil­liers d’interventions de ce type.

L’ensemble du bud­get a été de 5 mil­lions d’euros (ce type d’organisation est donc uni­que­ment acces­sibles à des pou­voirs publics, cette somme n’aurait pas pu être réunie par des particuliers).

On peut retrou­ver les videos des ses­sions sur la chaine You­tube du CESE. Bizar­re­ment, seule une par­tie de ces tra­vaux étaient fil­més. On ne dis­pose pas non plus mal­heu­reu­se­ment de comptes-ren­­dus publics écrit des auditions.

Le tra­vail était consti­tué d’activités plé­nière (à 150), ain­si que d’ateliers en petit groupes tirés au sort pour tra­vailler sur les dif­fé­rents thèmes. Le tra­vail en petit groupe per­met la prise de parole de tous. Mais bien enten­du, tout le tra­vail d’échantillonnage pour repré­sen­ter la popu­la­tion fran­çaise est entiè­re­ment per­du dès lors que l’on tra­vaille en sous-groupes. Ceux-ci ne reflètent plus sta­tis­ti­que­ment la popu­la­tion. C’est un biais connu des pra­ti­ciens de la démo­cra­tie déli­bé­ra­tive pour qui il suf­fit que le panel soit « diver­si­fié » plu­tôt que stric­te­ment repré­sen­ta­tif. On bute ici sur la limite entre la repré­sen­ta­ti­vi­té et les pos­si­bi­li­tés concrètes de délibérer.

Les tra­vaux semblent s’être dérou­lés sans accroc majeur. La par­ti­ci­pa­tion ne s’est pas étio­lée et il y avait à la fin encore plus de 140 per­sonnes pour voter les pro­po­si­tions finales (c’était le quo­rum néces­saire pour que le suf­frage final soit consi­dé­ré comme valide). Le vote se fai­sait par pro­po­si­tion, puis sur l’ensemble.

Le rap­port de 460 pages com­porte 149 pro­po­si­tions. Elles ont recueilli en géné­ral plus de 95 % de suf­frages posi­tifs. L’objectif de réduc­tion des gaz à effet de serre est com­bi­né avec une volon­té d’acceptabilité sociale. Une par­tie d’entre elles, mais pas toutes, ont bien reçu une trans­crip­tion juri­dique en pro­po­si­tion de loi ou autre. La bonne volon­té de l’équipe juri­dique pour appuyer les membres de la conven­tion est mani­feste. Ceci s’explique sans doute par le fait que ces juristes sont eux-mêmes enga­gés dans le domaine de l’écologie.

L’un des prin­ci­paux pro­blèmes de la réduc­tion des émis­sions de gaz a effet de serre a bien été per­çu : « Nous avons conscience que les pro­po­si­tions déve­lop­pées dans le cadre de la Conven­tion citoyenne pour le cli­mat et plus lar­ge­ment de la tran­si­tion éco­lo­gique ren­dront cer­taines acti­vi­tés en France et en Europe moins com­pé­ti­tives sur le mar­ché. Il faut donc s’assurer que les pro­duits faits en France et en Europe ne soient pas désa­van­ta­gés, ou encore, que des entre­prises soient ten­tées de délo­ca­li­ser leur acti­vi­té plu­tôt que de la ver­dir. » Si les acti­vi­tés indus­trielles pro­dui­sant des gaz à effet de serre sont détruites en France pour être recons­truite en Chine, et que les mêmes pro­duits sont ensuite réim­por­tés en France, l’intérêt est nul. La réforme serait même nui­sible à la France. Pour résoudre ce dilemme, il est pro­po­sé d’instaurer une bar­rière euro­péenne à l’entrée de ces pro­duits. Mais cette idée n’a pas été sou­mise à l’équipe juri­dique pour envi­sa­ger de la trans­crire en pro­po­si­tion de loi. 

Le rap­port intègre aus­si l’expression des avis dis­cor­dants sur les pro­po­si­tions votées, ain­si que les pro­po­si­tions qui ont été rejetées.

Après la remise du rap­port, le Pré­sident a bien accep­té toutes les pro­po­si­tions, sauf trois :

  • La taxe sur les dividendes
  • La limi­ta­tion à 110 km/h sur autoroute
  • La modi­fi­ca­tion du pré­am­bule de la constitution

Cette der­nière pro­po­si­tion pré­voyait l’ajout d’un para­graphe : « La conci­lia­tion des droits, liber­tés et prin­cipes qui en résultent ne sau­rait com­pro­mettre la pré­ser­va­tion de l’environnement, patri­moine com­mun de l’humanité. ». Même si celle-ci ne fai­sait pas l’unanimité au sein de la conven­tion (76 % de suf­frages favo­rables), elle témoigne tout de même de la radi­ca­li­té qui res­sort de cer­taines propositions.

La limi­ta­tion de la vitesse sur auto­route a aus­si été jugée trop cli­vante par Emma­nuel Macron qui avait déjà une mau­vaise expé­rience de la limi­ta­tion de la vitesse sur les routes nationales.

Il est inter­pel­lant que dans ces deux cas l’assemblée tirée au sort appa­raît plus radi­cale et le repré­sen­tant élu plus consensuel.

Quelques jours plus tard, c’est le ministre de l’économie Bru­no Lemaire qui s’oppose à son tour à cer­taines propositions.

Analyse

Qu’en rete­nir ?

Tout d’abord l’avancée que repré­sente la pre­mière orga­ni­sa­tion d’une conven­tion de citoyens tirés au sort ayant pour but de pré­sen­ter des pro­po­si­tions légis­la­tives. La France comble donc en par­tie son retard démo­cra­tique. [Ronald est vrai­ment trop gen­til 🙂 ÉC]

La réa­li­sa­tion pra­tique est un suc­cès. L’organisation logis­tique s’est faite selon les usages pra­ti­qués ailleurs dans ce genre de panel citoyens. Les par­ti­ci­pants se sont enga­gés, ont été pré­sents tout au long du man­dat, et ont remis leurs pro­po­si­tions confor­mé­ment au cahier des charges. La sur­ve­nue de la pan­dé­mie à coro­na­vi­rus au cours de l’exercice n’avait en outre pas faci­li­té les choses.

Les délais ont été tenus et ont été suf­fi­sants pour que les membres s’imprègnent du sujet et déve­loppent une série de pro­po­si­tions cohérentes.

Ceci ne doit pas nous aveu­gler sur ce dont il s’est agi. Nous ne sommes pas en face d’une assem­blée de citoyens qui fait sa propre loi. Elle a agi expli­ci­te­ment selon un man­dat. Man­dat qui lui a été don­né par le gou­ver­ne­ment : « réduire les émis­sions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 ». Les membres de la conven­tion n’ont pas eu l’initiative d’évaluer si ce but était per­ti­nent. C’est le gou­ver­ne­ment qui le défi­nit, et la conven­tion a la charge de le trans­crire en pro­po­si­tion de loi. On est en en face de l’équivalent poli­tique de ce qu’on appelle dans l’entreprise le « mana­ge­ment par objec­tif », méthode jugée plus moti­vante pour les exé­cu­tants : la direc­tion fixe des objec­tifs à atteindre, et les tra­vailleurs ont la liber­té d’employer les moyens qu’ils dési­rent pour le faire.

Le Comi­té de Gou­ver­nance a été consti­tuée de manière impro­vi­sée et sans légi­ti­mi­té. Il a été com­po­sé de membres dési­gnés pour moi­tié par le CESE, pour moi­tié par le col­lec­tif Gilets citoyens. La com­pé­tence a été pri­vi­lé­giée sur la repré­sen­ta­ti­vi­té, et l’on se retrouve avec un Comi­té homo­gène idéo­lo­gi­que­ment (pour faire bref : « de gauche et éco­lo­giste »). Cette homo­gé­néi­té se réper­cute dans l’ensemble de la struc­ture. On com­prend aisé­ment que pour une pre­mière ten­ta­tive de ce genre de conven­tion, ini­tiée en plein mou­ve­ments des Gilets Jaunes, on ne se soit pas encom­bré de for­ma­lisme. Et qu’il était néces­saire que cet essai réus­sisse pour pou­voir asseoir la légi­ti­mi­té de la méthode. Une homo­gé­néi­té dans l’organisation était une garan­tie pour un bon fonc­tion­ne­ment sur la durée. Mais cela ne peut deve­nir une règle. Il suf­fit d’imaginer une Conven­tion sur l’Immigration où un membre de Comi­té orga­ni­sa­teur explique « être pris d’une peur panique en se levant le matin en pen­sant aux arri­vées d’immigrés » pour com­prendre qu’un mini­mum de neu­tra­li­té de ce Comi­té est néces­saire. À noter que même le peu de diver­gence qu’il y avait en son sein a été cri­ti­qué : cer­tains ont repro­ché à l’un de ses membres, d’avoir été diri­geante d’une com­pa­gnie minière et donc de ne pou­voir y sié­ger (en fin de compte, elle a néan­moins été maintenue).

On peut tou­jours se satis­faire de l’absence de repré­sen­ta­ti­vi­té du Comi­té de Gou­ver­nance si celui-ci ne se mêle pas des tra­vaux. Mais dans cette expé­rience, c’est lui qui a sélec­tion­né les experts qui s’adressent à l’assemblée. Sélec­tion­ner les inter­ve­nants, c’est sélec­tion­ner l’information qui sera four­nie, et donc les solu­tions qui sor­ti­ront des débats. Encore une fois, s’agissant d’un pre­mier essai, cela est excu­sable pour s’assurer que les tra­vaux « roulent » bien, mais il est à l’avenir néces­saire que ce soient les citoyens eux-mêmes qui fixent leur pro­gramme et leurs interlocuteurs.

Plus grave et plus dif­fi­cile à cor­ri­ger est le pro­ces­sus de sélec­tion des membres. Tous les modes de sélec­tions ont leur biais. Mais il s’agit de plus que cela. Le man­da­taire (le gou­ver­ne­ment) fixe ici l’objectif : réduire de 40 % les émis­sions de gaz à effet de serre. Il ne s’agit pas pour l’assemblée de se ques­tion­ner sur les pro­blèmes éco­lo­giques ; le pro­blème est déjà posé et la solu­tion avan­cée. Il faut seule­ment des volon­taires pour mettre en œuvre le man­dat fixé. Aus­si, toutes les per­sonnes pour qui le pro­blème du cli­mat n’est pas une prio­ri­té ou pour qui la solu­tion n’est pas adé­quate ne sont pas invi­tées à se pro­non­cer. Cela est bien expli­cite dans l’accroche télé­pho­nique rédi­gée par l’institut de son­dage qui recrute les citoyens. Cette sélec­tion par l’objectif se réper­cute immé­dia­te­ment dans la com­po­si­tion de l’assemblée. Lorsque le pre­mier jour des tra­vaux, un ani­ma­teur demande à la conven­tion « qui est venu pour l’urgence d’agir au niveau cli­ma­tique ? », 100 % de l’assemblée se lève, et quand il est deman­dé « qui pense tous les jours au chan­ge­ment cli­ma­tique », envi­ron 40 % se lève. Il faut être clair : une conven­tion ain­si consti­tuée n’est pas un échan­tillon repré­sen­ta­tif de la popu­la­tion fran­çaise, mais une assem­blée de volon­taires pour appli­quer les direc­tives du commanditaire.

Il semble même que ce risque n’ait pas été per­çu par l’exécutif. Cer­tains de ses membres, une fois le rap­port remis, appa­raissent sur­pris par la radi­ca­li­té de cer­taines pro­po­si­tions. Ain­si, si la pro­po­si­tion de réduire la vitesse sur auto­route a été votée par 60 % des membres de la conven­tion, elle est reje­tée dans un son­dage par 75 % des Fran­çais. L’idée est fina­le­ment repous­sée par Emma­nuel Macron. Certes, le prin­cipe d’une conven­tion est par la déli­bé­ra­tion de faire évo­luer les posi­tions, et des per­sonnes qui se sont for­mées au sujet vote­ront dif­fé­rem­ment d’un échan­tillon son­dé dans la popu­la­tion géné­rale. Mais on ne peut nier ici l’impact du mode de recru­te­ment. On abou­tit au résul­tat para­doxal que les élus ont une opi­nion plus en phase avec le peuple que le panel sélec­tion­né par tirage au sort. [Moi, j’au­rais mis des guille­mets à « tirage au sort » 🙂 ce qui aurait fait dis­pa­raître et le para­doxe et la sur­prise… ÉC]

En ima­gi­nant l’hypothèse où la Conven­tion n’aurait pas reçu un man­dat gou­ver­ne­men­tal avec un objec­tif fixé en matière de réduc­tion de gaz a effet de serre, mais aurait sim­ple­ment eu la mis­sion de « pro­po­ser un pro­gramme de mesures envi­ron­ne­men­tales », le biais de sélec­tion aurait été moindre mais n’aurait pas dis­pa­ru. Il est connu qu’il y a dans la sélec­tion des jurys citoyens un biais lié aux sujets pro­po­sés. Ce sont les citoyens les plus inté­res­sés par le sujet qui acceptent le plus volon­tiers la convo­ca­tion. Si l’accroche télé­pho­nique avait consis­té en « Une conven­tion est orga­ni­sée pour pro­po­ser un pro­gramme envi­ron­ne­men­tal pour la France, vou­­lez-vous y par­ti­ci­per ? », il y aurait quand même eu une sur­re­pré­sen­ta­tion de per­sonnes se sen­tant concer­née par l’écologie dans le panel. Et on peut parier que les per­sonnes « inté­res­sée par l’environnement » sont aus­si celles qui sont les plus ten­tée de prendre des mesures visant à pro­té­ger l’environnement. De même que par exemple des per­sonnes « inté­res­sées par le sujet de la fin de vie » seraient cer­tai­ne­ment en fait plus pro-eutha­­na­­sie que la popu­la­tion géné­rale. Il y a de ces sujets où le fait de s’y inté­res­ser implique en pra­tique de pen­cher vers une cer­taine opi­nion sur la question.

Com­ment sup­pri­mer ce biais ? On peut ima­gi­ner plu­sieurs solutions.

Cer­tains orga­ni­sa­teurs de jurys citoyens sélec­tionnent les can­di­dats par des ques­tion­naires de manière à éli­mi­ner ceux qui ont déjà une opi­nion bien ancrée sur le domaine. Cela à l’avantage aus­si d’éviter de pola­ri­ser la déli­bé­ra­tion, mais ce genre de sélec­tion est assez dif­fi­cile à jus­ti­fier démocratiquement.

On pour­rait créer une assem­blée per­ma­nente de citoyens tirés au sort (en chan­geant par exemple le mode de recru­te­ment du CESE). Ils auraient alors pen­dant tout leur man­dat à déli­bé­rer sur toutes sortes de sujets qu’ils n’ont pas volon­tai­re­ment choi­si. Mais on retombe alors dans une forme de pro­fes­sion­na­li­sa­tion de la déli­bé­ra­tion que l’on vou­lait jus­te­ment éviter.

On pour­rait recru­ter les membres de la conven­tion tirés au sort sans les aver­tir du sujet, ils ne le décou­vri­raient qu’une fois le pro­ces­sus accep­té. Mais il y aurait alors un grand risque d’abandons en cours de tra­vaux, si les per­sonnes ne sont pas du tout inté­res­sées par le sujet.

Le mieux serait peut-être, dès lors, que les Ins­ti­tuts char­gés de recru­ter les membres des conven­tions consti­tuent à l’avance une réserve de can­di­dats citoyens qui s’engagent à par­ti­ci­per à une pro­chaine assem­blée quel que soit le sujet. Lorsqu’une nou­velle conven­tion est orga­ni­sée, il suf­fi­rait alors de tirer au sort dans cette réserve. On aurait alors un panel à la fois repré­sen­ta­tif et moti­vé. La seule réserve est qu’ils ne pour­ront par par­ti­ci­per à des jurys dont le thème est la par­ti­ci­pa­tion citoyenne à la vie démo­cra­tique, leurs opi­nions sur ce point étant alors jus­te­ment trop biai­sé par rap­port à la popu­la­tion générale.

Il est impor­tant de réduire ce déca­lage entre l’opinion des panels tirées au sort et la popu­la­tion géné­rale. À défaut, les déci­sions prises par ces assem­blées seront reje­tées par l’opinion publique, ce qui mena­ce­rait rapi­de­ment la légi­ti­mi­té de la méthode. Cepen­dant, si les per­sonnes recru­tées ne sont pas par­ti­cu­liè­re­ment au fait des ques­tions abor­dées dans la conven­tion à laquelle ils par­ti­cipent, il fau­dra sans doute tenir compte d’un plus long délai pour qu’ils se docu­mentent et com­prennent bien les enjeux.

Concer­nant la trans­crip­tion juri­dique des pro­po­si­tions, cela ne semble pas un obs­tacle. L’aide d’une équipe de juristes est tout à fait effi­cace. Sur ce point, le fait que ceux-ci aient un a prio­ri favo­rable par rap­port aux tra­vaux de l’assemblée semble un avantage.

Enfin, il faut se rap­pe­ler que cette conven­tion citoyenne n’a pas de rôle offi­ciel dans l’élaboration de la loi. Ce que l’exécutif a ici accep­té a été ce qu’il pou­vait faire de mieux en l’état actuel des ins­ti­tu­tions. Il a été pro­mis que les pro­po­si­tions seraient trans­mises pour appli­ca­tion régle­men­taire, ou pour être sou­mise au par­le­ment ou à réfé­ren­dum. La voie légis­la­tive n’a pas chan­gé, et actuel­le­ment la mise en œuvre des pro­po­si­tions de ce genre de conven­tion reste sou­mise au bon vou­loir du per­son­nel poli­tique en place. Si l’on veut ancrer les méthodes de démo­cra­tie déli­bé­ra­tive dans la vie poli­tique du pays, il est néces­saire de consa­crer une place ins­ti­tu­tion­nelle à ces assem­blées citoyennes.

 

Préconisations

Il était envi­sa­gé, si l’expérience de la conven­tion citoyenne était un suc­cès, de la réité­rer. Afin d’en amé­lio­rer l’organisation à l’avenir, les mesures sui­vantes semblent nécessaires :

  • Défi­nir dans les textes la place de ces conven­tions dans le pro­ces­sus légis­la­tif, pré­ci­ser leur mode de fonc­tion­ne­ment, leur sélec­tion ain­si que la dési­gna­tion des dif­fé­rentes instances.
  • Assu­rer la diver­si­té du Comi­té de Gou­ver­nance, avec une repré­sen­ta­tion des opi­nions oppo­sées sur le thème traité.
  • Réduire l’emprise du Comi­té sur le pro­gramme et la sélec­tion des inter­ve­nant, et accroître l’autonomie de l’assemblée dans ce domaine.
  • Bien dis­tin­guer si l’objet de la conven­tion est la mise en œuvre d’objectifs fixés par le com­man­di­taire ou si les citoyens tirés au sort ont toute lati­tude pour s’emparer d’un thème donné.
  • S’assurer lors de la sélec­tion d’une réelle repré­sen­ta­ti­vi­té du panel par rap­port aux dif­fé­rentes opi­nions dans la popu­la­tion fran­çaise vis-à-vis du thème.

Ronald Maz­zo­le­ni.


Réfé­rences

- Le site de la Conven­tion Citoyenne pour le Cli­mat (avec notam­ment les videos de la pre­mière jour­née) : https://​www​.conven​tion​ci​toyen​ne​pour​le​cli​mat​.fr/

- Le rap­port final : https://​pro​po​si​tions​.conven​tion​ci​toyen​ne​pour​le​cli​mat​.fr/​p​d​f​/​c​c​c​–​r​a​p​p​o​r​t​–​f​i​n​a​l​.​pdf

- Le site du col­lec­tif Gilets Citoyens : https://​gilets​ci​toyens​.org/

- L’avis du CESE « Frac­tures et Tran­si­tions » : https://​www​.lecese​.fr/​t​r​a​v​a​u​x​–​p​u​b​l​i​e​s​/​f​r​a​c​t​u​r​e​s​–​e​t​–​t​r​a​n​s​i​t​i​o​n​s​–​r​e​c​o​n​c​i​l​i​e​r​–​l​a​–​f​r​a​nce

- Four­niau JM., 2019, La sélec­tion des mini-publics. Entre tirage au sort, moti­va­tion et dis­po­ni­bi­li­té, Par­ti­ci­pa­tions, 373–400 : https://​www​.cairn​.info/​r​e​v​u​e​–​p​a​r​t​i​c​i​p​a​t​i​o​n​s​–​2​0​1​9​–​H​S​–​p​a​g​e​–​3​7​3​.​h​tml#

[Sur notre humaine vulnérabilité aux bobards] Apprendre à se méfier des histoires officielles

L’his­toire des pay­sans a été écrite par les citadins 

l’his­toire des nomades a été écrite par les sédentaires 

L’his­toire des chas­­seurs-cueilleurs a été écrite par les agriculteurs 

L’his­toire des peuples sans État a été écrite par les scribes du palais 

Elles sont toutes réper­to­riées dans les archives sous le nom de « Chro­niques barbares »

Auteur ano­nyme

cité par James C. Scott dans son livre pas­sion­nant, « Homo domes­ti­cus. Une his­toire pro­fonde des pre­miers États », 2017, p 234.