[Catalogne, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes] Jordi Cuixart, Catalan emprisonné pour résistance à l’oppression : 17 leçons de démocratie, leçons de dignité (magnifique vidéo, 5 min)

20/02/2021 | 2 commentaires

Un message de Jordi Cuixart, juste avant son procès, il y a 2 ans, en février 2019, depuis une prison espagnole :

« Je suis Jordi Cuixart, président d’Òmnium Cultural, la plus grande ONG culturelle de Catalogne. Je suis en prison préventive depuis plus de quinze mois pour avoir organisé des manifestations massives et toujours pacifiques en défense du droit à l’autodétermination de la Catalogne. Je suis le prisonnier politique d’un système juridico-exécutif espagnol hérité du franquisme. Oui, en Espagne le franquisme a survécu à la transition démocratique et les organes juridiques d’exception chargés de juger les dissidences politiques ont été maintenus.

En l’occurrence s’ouvre ce 12 février devant la Cour suprême espagnole, à Madrid, un procès contre la démocratie. Je serai assis sur le banc des accusés aux côtés de six anciens membres du gouvernement catalan, de l’ancienne présidente du parlement et de l’ancien président d’une autre grande ONG. J’encours jusqu’à dix-sept ans de prison pour des actes que je n’ai pas commis. Je serai jugé pour un crime de rébellion comme a pu l’être le général Tejero suite à sa tentative armée de coup d’État au parlement espagnol en 1981.

Ce crime imaginaire que j’aurais commis nécessite un processus de violence caractérisé qui n’a jamais eu lieu. Je serai également accusé du crime de sédition, qui exige un soulèvement populaire qui empêcherait l’application des lois ou l’actuation des autorités. Là aussi, c’est une pure invention. Ce procès a pour but de juger des hauts responsables catalans et les aspirations démocratiques de plus 80% de la population en Catalogne de décider de son avenir dans les urnes. Dépassé, Madrid répond à cette volonté populaire par la répression physique et judiciaire.

Nos libertés fondamentales sont en péril et cette parodie de procès, où la sentence à une lourde peine de prison semble par ailleurs déjà écrite, sera mise sous le feu des projecteurs de la communauté internationale. Aux yeux de celle-ci, les accusés seront déclarés non coupables et l’État, coupable de son incapacité à dialoguer, verra sa crédibilité s’effondrer. Critiqué pour la politisation de son système judiciaire et son manque de transparence, ce procès est l’expression d’un État en grande souffrance démocratique.

Être en prison me permet d’accuser l’État de violer nos droits fondamentaux. Rousseau dit que «renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs», je n’y renoncerai pas ! Le respect des droits de l’homme est une base solide qui doit régir nos sociétés démocratiques. Aujourd’hui, en Espagne, ces droits sont bafoués sur l’autel de l’unité constitutionnelle. «I have a dream» qu’un jour l’État espagnol, un État étouffé par l’héritage du franquisme, se transforme en une oasis de démocratie. La crise est à la fois politique et démocratique. La réponse judiciaire qui est apportée ne fait que catalyser les tensions alors que seuls le dialogue et une issue politique permettront de les résoudre. »

Jordi Cuixart, 11/2/2019.
Source : https://www.tdg.ch/reflexions/proces-democratie-s-ouvre-madrid/story/25853737

Et puis une protestation sur la condamnation à 9 ans de prison (!) pour ces opposants politiques pacifiques :

Jordi Cuixart, condamné à 9 ans d’emprisonnement pour avoir exercé des droits fondamentaux

Barcelone, le 14 octobre 2019 – La Cour suprême espagnole a condamné Jordi Cuixart, président d’Òmnium Cultural, à purger une peine de 9 ans de prison pour le délit de sédition, délit qu’il n’a pas commis. Toutes ses actions ont été pacifiques, civiques et dans l’exercice de ses droits civils. Cette décision de justice représente une attaque directe aux droits fondamentaux de Jordi Cuixart et des autres accusés, ainsi que la pénalisation du droit de manifestation pacifique pour tous les citoyens de l’Etat espagnol.

La décision de justice constitue une attaque contre les libertés d’expression et de manifestation

Le président de l’Òmnium a été injustement mis en examen, inculpé et finalement condamné à une peine de prison pour avoir organisé une manifestation pacifique le 20 septembre 2017 et pour avoir appelé publiquement à participer au référendum d’autodétermination du 1er octobre 2017. Il a été emprisonné en date du 16 octobre de cette année-là et a donc passé pratiquement 2 ans en détention provisoire.

Toutes ces actions s’inscrivent dans le cadre de l’exercice de droits fondamentaux comme la liberté d’expression et le droit de manifestation, inclus et protégés par la Constitution espagnole, la Charte des droits fondamentaux de l’UE, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU et des ONG telles qu’Amnisty International, l’Organisation mondiale contre la torture ou la Front Line Defenders, ont dénoncé cela et ont réclamé sa mise en liberté.

Il n’y a pas eu de sédition: Jordi Cuixart a agit de manière pacifique et civique

Jordi Cuixart a exercé le droit de réunion pacifique et sa liberté d’expression, au même titre que tous les citoyens qui ont participé à la manifestation du 20 septembre 2017. Considérer une manifestation massive comme une émeute, et donc un délit de sédition, c’est une attaque au pluralisme idéologique et une criminalisation de toute mobilisation massive.

Manifestations et actions prévues pour les jours et semaines à venir

En réponse à la décision de justice, des mobilisations de citoyens sont attendues dans les principales villes de Catalogne. Ce midi, les représentants de la société civile catalane (indépendantistes et nonindépendantistes) se sont concentrés à Barcelone pour démontrer leur unité face à la décision de justice de la Cour suprême. La concentration a compté sur la participation des principaux syndicats et des organisations patronales de Catalogne. Des actions massives seront prochainement annoncées pour les jours et semaines à venir.

INFORMATIONS GÉNÉRALES

Jordi Cuixart est le président de l’Òmnium Cultural, l’ONG culturelle et de défense des droits de l’homme la plus importante de Catalogne et d’Espagne, avec plus de 170 000 membres. Le 16 octobre 2017, il a été emprisonné pour avoir organisé et participé à une manifestation le 20 septembre de cette année-là, pour protester contre la détention de 16 membres du gouvernement catalan qui étaient prétendument en train d’organiser le référendum du 1er octobre. Depuis lors, ils ont passé 2 ans en détention provisoire.

Le 1er octobre 2017, 2,3 millions de citoyens ont participé à un référendum préalablement suspendu par le Tribunal constitutionnel. En réponse à cela, le gouvernement espagnol a déployé 10 000 agents de la Police nationale et de la Guardia Civil (force de police espagnole à statut militaire) et a usé de violence à l’égard des votants, en blessant, selon les services de santé, plus de 1 000 personnes. À ce jour, les pouvoirs publics espagnols n’ont pas respecté leur obligation d’enquêter sur la violence policière, conformément à la demande de divers organismes internationaux.

Et, paradoxalement, les personnes qui se sont employées à matérialiser un référendum d’autodétermination sur le futur politique de la Catalogne, un instrument politique défendu par 80 % de la société catalane, ont été poursuivies en justice ; ce même pourcentage s’oppose à la judiciarisation du conflit. Par ailleurs, des observateurs internationaux comme International Trial Watch, la Fédération Internationale des droits de l’homme et EuroMed Rights ont relevé des irrégularités au cours de la procédure judiciaire.

Appels d’organisations internationales

Appel du GTDA de l’ONU au gouvernement espagnol

Communiqués des ONG internationales

Communiqué d’Amnesty International
Communiqué de l’Organisation mondiale contre la torture
Communiqué du Front Line Defenders
Communiqué de l’International Trial Watch
Communiqué de la Fédération internationale des droits de l’homme et d’EuroMed Rights

Source : https://www.omnium.cat/fr/jordi-cuixart-condamne-a-9-ans-demprisonnement-pour-avoir-exerce-des-droits-fondamentaux/

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2 Commentaires

  1. Étienne CHOUARD

    La Dépêche, 11 février 2019 :

    En détention provisoire depuis le 16 octobre 2017, Jordi Cuixart (43 ans) fait partie des 12 leaders indépendantistes catalans qui seront jugés à partir de demain par le Tribunal Suprême pour l’organisation du référendum du 1er octobre 2017 et la tentative de sécession de la Catalogne. Leader d’Omnium Cultural, une association culturelle indépendantiste, Cuixart est accusé de rébellion et de sédition. La justice lui reproche d’avoir mobilisé les foules pour bloquer des perquisitions judiciaires et occuper des bâtiments publics lors du référendum. Le parquet réclame contre lui 17 ans de prison. A quelques jours de ce procès très médiatique, l’activiste, plus déterminé que jamais, a accepté de répondre à nos questions, par courrier, depuis la prison de Lledoners près de Barcelone, où il était incarcéré jusqu’à son transfert à Madrid il y a 10 jours. Demain, c’est en catalan qu’il répondra aux questions de la justice.

    Quel est votre état d’esprit à l’approche de votre procès?

    Je suis serein et calme. Il s’agit d’un procès contre la démocratie et contre la société civile. Nous utiliserons ce procès non pas pour nous défendre, mais pour accuser l’État espagnol d’avoir violé des droits fondamentaux dans l’unique but de protéger son unité territoriale et de criminaliser le mouvement pour le droit à l’autodétermination de la Catalogne.

    Personnellement, je suis heureux : en tant que prisonnier politique, j’ai le privilège de pouvoir me battre pour une cause juste. Je suis prêt à être condamné et à passer plusieurs années en prison pour obtenir la liberté de la Catalogne. Notre détention est utile : elle permet de dénoncer dans le monde entier l’attitude de l’état espagnol. Je sais que ce sera difficile, mais historiquement, dans la lutte pour la démocratie, il n’y a jamais eu de place pour la tristesse ou les lamentations.

    Etes-vous un homme différent après 15 mois de détention provisoire ?

    La prison n’est pas une expérience facile, mais j’en retire des choses positives. J’ai perdu la peur et je vis le présent avec plénitude. Lorsque vous réalisez que vous n’avez plus peur, vous vous sentez libre et c’est ce qui m’est arrivé en prison.

    Revenons sur le référendum du 1er octobre 2017. C’était une révolution pacifique ? Une simple mobilisation ? Une tentative de sécession unilatérale ?

    Le mouvement pour le droit à l’autodétermination de la Catalogne a toujours été pacifique. On peut parler de Révolution démocratique en effet. Ce qui s’est passé le 1er octobre était l’expression de ce mouvement : un exercice de désobéissance civile, comparable aux marches des droits civiques aux États-Unis, à Mai 68, à la lutte pour le droit de vote des femmes ou au mouvement pour l’abolition du service militaire obligatoire. Voter pour décider de son avenir, c’est la manière la plus pacifique qui existe. Il est important de souligner que nous sommes toujours ouverts au dialogue, mais n’oublions pas que 80% de la population considère que la solution au conflit est un référendum d’autodétermination pacté avec l’Etat. À ce jour la répression a été la seule réponse de l’Etat. C’est une réponse désespérée qui trahit les faiblesses et les peurs de l’état.

    La justice devrait-elle faire une distinction entre les dirigeants catalans, qui étaient au pouvoir, et vous, qui n’étiez qu’un activiste?

    Les accusations sont totalement infondées pour tous les accusés. La rébellion exige l’utilisation d’armes et la sédition de lancer des appels explicites à la violence. Dans mon cas et celui de Jordi Sànchez (l’autre leader issu de la société civile) l’absence de fondement est encore plus criante. Nous serons jugés pour avoir exercé des droits fondamentaux comme le droit de manifestation et celui de la liberté d’expression. Nous serons d’abord jugés pour nos idées et notre activité pacifique.

    Pourquoi n’avez-vous pas quitté le territoire espagnol en 2017, comme l’a fait Carles Puigdemont?

    C’est une décision très personnelle et je respecte profondément ceux qui ont décidé de prendre le chemin de l’exil. Dès le printemps 2017, je savais que certains d’entre nous pouvaient finir en prison et nous devons être conscients que d’autres leaders pourront y aller dans le futur.

    Mis à part quelques exceptions, peu de personnalités politiques en France vous ont apporté leur soutien. Comment expliquer vous cette relative indifférence ?

    La France est un pays complexe avec une conception très centralisatrice de l’État mais avec des valeurs républicaines auxquelles beaucoup de catalans se sentent pleinement identifiées. Je respecte le fait qu’une partie importante de l’opinion publique française puisse être en désaccord avec l’indépendance de la Catalogne, mais j’espère que tout le monde est d’accord pour défendre les droits de l’homme partout dans le monde et en particulier en Europe.

    Je suis heureux malgré tout de voir que des personnes se positionnent publiquement pour défendre la démocratie en Catalogne. J’ai été particulièrement touché par les visites de José Bové et Marie-Pierre Vieu. (eurodéputée PCF de Tarbes)

    Comment voyez-vous votre avenir?

    Je ne sais pas de quoi sera fait le futur mais ma priorité n’est pas de sortir de prison, la priorité est d’aller de l’avant dans la résolution du conflit politique. Je ne demanderai pas pardon, car cela reviendrait à admettre que nous sommes des délinquants. Cela fait longtemps que ma personne est passée au second plan.

    La Catalogne sera indépendante dans les prochaines années ?

    Ce que je veux, c’est que la Catalogne puisse être ce que ses citoyens veulent. La Catalogne doit poursuivre dans cette voie démocratique, civique et pacifique. Le référendum du 1er octobre en est la preuve. Nous ne devons rien abandonner. Notre lutte est la même que celle des combattants du siècle dernier comme Romain Rolland, Altiero Spinelli, Martin Luther King ou encore Rosa Parks.

    Comment voyez-vous l’arrivée de Manuel Valls à Barcelone?

    Barcelone est la capitale de la Catalogne, une ville ouverte sur le monde où chacun peut se présenter en tant que maire. Monsieur Valls est le bienvenu, mais il doit savoir que le discours de la confrontation sociale, la réduction des libertés au nom de la sécurité dans les rues et de l’anti-catalanisme le plus viscéral, ne trouveront pas leur place au sein de la société barcelonaise.

    Une figure des Gilets jaunes était récemment à Barcelone à l’invitation des indépendantistes. La mobilisation en France semble recueillir une certaine sympathie dans vos rangs. Pourriez-vous vous inspirez du mouvement des Gilets jaunes ?

    Je respecte absolument tous ceux qui luttent pour un meilleur avenir et qui s’impliquent activement. La France est une référence historique en la matière. Nous sommes de fervents défenseurs de la désobéissance civile en tant qu’instrument de transformation de la société. Cela sous-entend que la non-violence est la seule limite à nos actions et à nos revendications.

    Jordi Cuixart, président d’Òmnium Cultural actuellement en détention

    Propos recueillis par Henry de Laguérie, correspondant de La Dépêche à Barcelone
    Source : https://www.ladepeche.fr/2019/02/11/jordi-cuixart-president-domnium-cultural-un-proces-contre-la-democratie-et-la-societe-civile,8007669.php

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  2. Desbois

    La démocratie s’obtient en votant des décisions et non en votant des tuteurs qui décident à notre place.
    Non à la tutellecratie, oui à la democratie

    Réponse

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